En Espagne, la crise n'est pas un jeu d'enfant
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Timothée GrilletL'Espagne est le second pays de l'Union européenne à détenir le taux de pauvreté relative le plus élevé, juste derrière la Roumanie. Sur les presque 20 millions d'enfants européens en proie à la pauvreté, plus de 13 % sont espagnols. Deux ONG nous mettent en face des politiques de l'enfance défaillantes.
En Espagne, en 2014, presque 30 % des enfants sont aux portes de la pauvreté et de l'exclusion sociale selon une récente étude menée par l'UNICEF. Déjà en 2007, quand « l'excuse officielle » de la crise ne faisait pas encore partie du langage courant, le taux de pauvreté chez les enfants espagnols dépassait les 26 %. « Il est évident que la crise n'est pas l'unique responsable de la pauvreté infantile », explique Alberto Casado, coordinateur des campagnes d'Ayuda en Acción (organisation non-gouvernementale, ndt) à cafébabel. « Comme dans les autres domaines socio-économiques, la crise a mis en évidence les faiblesses du système actuel, dans lequel la consommation et la croissance ont été, et sont toujours, les principaux indices de mesure. Quand ces deux moteurs ont cessé de fonctionner, peu ou prou, nous l'avons senti. »
À la fin du mois de mars, plusieurs ONG ont sonné l'alarme alors que l'Espagne détenait le deuxième taux de pauvreté infantile le plus élevé, juste derrière la Roumanie. « La pauvreté infantile n'a pas de frontière. Actuellement, ce sont presque 27 millions d'enfants qui sont au bord de la pauvreté ou de l'exclusion sociale en Europe. La crise économique et financière a gravement affecté les enfants de tous les pays européens, même dans les pays nordiques qui connaissent peu d'inégalités » explique Ester Asin Martínez, directrice et représentante pour l'Union européenne de Save the Children.
DES Fonds inégalement répartis
Après l'annonce de cette nouvelle, le gouvernement espagnol a finalement réagi mi-juillet, en allouant un fonds extraordinaire de 17 millions d'euros dans le but de lutter contre la pauvreté infantile dans le pays. Toutefois une polémique a éclaté en raison d'une répartition inégale entre les différentes régions. Par exemple, l'Andalousie recevra 1,9 euros pour chaque enfant en proie à l'exclusion, contre 55 pour La Rioja ou 148 pour Melilla. Or, selon les experts en politique sociale, la répartition porte particulièrement préjudice aux régions les plus peuplées.
Après que plusieurs régions comme la Catalogne ou les Asturies se soient plaintes, le ministère de la Santé a finalement accepté de revoir les critères utilisés pour la répartition. Pour Save the Children, c'est un bon signal de la part des politiques, même s'il reste encore beaucoup à faire. Ils évoquent par ailleurs l'existence de 1 897 700 foyers au chômage. « Ces personnes là sont obligées de se serrer la ceinture et ce à tous les niveaux. Cela a des répercussions évidentes sur la vie quotidienne des enfants. Ce sont des cas comme ceux-là qui ont fait exploser les chiffres sur les risques de pauvreté et d'exclusion sociale. Tout comme l'appauvrissement d'une partie de la population qui, d'une situation « normale », s'est retrouvée à alimenter ces mêmes statistiques. Par ailleurs, ceux qui s'étaient retrouvés auparavant dans cette situation, ont vu leurs conditions de vie se détériorer durant les dernières années », avertit l'ONG dans son rapport sur la pauvreté infantile et l'exclusion sociale en Europe.
Chômage et échec des politiques éducatives
En ce qui concerne l'enfance, Alberto Casado déplore l'absence d'un bon système de protection sociale, ce qui a toujours contraint la population touchée à s'appuyer sur les réseaux familiaux, à qui on laisse toutes responsabilités pour le bien-être des enfants. Selon les derniers rapports, l'Espagne consacre 1,4 % de son PIB aux politiques de l'enfance et de la famille, un chiffre clairement inférieur à la moyenne européenne qui tourne autour des 2,2 %. « En outre, depuis 2007, les financements consacrés à l'enfance et à la famille ont été réduits de 15 %. Par ailleurs, il n'y a pas eu d'études concernant l'impact direct que d'autres politiques pouvaient avoir sur l'enfance, comme les politiques d'emploi, de conciliation et éducatives », explique Casado. Il donne des exemples pour donner un aperçu de la situation actuelle : d'une part, il y a la réalité d'un taux de chômage historiquement élevé en Espagne, et ce même avant la crise, qui touche spécialement les foyers comptant des enfants. De l'autre, il y a le cas des politiques éducatives : « les réformes successives n'ont pas servi de base à une solide politique éducative de consensus qui aurait été capable de freiner l'échec scolaire, source constante de risque d'exclusion ».
Translated from En España la crisis no es un juego de niños