La vampire attitude : plus d’amour, moins de sexe
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Emmanuel HaddadUrban horror, supernatural teen drama, new gothic : quelque soit le nom qu’on veut donner à ce microcosme littéraire (à l'origine) et cinématographique (par la suite), une chose est sûre, quand on a entre 13 et 28 ans, on se sent plus à l’aise entre un vampire et un loup-garou que dans le monde réel. De la saga de Twilight aux séries télés qui en dérivent, il n’y a qu’un pas. La recette ?
Homme : jeune, beau et ténébreux. Femme : pure, fascinante et immaculée… Mais au final, pas de sexe (surtout pas le premier soir).
Si vous demandez à un auteur de best-seller comment faire pour obtenir un scénario efficace, il vous répondra : « Prenez un personnage, faites-le tomber follement amoureux, mais attendez le plus possible avant de le faire rencontrer l’objet de son désir, et faites-le rencontrer des obstacles à surmonter ».
Adolescents = éponges
Rien de plus facile et efficace. Les supporters du coitus interruptus le savent bien. Enfin pour compléter la recette, ajoutez un peu de surnaturel et faite cuire au bain marie, livre après livre et film après film… Vous obtiendrez de l'Urban Horror, genre littéraire qui, depuis la saga Twilight de Stéphanie Meyer, non seulement rempli les poches des maisons d’édition et des producteurs américains ; mais aussi monopolise l’imaginaire de ses adolescents.
Parce que les passions sont si difficiles à contrôler, et que la frontière entre réalité et fiction risque de devenir toujours plus mince. Ce que confirme par Michel Haneke, un des plus grands scénaristes européens : « Dans mes films – Funny Games - j’essaie de montrer la différence entre la réalité et l’image de la réalité », a-t-il dit pendant une conférence à l’institut Goethe de Paris. « Souvent, regarder l’image de la réalité tous les jours nous créé l’illusion que c’est la vérité… Mais ce n’est pas aussi simple ». Un constat encore plus vrai pour les ados. Selon Maria Nikolajeva, professeur de littérature à l’université de Cambridge et spécialisée sur la littérature des jeunes, « le cerveau des jeunes est une sorte d’éponge assoiffée de savoir : résultat, ils apprennent vite et beaucoup, mais n’ont pas les instruments pour filtrer ces informations ».
Pouvoir de séduction
Vous êtes encore surpris qu’après la « Twilight mania », on retrouve deux vampires et un loup-garou dans le Top 3 des hommes les plus sexy de la planète ? Robert Pattinson – de Twilight – est bien sûr en tête. Brad Pitt, qui a lui aussi été vampire, est out. De Georges Clooney ou Leonardo Di Caprio, pas de trace. Vous n'êtes pas troublés de savoir que garçons et filles confondus font l’impossible pour devenir des vampires ? Si la nouvelle application pour I-phone « deviens un vampire » témoigne de cette tendance, celle de se faire installer des prothèses dentaires permanente pour s'allonger les canines en est la quintessence. D’autres folies du genre existent; elles peuvent d'ailleurs être utiles au monde réel. C’est le cas de la maison d’édition italienne Newton&Compton et de sa campagne publicitaire pour Halloween « adopte un vampire ». L’objectif ? Faire du ramdam autour du "Journal d'un vampire", dit Marco Diotallevi, une des sagas de la reine de l’Urban Fantasy, Lisa Jane Smith. On a pensé à une stratégie qui pouvait dans le même temps raconter une histoire et être utile socialement. » Les fans de Jane Smith ont été invités à donner leur propre sang pour leur personnage préféré. Qui penserait à donner son sang à des personnages fictifs et non à des personnes en chair et en os ? « La fiction décrit des univers dans lesquels tout le monde voudrait vivre, nuance Diotalleri. Au contraire,les messages sociaux comme les dons du sang sont souvent peu intéressants.»
Le succès de la campagne tient donc à son utilisation du langage des jeunes pour faire passer un message social. Les associations de don du sang sont ravies, notamment la Fidas, mais pas seulement. Les parents, si inquiets de la vie sexuelle de leurs progéniture, sont soulagés. Car dans ces films, le sexe se limite aux mots. Dans Twilight, les vampires n'ont rien de commun avec leurs ancêtres qui ont terrorisé des générations de lecteurs. Les fans de la première heure – mais pas seulement – savent peut-être que dans les livres de Stéphanie Meyer, femme mais mormone avant tout, plus que d’amour impossible, on parle de sexe impossible. Et la série semble une longue procrastination sur la fameuse première fois. Dans Twilight, sexe = danger, tout comme dans la série américain True Blood, où fille facile = mort. Difficile d’en expliquer l’origine et le succès dans les collèges américains alimentés au soft porn. Rien d'étonnant selon Maria Nicolajeva : « On ne réagit jamais de la même manière devant une œuvre, dit-elle. Pour marquer les ados, il faut garder le sens de l’interdit et du risque ». Et en rapprochant les concepts de sexe et d'abstinence, l’abstinence peut devenir quelque chose d'excitant.
Et la qualité ?
La mode des vampires n'échappe pas aux étudiants en littérature : « Toutes les expériences humaines ont une influence dans notre vie. Les expériences littéraires en sont un exemple, mais d'occasion, analyse Maria Nicolajeva, elles nous permettent d’expérimenter des situations qu’autrement on ne pourrait pas vivre, comme par exemple rencontrer un vampire », ou encore avoir une histoire d’amour avec lui. Ce qui explique qu’Edward Cullen puisse devenir homme le plus sexy du monde, alors qu'il n'a que 24 ans : « Edward représente le parfait stéréotype de la littérature pour les enfants, le fait qu’il soit un vampire est un détail superficiel. Il pourrait être gangster ou pirate. », reconnaît la professeur de Cambridge. Ce qui la surprend, c’est que ces personnages soient si « plats, unidimensionnels, et que les livres de la série soient si prévisibles (ce qui peut être un avantage) et mal écrits (ce qui n'en sera jamais un) » Sur ce dernier point tout le monde est d’accord, même Stephen King : « Je trouve que l’écriture de Rowling est géniale, a avoué l'écrivain au USA Weekend, mais Meyer est vraiment nulle ».
Photo: (cc)joshunter/flickr; (cc)i heart him/flickr; (cc)wikimedia; Nayara - Oliveira/flickr; video: courtesy of YouTube
Translated from Vampiri follia: più amore e meno sesso?