Le cinéma contre la mafia : toile de fond à Paris
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Cécile VergnatEn plein coeur de la rive droite à Paris se trouve une « île de solidarité » entièrement italienne. Durant la soirée du mardi 5 mars à Ethicando, un concept store qui fait le pari d’allier commerce et combat social, la France s’est intéressée à l’un des sujets les plus épineux affectant l’Italie : la mafia.
Le phénomène mafieux est un problème international c’est pourquoi il est donc affronté comme tel. C’est le message véhiculé haut et fort par le président des associations Cinemovel, Flare et Ettore Scola. Afin de s’assurer que la nouvelle arrive aux oreilles de tout le monde, les deux organisations antimafieuses se sont unies autour d’un projet commun : « Cinéma Libre en Terre Libre ». L’initiative italienne n’en est pas à ses premiers pas puisqu’elle a d’ores et déjà réalisée un tour ambitieux : traversant la péninsule de long en large avec 21 étapes nationales, elle a déjà osé élever la voix dans les villes où est né le fléau mafieux. Après Cinisi, Corleone, Castel Volurno, le cinéma italien contre la mafia va se déplacer dans quatre villes européennes qui constituent chacune à leur façon un symbole de la lutte contre la criminalité organisée. Les villes en question sont Paris, Bruxelles, Marseille et Duisbourg, mais qui sait si le tour n’ira pas explorer d’autres destinations.
Agora versus mafia
« Nous ne pouvons pas juste laisser la justice combattre la mafia, il faut un changement de culture qui serve de prélude à un changement social », c’est ainsi que s’ouvre la discussion lancée par Maria Chiara Prodi, une représentante de Libera International. L’objectif est de combattre la criminalité, mais aussi la peur, par le son et les films. Car la musique et le cinéma sont un outil universel, capable de délivrer le même message à tout le monde, et ce, malgré les barrières linguistiques et historiques. Don Luigi Ciotti, l’un des fondateurs de l’association, défend cette cause depuis plusieurs années.
« C’est aujourd’hui plus facile de parler de mafia à Corleone qu’à Milan. Il est plus difficile d’accepter la présence de la mafia au nord »
Les films qui seront projetés sont encore un mystère, mais ils ne seront pas nécessairement décidés en fonction de la ville qui les diffusera. « Les films sont avant tout un prétexte : il faut que notre regard se tourne vers les réalités locales. Les films sont compatibles partout. Le but étant que le sujet fasse bouger les communautés locales. » Les films semblent plutôt être une occasion pour se rencontrer et donner vie à ce que les organisations appellent les « places universelles ». Il est vital que des agoras, lieux de rassemblement, de discussion et de débat sur des questions sociales qui se heurtent encore à de nombreux préjugés, s’établissent un peu partout. Le but est d’occuper au moins symboliquement un lieu public en signe de protestation contre ceux qui massacrent le patrimoine public. Placidio Rizzotto est un film qui sera très certainement présent, mais Fabrice Pizzoli, représentant de Flare en France aimerait également voir un film français sur les écrans, et plus particulièrement Un prophète, film qui a remporté le Grand prix du jury du Festival de Cannes en 2009. Cela permettrait aux gens de pouvoir totalement s’identifier dans la projection en retrouvant des environnements et des situations qui leur sont familières.
Afin de n’oublier aucun outil universel et conscient que le changement passe par la participation, l’équipe de Cinemovel a décidé d’exploiter toute la potentialité de l’univers d’Internet en faisant appel à une plateforme française de crowdfunding – système de financement participatif - afin de soutenir le projet : KissKissBankBank accueillera la collecte pendant plus de deux mois.
Du Mozambique à Paris
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Comme l’explique Cristina, associée d’Ethicando, le projet n’en est pas à ses premiers balbutiements : « les 23 et 24 juin de l’année dernière, grâce à la collaboration de la ville du treizième arrondissement de Paris, nous avons pu organiser une première projection à l’Université Paris VII – Denis Diderot. Depuis, Ethicando essaye de comprendre et de déchiffrer la mafia ainsi que le phénomène de résistance qui se développe en Italie afin de pouvoir le combattre. Le bistrot utilise et vend uniquement des produits provenant des terres confisquées aux mafieux. Elles sont cultivées par des coopératives pour la récupération des déchets : « ici personne ne connaît le concept de confiscation, et pour chaque nouveau client, nous nous engageons à expliquer ce que veut dire le mot mais aussi ce qu’il y a derrière ».
En conversation sur Skype depuis l’Italie, Vincenzo Bevar, qui fait partie du groupe de Cinemovel, raconte comment est née l’idée d’un cinéma itinérant contre les mafias : en 2006, il y a désormais presque sept ans, « le projet de base est né au Mozambique et était social et sanitaire. C’était une aventure incroyable d’amener le cinéma dans un endroit où les gens ne savent pas de quoi il s’agit. C’est seulement plus tard que nous avons pensé à utiliser le même projet dans un but différent. C’est aujourd’hui plus facile de parler de mafia à Corleone qu’à Milan. Il est plus difficile d’accepter la présence de la mafia au nord ».
« Qu’il s’agisse de Paris ou de Milan, le nombre de condamnation pour des crimes mafieux est plus élevé qu’au sud. » Fabrice Rizzoli ajoute que « l’attitude des gens ne change pas. La mafia est encore couverte par la loi du silence, c’est quelque chose qu’il faut cacher et refuser. C’est quelque chose qui ne les concernent pas. » L’idéal semble donc de donner vie à un vrai programme d’acceptation qui impliquerait tous les citoyens sans distinction, sans se baser sur leur proximité au problème, ni attendre qu’ils soient directement touchés pour qu’ils se décident à intervenir.
Photos :© Cinemovel Foundation
Translated from Cinema contro le mafie: l'Italia etica nel cuore di Parigi