De Correspondent : « l'antidote à l'actualité »
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En Hollande, un média d’un genre nouveau est d’ores et déjà en train de battre des records de popularité après un petit mois d’existence. Invité à Paris à l’occasion de la journée de la presse en ligne, l’équipe dirigeante de De Correspondent nous en a dit plus sur les raisons d’un succès fondé sur un projet participatif « en complète opposition avec tout le reste ».
cafébabel : Vous venez tous les deux de la presse papier, comment avez-vous monté De Correspondent ?
Rob Wijnberg : D’emblée, nous voulions être indépendant des banques, des prêts, des investisseurs… Ce que nous voulions, c’était des lecteurs. Aussi, nous nous sommes tournés vers le crowdfunding qui permettait aux futurs lecteurs de pouvoir directement financer le projet. Nous avons essayé de les convaincre à partir d’une promesse éditoriale : De Correspondent ferait écrire les meilleurs experts dans leur domaine. En 8 jours, nous avons levé plus d’un million d’euros. Nous avons monté le site en 5 mois, pour le lancer au mois de septembre 2013.
« NE LISEZ PAS L'ACTU »
cafébabel : Comment expliquer un tel succès de votre recherche des fonds ?
Rob : L’intégrité. Nous avons clairement montré que nous allions être plus indépendants que les autres médias. Pas de publicités, pas de publi-rédactionnel, rien. Deuxièmement, nous avons bénéficié d’une très bonne attention médiatique. Nous avons tous les deux écrits un livre sur le journalisme qui a très bien marché et je suis l’ancien rédacteur-en-chef de nrc.next, une émanation du NRC Handelsblad, le premier quotidien des Pays-Bas. Je peux dire que je suis célèbre dans mon pays. Ernst-Jan est lui, l’ancien rédacteur-en-chef du site internet.
Ernst-Jan Pfauth : Nous avons aussi décidé de nous démarquer du paysage médiatique. Le slogan de De Correspondent pourrait être, « un antidote à l’actualité ». L’idée du livre Rob c’était de dire, en gros : « ne lisez pas l’actu parce qu’elle ne vous informe pas sur ce qui se passe vraiment ». Je pense qu’une information doit être inédite pour être intéressante. En un sens, il faut créer du suspense, une attente pour le lecteur. Et ça, ça n’existe plus. L’idée originelle, c’était surtout de montrer qu’une nouvelle et meilleure information était possible.
cafébabel : En quoi votre site produit-il une « meilleure information » ?
Rob : Je vais vous donner un exemple. Nous avons ce que nous appelons des « gardiens ». Autrement dit, les auteurs eux-mêmes qui, après avoir publié leurs articles, discutent avec les lecteurs à propos des origines dudit articles, de la manière de traiter un évènement ou tout simplement pour répondre aux questions des curieux. Nous sélectionnons les meilleures questions puis nous publions les conversations dans les commentaires. Ce qui nous permet de rompre avec cette vision unilatérale du journalisme et de promouvoir un réel échange.
Ernst-Jan : A tel point qu’une nouvelle information émerge. Si vous publiez un article sur la médecine et que les 100 médecins les plus influents du pays viennent débattre, vous publiez une super conversation d’où émergent de nouvelles perspectives.
LE PARTAGE À TOUS LES ÉTAGES
cafébabel : Parlons chiffres désormais, combien de lecteurs avez-vous ?
Rob : Bon. Nous sommes en ligne depuis 6 semaines donc… Nous avons des chiffres mensuels bien sûr mais vous ne pouvez les interpréter qu’à partir d’un mois d’activité. Ce que l’on peut vous dire c’est que nous avons 26 000 abonnés. Sur le mois dernier, nous avons enregistré 25 000 à 30 000 visiteurs uniques par jour. Mais nous comptons aussi des membres que nous ne pouvons pas identifier puisque tous les contenus du site peuvent être partagés par les abonnés. Vous n’avez normalement pas accès aux articles si vous n’êtes pas abonnés mais si vous l’êtes, vous pouvez partager un article avec tout le monde. Par conséquent, je dirais que nous ne connaissons pas encore d’où provient la moitié de notre trafic.
cafébabel : Donc l’accès à vos articles est gratuit dès lors qu’il est partagé par un abonné, en quoi cela vous est-il profitable ?
Ernst-Jan : L’aspect du partage est très important pour nous. Si un abonné décide de partager un article avec son réseau, nous aurons plus de chances d’avoir de nouveaux membres. Par exemple, après avoir lu cette tribune à propos de la polémique sur le Zwarte Piet en Hollande (il montre la page d’un article sur le rétroprojecteur, ndlr), 200 personnes se sont abonnées.
cafébabel : Combien de personnes travaillent de façon permanente pour De Correspondent ?
Ernst-Jan : Le staff est composé de 12 personnes, 7 d’entre elles sont rédacteurs et les autres s’occupent de la technique ou de la relecture. Et nous avons également 16 contributeurs réguliers qui travaillent en freelance.
cafébabel : Quelle a été la réaction des autres médias après votre lancement ?
Ernst-Jan : Beaucoup ont commencé par dire que nous étions élitistes…
Rob : Et que nous ne créerons rien de nouveau, que tout ça avait quoi qu’il en soit déjà été fait. Mais c’est une critique assez répandue aux Pays-Bas. Surtout quand on créé un projet en complète opposition avec tout le reste.
cafébabel : La spécificité de votre modèle économique, c’est aussi qu’il est transparent sur les partenaires ainsi que les organisations avec qui vous travaillez, qu’en est-il exactement ?
Ron : Le partenaire le plus important que nous avons est l’agence web qui a conçu le site : Momkai. Soit une des agences web les plus connues et les plus performantes du pays.
Ernst-Jan : C’était très important de pouvoir compter sur eux puisque, aujourd’hui, l’information en tant que telle ne suffit plus. Les designers nous aident aussi à concevoir de nouveaux moyens pour présenter l’information. Et je pense que c’est essentiel.
Propos recueillis par Alexandre Heully et Matthieu Amaré le 15 novembre 2013, lors de la 4ème Journée de la Presse en Ligne. Plus d'infos sur le site du SPIIL.