Un G20 au pays de Shakespeare
Published on
Le G20 est le buzz du moment ; on a l’impression que ce jour est historique, que nous lisons dans les journaux comme dans un livre d’histoire exemplaire. Mais, au-delà de l’aspect symbolique de ce jour, qu’en restera-t-il ? G20, liés par de fortes attentes J’attendais ce jour avec beaucoup d’impatience.
C’est l’une des premières fois que vingt chefs de gouvernement et des représentants des grandes institutions internationales se retrouvaient en un même lieu pour discuter des grands enjeux de la crise économique et tenter d’y apporter une réponse commune. Les petites mains s'affairaient dans les coulisses depuis des semaines pour préparer ce que les médias considéraient comme un "nouveau départ".
Mais, avec une situation économique, sociale et politique qui se détériore, les intérêts des Etats et des institutions internationales divergent. Les Etats-Unis veulent une relance mondiale massive pour relancer l’économie et tout recommencer comme avant alors que les Européens souhaitent réguler aujourd’hui la finance pour éviter une nouvelle crise demain. Les Etats-Unis ne veulent bien-sûr pas d'une régulation trop stricte qui leur mettrait fin trop vite au modèle anglo-saxon du capitalisme.
A ce jeu d’intérêts s’ajoutent le FMI qui voudrait se retrouver au centre du système monétaire et financier international comme au bon vieux temps, la Chine qui s’exaspère d’être prise au piège du Dollar, etc. Les équilibres géopolitiques et économiques changent, et comme dans tout changement, il y a des gagnants et des perdants. Le but d’un G20 est de réunir ces deux catégories autour d’une même table pour éviter que l’aigreur des perdants ne nuisent aux gagnants.
Au-delà des enjeux géostratégiques, le G20 réunissait beaucoup d’attentes. Y voir naître un nouvel ordre mondial, une régulation, une société plus juste, des banquiers moins avides, tout se croise et ne se ressemble que peu dans cet ensemble hétéroclites. Comme le rappelle Galbraith dans son livre sur la crise de 1929, ce genre de réunion est une sorte de rituel en cas de crise, l’on se plaît à croire qu’il suffit de quelques hommes providentiels et de quelques mesures ponctuelles pour enrayer une crise qui concerne six milliards d’individus.
Effets d'annonce ou premier pas magistral ?
Le grand succès de ce G20 est d’avoir eu lieu et d’avoir réussi à obtenir quelques avancées. Il y a le FMI qui se voit accorder plusieurs milliards supplémentaires – en réalité, cela était convenu depuis plusieurs semaines déjà. Il s’agit d’un aveu d’impuissance : s’il faut tant d’argent pour aider les pays les plus pauvres, c’est que la crise va être dure, très dure. Et que les grands Etats ne savent pas quoi faire et confie la patate chaude au FMI.
Sur les hedge funds et les paradis fiscaux, simplement une liste. On saura le nom de chacun d’entre eux. En réalité, les systèmes financiers ont trop besoin d’eux et de l’opacité qu’ils leur procurent pour réellement vouloir les mettre sous contrôle. Et ce d’autant plus qu’ils ne sont pas directement responsables de la crise. Londres, Hong Kong, tous les grands centres financiers sortent indemnes et renforcés de cette décision – puisqu’ils sont désormais sans rivaux.
Pour le reste, le nécessaire désendettement des consommateurs américains et des entreprises européennes, les déséquilibres monétaires ahurissant, l’impuissance de la politique monétaire et le risque de déflation, la place de la Chine et de ses réserves de change, sur tous ces sujets cruciaux, rien.
Tout cela me donne l’impression de faire une perfusion à un malade qui a une hémorragie, comme dirait Stiglitz. Faute de pouvoir résoudre des déséquilibres économiques mondiaux à moindres frais, tout le monde fait comme si ils n’existaient pas et continue à maintenir un ordre artificiel à grand renfort d’endettement.
Les Européens sont sous le feu de deux menaces : celle d’une BCE qui ne peut faire tourner la planche à billet comme la Fed et donc paiera la facture de la crise à la place des Etats-Unis et celle d’une Europe de l’Est affaiblie qu’une Union Européenne ne peut secourir faute d’outils politiques adéquats et qui menacent à terme l’intégration européenne. Saurons-nous placer le prochain G20 dans la lignée des succès du celui du 2 avril pour être plus ambitieux encore et répondre plus clairement aux grands enjeux géopolitiques ? Ou sera-t-il trop tard pour l’Union Européenne ?