Une histoire de vieux couple
Published on
Partenaire privilégié avec des zones d’ombres, le petit Etat helvétique ne semble guère évoluer dans sa réflexion pour intégrer l’Europe.
« Le Suisse trait sa vache et vit paisiblement », disait ironiquement Victor Hugo. Au delà de la boutade de l’écrivain français, pourquoi la Suisse, pays riche, démocratique, fédéral, au coeur de l’Europe, aux 4 langues officielles et possédant une longue histoire de multiculturalisme à l'intérieur même de ses frontières n’a pas trouvé un intérêt à s’intégrer à l’Union ? On peut trouver agaçant, alors que l’Europe s’élargit, que des pays jugés neutres comme la Suède ou l’Autriche aient parfaitement réussi leur intégration alors que la Suisse se refuse toujours à l’Europe.
Partenaire privilégié
Christa Markwalder est présidente du NOMES, le Nouveau mouvement européen suisse. Elle milite pour « devenir membre de l'UE car nous partageons les mêmes valeurs fondamentales telles la démocratie ou le respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit ».
Néanmoins, la Suisse n’est toujours pas membre de l’Union européenne et selon beaucoup d’observateurs elle n’est pas prête à franchir le cap. Depuis le 6 décembre 1992 et le « non » au référendum organisé pour l’adhésion à l’Union, la Suisse et l’Europe suivent des chemins en parallèle. Markwalder souligne ainsi que « la Suisse n'est pas prête d'être membre. Chaque accord bilatéral rapproche un peu plus la Suisse de l'UE tout en l'éloignant davantage de l'intégration».
En effet, ces accords ont donné à la Suisse le sentiment que sa situation de partenariat privilégié est une réussite et qu’elle n’aurait rien à gagner à rejoindre l’Union européenne, le statu quo étant préférable à une intégration complète en Europe.
Prospérité, armée et secret bancaire
Mais pourquoi ? La réponse à cette question, il faut la trouver dans l’histoire même de la Suisse. Après la Seconde Guerre Mondiale, la Suisse s’est largement enrichie : la guerre l’a épargnée, ses voisins autour d’elle sont exsangues et affaiblis.
Dans les années 50, il n’y a donc aucun intérêt pour la Suisse à rejoindre les fondateurs de la CEE. Elle n’y trouve pas son compte commercialement, car en tant que petit pays ses droits de douanes sont importants. En outre, le pays produit principalement des biens à forte valeur ajoutée et importe toutes ses matières premières. Politiquement, le principe de neutralité helvétique a fait ses preuves.
« L’adhésion à l’Europe inquiète les Suisses. Ne produit t-elle pas beaucoup d’inconvénients ? Beaucoup de Suisses s’effraient à l’idée d’avoir à renoncer à des valeurs qui ne sont souvent que des usages confortables, une routine, qu’ils, ont érigés en tabou,» analyse Jean François Bergier, un historien suisse. « Ils se retranchent derrière leur ‘cas unique’ qui ne l’est pas. »
De fait, la Suisse donne cette image d’un pays centré sur lui-même, à l’image de son armée ne participant pas aux actions pour le maintien de la paix. Pourtant, la Suisse possède des effectifs considérables avec près de 140 000 soldats.
De même, le fameux secret bancaire rsete une tache noire sur l’image bien nette du pays. Pour l’écrivain et sociologue, Jean Ziegler, « le secret bancaire est la principale source de la prospérité des établissements financiers helvétiques. L’argent du blanchiment, de la corruption, des trafics et, surtout, de l’évasion fiscale a pu y fructifier en toute sécurité. » Même si, un juge d’instruction se doit de fournir des informations et de lever ce secret dans les cas des procédures pénales.
Il est probable que la Suisse et l’Europe se vouent dans un futur plus ou moins proche à une destinée commune. Mais arrivera le jour, où l’Europe, lassée d’attendre, car sans cesse éconduite par une demoiselle un peu trop capricieuse, tournera les yeux vers d’autres prétendants.