Le Kremlin contre le reste du monde ?
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gilles pansuSécurité énergétique, terrorisme, maladies infectieuses ou éducation seront au menu du G8 2006. Trouver un consensus ne sera pas chose facile.
Du 15 au 17 juillet 2006, les dirigeants du groupe des 8 - Canada, USA, France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Russie et Japon, accompagnés d'une délégation de l'UE - vont se rassembler en terres russes pour leur rendez-vous annuel. Plusieurs événements auront marqué 2005 : la crise de l'énergie entre la Russie et l’Ukraine, les problèmes au Moyen-Orient, mais aussi la peur suscitée dans le monde entier par le virus de la grippe aviaire. Poutine a déjà adopté des positions controversées sur nombre de ces thèmes. Saint- Pétersbourg, la plus européenne des villes russes, risque de ne pas être aussi accueillante que d'ordinaire.
En panne
La sécurité énergétique sera probablement le sujet de préoccupations numéro 1. La situation actuelle est bien connue: le prix du pétrole grimpe, paralysant la croissance économique dans de nombreuses régions du monde, y compris en Europe. La Russie est le principal fournisseur de gaz et le deuxième exportateur mondial de pétrole derrière l'Arabie Saoudite. Le Kremlin entend bien tirer parti de cette position de force pour atteindre plusieurs de ses objectifs : la création d'un centre international pour l'enrichissement de l'uranium à l'intérieur de ses frontières et la confirmation de son rôle de fournisseur mondial d'énergie. Poutine demande en outre que le marché international de l'énergie soit ouvert à son entreprise d'Etat géante Gazprom. Côté face, le Président russe refuse d’ouvrir son propre marché énergétique aux sociétés étrangères, une pilule dure à avaler pour ses concurrents internationaux. Même la Charte européenne de l'énergie, censée mener à des accords bilatéraux, n'a pas encore été ratifiée par le gouvernement de Poutine.
L'Europe et les USA se retrouvent ainsi dans une dangereuse position : elles ont déjà pu constater le danger de la prédominance énergétique de la Russie lorsqu’elle avait coupé le robinet de gaz de l’Ukraine en guise de représailles en janvier dernier, touchant indirectement les marchés européens. La leçon d'une telle crise : impossible de tenir les politiques de l'énergie à l'écart de la géopolitique.
Chauffage central et réchauffement de la planète
L'environnement est un autre sujet de divergences. Pourtant sur le papier, la plupart des pays du G8 semblent d’accord. Priorité est donnée au développement de centrales énergétiques plus efficaces afin de réduire les émissions dues aux combustibles d'origine fossiles. Le deuxième objectif : utiliser plus largement les énergies alternatives comme l’éolienne, la solaire et les combustibles d'origine organique. Enfin, chaque pays devrait trouver de nouvelles méthodes pour réduire la consommation de combustibles.
Néanmoins, ces engagements pourraient rester lettre morte car jusqu'aujourd’hui, la Russie a continué sa politique d'expansion de centrales nucléaires et d'oléoducs sans jamais se préoccuper d’écologie. L'Europe est-elle capable de faire entendre sa voix à la Russie ?
Terrorisme, non-prolifération et conflits régionaux
Le dossier explosif du nucléaire iranien jette une autre ombre sur ce G8. Face à Téhéran, chaque pays a adopté sa propre stratégie qui va de l'hostilité ouverte de Washington à la conciliation amicale entretenue par la Russie, cette dernière s'opposant à des sanctions de la part du conseil de sécurité de l'ONU. Pourtant, la Maison Blanche est ouverte aux négociations. La nouvelle stratégie retenue est celle de la carotte et du bâton : coopération dans le domaine civil et sanctions si l'Iran ne met pas fin à certains éléments de son programme nucléaire. La position de la Russie durant le G8 aura une forte influence la réussite de cette tactique.
La Russie tente d'ailleurs d'éviter tout débat sur d'autres crises régionales : en Géorgie, en Moldavie, en Tchétchénie et au Biélorussie, des situations tendus dans lesquelles elle est profondément impliquée. Si les USA et l'Europe souhaitent coopérer avec Moscou pour lutter contre le terrorisme islamique, ils pourraient être obligés de modérer leurs critiques à l’égard de l'attitude jusqu'au-boutiste de la Russie vis-à-vis de ces pays.
Un commerce plus équilibré
L’un des objectifs historiques du G8 est l'amélioration du commerce mondial, vu comme une chance pour la croissance de nombreux pays en développement. La Russie pourrait inciter le G8 à se pencher sur la croissance des pays post-soviétiques. Une fois encore, la position du Kremlin dans ces négociations est à double facette : Poutine pourrait demander une aide économique sans pour autant renoncer à son influence dans la région.
Une épidémie de culture
Deux autres sujets prévus dans les débats concernent la lutte contre les épidémies et l'éducation dans le monde. Une solution possible pour combattre la propagation des virus pourrait être la mise en place d'un réseau international de veille épidémiologique sous l'égide de l'ONU. La menace de la grippe aviaire, ainsi que l'expansion du sida en Russie et au-delà, rend ce réseau plus que jamais nécessaire. L'OMS devrait aussi recevoir une aide destinée au financement de nouveaux hôpitaux et à de campagnes de vaccination en Afrique et en Asie.
Par ailleurs, davantage d'argent pourrait être affecté aux programmes d'éducation menés dans les pays en développement. Etant donné les liens étroits tissés entre l'éducation, la croissance et l'intégration, l'effort ne peut uniquement venir du secteur public. Les investissements dans des programmes éducatifs efficaces devraient être encouragés dans le secteur privé au moyen d’aides financières et de réductions d'impôts.
Parvenir à un consensus sur ces sujets reste la meilleure chance des 8 de montrer une unité de façade et un «visage humain» face à l'opinion publique.
Photo by Lars Sundröm, Alexander Abolinsk, Xavier Ruiz and Hugo Humberto Placido da Silva
Translated from G8 in Saint Petersburg: Russia vs. the rest of the world?