Andrew Bird: «Le folk, c’est comme le hip hop»
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AnickaSifflotant sur scène comme un fou sorti de sa boîte, ce songwriter américain, jamais loin de son violon, était en tournée en Europe à cheval entre l’été et l’automne. Rencontre avec un poète du folk.
Andrew Bird vit dans une ferme de l’Illinois, et c’est là qu’il crée ses mélodies dans lesquelles se mêlent violons, guitares, voix et sifflements. Elles font de lui l’un des meilleurs représentants du renouveau de la musique folk via le rock indépendant. Son tout dernier album, Noble Beast (Fat Possum-Bella Union), a enfin réussi à toucher un public plus large sur le marché américain, et il reçoit les éloges des pays européens, dans lesquels Andrew Bird est en tournée ce mois-ci.
L’été passé, lors du festival de la Route du Rock, qui a lieu dans le vieux fort de Saint Malo, c’est un Andrew Bird très détendu qui expliquait : « Cet endroit ressemble beaucoup aux environs de ma ferme, même si ici il y a des murs fortifiés. L’eau n’est pas loin : moi, c’est du Mississipi dont je suis proche. » Grâce à une carrière de plus de dix ans, ce musicien touche-à-tout de 36 ans nous propose un mélange unique de classicisme et d’avant-gardisme qui le place sur un terrain magique, bien au-delà de la folk indépendante.
Vous sentez-vous à l’aise dans ce genre de festivals ?
J’aime bien les musiciens comme Grizzly Bear, Dominique A et Bill Callahan. Hier, j’ai aussi apprécié de jouer au Haldern Pop Festival, proche de Düsseldorf, où Grizzly Bear et Bon Iver étaient présents. Ce sont de bons amis. Mais sinon, c’est vrai que je n’écoute pas beaucoup de rock indépendant, car j’ai l’impression que je n’en apprendrais pas grand-chose. Je préfère écouter de la musique d’avant-guerre, car je m’identifie plutôt à ce qui est un peu éloigné de l’industrie discographique. Non que cette dernière soit entièrement corrompue. Bref, vous m’avez compris…
Mais vous ne fuyez pas pour autant les émissions télévisées populaires…
Dans mon travail, aucune décision n’est définitive : cela fait trop longtemps que je fais ma propre musique pour rentrer dans le moule. Si j’avais sorti un hit à 22 ans, j’aurais dû continuer dans la même lancée pour que le public soit satisfait. Mais aujourd’hui, l’industrie ne préfabrique plus de groupes de pop. Au contraire, elle se dirige de plus en plus vers des musiciens capables de répondre à leurs attentes et capables de chanter.
Etes-vous célèbre à Chicago ?
Je passe parfois inaperçu aux Etats-Unis. Ça dépend. Je peux me promener toute la journée sans que personne ne m’accoste. Cela ne veut pas dire que les gens ne me reconnaissent pas, mais juste qu’ils ne m’approchent pas.
Les artistes disent souvent que leur meilleur album est le dernier. C’est ce que vous pensez de Noble beast ?
« En fait, la musique folk au sens propre n’aurait nullement besoin d’être enregistrée… »
C’est mon prochain album qui sera le meilleur (il rit). Pour moi, c’est plus stimulant de penser que mon meilleur album reste à créer. J’étais très satisfait de Wheather systems (2003) et de Mysterious Production of Eggs (2005), mais je n’aime pas l’idée d’un « meilleur album » : je préfère laisser sa chance à l’album suivant. Cela dit, J’ai l’impression que je chante mieux durant les festivals que sur mes disques.
Participez-vous au renouveau du folk, comme d’autres musiciens de votre génération ?
Il est possible que je sois imprégné de musique folk, mais je ne pense pas que ce que je compose actuellement en soit. Pour moi, tout est folk, même le hip-hop. Il s’agit de sons produits par des hommes. Mais pour que l’on puisse les qualifier de folk, il faut qu’ils soient intégrés à la tradition orale, qu’ils soient transmis d’une personne à une autre. Il s’agit de quelque chose en constante évolution, d’une tradition vivante. En fait, la musique folk au sens propre n’aurait nullement besoin d’être enregistrée…
Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec Emily Loizeau ?
C’était il y a un moment déjà, à Paris, en 2006. Cela m’a plu, car j’aime ce qu’elle fait. Malheureusement, nous avons seulement travaillé une journée en studio, avec ma batterie. Et il y a quelques mois, nous avons joué ensemble au Printemps de Bourges.
Vous sentez-vous plus à l’aise lorsque vous jouez seul ou bien avec d’autres musiciens ?
Pour moi, la collaboration avec d’autres musiciens n’est pas tout à fait naturelle. Je vois plutôt cela comme un lien social, et d’ailleurs j’y reviens de plus en plus. En groupe, tout dépend de la façon dont joue le guitariste et de ce qu’il apporte à la chanson. Cela dit, et même si j’aime cet esprit de camaraderie, je pense que ma musique la plus intéressante, c’est seul que je l’ai jouée.
Existe-t-il de grandes différences lorsque l’on chante en Europe ou aux Etats-Unis ?
Euh… En Europe, nous n’atteignons pas nos objectifs, et nous perdons beaucoup d’argent. Mais parfois, c’est fantastique : par exemple, les publics espagnols et portugais sont vraiment très accueillants. En revanche, c’est quelquefois une amitié hypocrite. De plus, en Europe, tu es en déplacement constant, et tu te demandes toujours ce qui te sera donné et ce qu’il te faudra réclamer. Cela te donne l’impression que l’on s’occupe de toi comme d’un touriste. Par contre, aux Etats-Unis, tu dois t’occuper de tout toi-même : c’est très transparent, et tu organises les choses à ta façon. Alors que quand on se déplace d’un pays à l’autre, on se sait jamais sur quoi l’on va tomber, et il y a beaucoup de malentendus.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Je pense que le meilleur endroit où j’ai joué, c’était en Allemagne. En mai, nous avons joué dans un petit local de rock, humide et sale. Nous arrivions de salles de concert de style music-hall, et à Cologne, nous nous sommes retrouvés dans cet endroit qui pouvait accueillir cinquante personnes, agglutinées et transpirantes. Et nous aussi, nous étions collés les uns aux autres. Ça a été un moment magique : pendant des années, j’avais joué dans des locaux de rock aux Etats-Unis, mais j’avais oublié cette sensation de proximité.
Translated from Andrew Bird: Silbando desde Chicago