Un oeil allemand sur la Turquie
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Katja HeiseUne jeune étudiante allemande expérimente le dialogue des cultures en Turquie. Un témoignage qui illustre le premier forum mondial pour l'Alliance des civilisations.
« Mes parents font partie de la dernière génération en Allemagne à avoir été éduquée de manière religieuse. Dans les années 60 et 70, dans notre petit village montagnard conservateur, on allait à l’église le dimanche, on ne portait pas de jeans à l’école et on ne mangeait pas de viande le vendredi.
Pourtant, ils ont donc décidé de ne pas m’éduquer dans la tradition chrétienne. A la place, ils m'ont parlé de principes et d’une morale issus de la pensée de Kant pour penser par soi-même, de la raison et de leur amour parental. Ils m’ont éduqué avec un sens des valeurs éthiques mais sans suivre de principes religieux et ont éveillé en moi un désir profond d’analyser tout ce qui croisait ma route.
Deux Islams en Turquie
Avec le travail de mon père au sein du Ministère des Affaires Etrangères, j’ai beaucoup voyagé avec ma famille. A l’âge de 22 ans, on m’a encouragé à étudier pendant un semestre à Istanbul. J’ai accepté car je n’avais jamais côtoyait l'Islam au quotidien.
Et j’ai finalement rencontré deux types de personne. Des individus qui suivent tous les principes de l’Islam, y compris jeûner pendant le mois du Ramadan, ne pas boire d’alcool ou ne pas avoir de relations sexuelles avant le mariage. Mais également des gens qui se considérent comme 'séculaires', ce qui, à l’origine, signifie être contre l’influence de la religion dans les affaires de l’État.
Ce qui est intéressant chez ces derniers, c'est qu’ils semblent avoir davantage peur de l’Islam radicale que les New-yorkais les plus islamophobes. Par exemple, quelqu’un m’a dit que si Abdullah Gül, le Ministre des Affaires Etrangères, était élu président, le gouvernement turc forcerait toutes les femmes à porter un foulard. Alors qu'une prédiction politique aussi simpliste fait lever les sourcils de surprise tous mes interlocuteurs.
Respecter la foi
En Allemagne, la religion joue un rôle important dans la vie publique. On peut s’en servir à des fins politiques. Pourtant, mes grands-parents et leur génération sont les seuls à considérer la chrétienté comme faisant partie intégrante de leur vie. Croire est désormais considéré comme une attitude démodée, voire même étrange.
Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Il est impossible de donner une réponse catégorique puisque ce développement est à la fois bon et mauvais. On peut utiliser la religion à des fins négatives dans des buts politiques comme par exemple en Irlande avec les Catholiques et les Protestants ou en Iran avec l’Ayatollah Khomeini. Cette attitude est dangereuse et peut entraîner violences et injustices.
D’un autre côté, il est impressionnant de voir comment certaines personnes en Turquie peuvent se mobiliser pour leurs principes, basés sur les règles de l’Islam. Des filles portent fièrement leur foulard même si cela peut être au détriment de leur vie professionnelle. Les hommes résistent à la tentation d’avoir des relations extraconjugales en attendant de se marier avec leur fiancée.
Et comme la religion est un sujet sensible en Turquie, on peut en discuter assez franchement. Tout du moins, cela a été le cas avec les personnes que j’ai rencontrées. Je me suis beaucoup amusée et j’ai également appris beaucoup en discutant religion et morale avec des Musulmans.
Regard du diable
Je me suis également heurtée à une certaine forme d’incompréhension. Une femme, reconnue pour être experte en féminisme religieux, m’a dit qu’une mère allemande ne pourrait jamais aimer son enfant autant qu’une Musulmane. Je me souvenais de ma mère et de son amour inconditionnel pour moi et ce commentaire basé sur des préjugés et un manque de compréhension m'a fait mal.
J’ai dit à mes amis musulmans que si un jour j’avais une fille, je lui dirais que se voiler n’est pas bien. J’ai souri à l’intérieur de moi, attendant une certaine résistance de la part de mes interlocuteurs étaient en faveur du voile, mais ils se sont contentés de faire 'oui' de la tête et restèrent silencieux, sans montrer aucun signe de protestation.
Alors quand ils m’ont parlé du phénomène du « nazar », le regard du diable d’une autre personne qui vous donne des maux de tête, j'ai voulu immédiatement dire que ces propos valaient bien les bûchers élevés pour les sorcières en Europe. Mais j’ai simplement acquiescé et suis restée silencieuse.
L'auteur a 23 ans et étudie les sciences politiques à Magburg où elle passe une année Erasmus à la fois en France et à Istanbul. Une expérience qu'elle relate pour Cafébabel.com et le journal turque Today's Zaman
Photos : responsable des Nations unis Ban Ki Moon et le le Premier ministre Zapatero inaugurent le premier forum mondial de l'Alliance des civilisations à Madrid, le 15 janvier.
Pour aller plus loin" Islam in Europe" un babelblog!
Translated from Turkey through German eyes