Aux élections européennes, «mieux vaudra être écologiste que banquier» !
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Du 4 au 7 juin prochain, 360 millions de citoyens seront appelés à désigner leurs 736 représentants au Parlement européen. Ce rendez-vous électoral continental sera-t-il l’occasion d’ouvrir de vrais débats politiques sur les orientations des politiques communautaires ? Rien n’est moins sûr.
Nous n’échapperons pas, une fois encore, à une nationalisation de l’enjeu électoral. En démocratie, tout scrutin est le moment d’envoyer des messages aux gouvernants et il est inévitable que les considérations de politique intérieure prennent leur place dans la campagne électorale. Surtout en période de difficultés économiques et d’angoisse sociale, toute élection est une « respiration démocratique ». Les candidats compteront aussi dans la nature du vote. S’ils représentent une idée ou un programme bien identifié, ils peuvent influencer les conditions du vote. En d’autres termes, en juin 2009, pour se présenter aux élections européennes, il vaudra mieux être écologiste que banquier !
Comment créer des clivages
Mais l’on peut former le vœu que ces élections soient enfin l’occasion de débattre et de s’affronter à propos de questions vraiment européennes. Au Parlement européen, il s’agit d’envoyer des délégués, désignés pour porter, à Strasbourg, les attentes de leurs électeurs et pour peser sur les choix européens. Ils doivent donc incarner des convictions, être porteurs de propositions pour réformer et adopter des politiques européennes précises. Les compétences déléguées par les Etats membres à l’échelon européen ne sont pas très nombreuses, mais elles sont quasi-exclusives en matière monétaire, de concurrence, d’agriculture, de transport, de politique commerciale. En d’autres termes, si le citoyen d’un Etat membre a quelque chose à exprimer sur ces sujets, il vaut mieux qu’il vote pour le scrutin européen que pour les élections dans son pays !
S’agissant du contenu de la campagne électorale, on doit implorer les partis politiques de se concentrer sur les questions susceptibles de créer des clivages. Il faut choisir les sujets qui fâchent plutôt que les questions consensuelles. Trop longtemps, le vote européen a opposé les partisans de l’unification européenne et ses opposants. Ce clivage n’en est plus un. L’Union européenne s’est imposée comme une évidence dont se réclament même les eurosceptiques. Ils réclament seulement « une autre Europe » !
Plus de libéralisme ou de contrôle ?
Les référendums en France et aux Pays-Bas en 2005, puis en Irlande en 2008, le démontrent. Lassés des mêmes débats insipides, estimant qu’ils n’avaient pas vraiment de choix à exprimer, les électeurs ont créé leurs propres enjeux, leurs débats à eux, sur des questions qu’on ne leur posait pas. Pour en finir avec ces faux-semblants, plutôt que de se disputer sur le traité de Lisbonne, il faut débattre des sujets qui créent des affrontements réels.
Par exemple l’élargissement. Doit-on le poursuivre et jusqu’où ? Doit-on essayer, même à titre temporaire, de fixer des limites politiques à l’Union et lesquelles ? Plus important encore, quelle doit être la réponse à la crise économique et financière ? Les citoyens veulent-ils plus de régulation, plus de contrôle, ou au contraire un libéralisme plus débridé ? La politique commerciale de l’Union doit-elle se résumer à un libre-échangisme béat ou bien l’Union doit-elle négocier plus fermement la réciprocité avec ses grands partenaires ? Les Européens sont favorables, à plus de 80 %, à la création d’une armée européenne. Qu’attend-on et pourquoi ?
La question de l’unité politique de l’Europe, c’est celle de savoir si elle accepte peu à peu de se penser en puissance. Certes, une puissance pacifique, mais une Union déterminée à défendre et à promouvoir son modèle. J’entends déjà les objections des politiciens européens, inquiets d’être emportés par des choix clairs que feraient les citoyens consultés et qui viendraient bouleverser leurs habitudes. Pourtant, c’est bien ainsi que se poursuivra le projet européen. Devant et avec les citoyens.
Jean-Dominique GIULIANI est président de la Fondation Robert Schuman, centre de recherche qui promeut les valeurs et les idéaux européens.