Ukraine : pourquoi je soutiens la révolution
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Il arrive que les vents de la liberté soufflent aussi sur ceux qui s'étaient jurés de ne pas se laisser emporter. Ici, notre correspondant en direct de Kiev et amoureux de la Russie, déclare pourtant sa flamme aux manifestants pro-Europe installés place de l'Indépendance.
J’ai tendance à être pro-russe. J’aime Saint-Pétersbourg, le Caucase, la vodka, les jolies filles et l’âme slave. J’aime la façon dont le peuple russe peut devenir incontrôlable quand il estime qu’il a assez enduré. J’aime les immenses forêts enneigées de Sibérie. Je rêve de parcourir le pays au bord du Transsibérien.
Mais être russophile ne signifie pas que ce sentiment doit tout écraser, comme on le voit fréquemment dans les commentaires présents sur le site RIA Novosti. Certaines valeurs sont immuables et ne peuvent être marchandées selon les protagonistes.
Un droit des plus fondamentaux
C’est le cas de l’Ukraine. Certes, je pense que ce pays aurait beaucoup à gagner d’un rapprochement avec la Russie, au moins d’un point de vue économique. De plus, les liens culturels, historiques et linguistiques unissant les deux pays ne peuvent être occultés. L’Ukraine est par ailleurs indispensable à la sécurité russe, dans la mesure où il s’agit d’un État-tampon entre les hordes de l’Otan et les troupes russes. L’Ukraine est donc indispensable à la sécurité mondiale, dans la mesure où elle empêche d’éventuelles escalades entre deux puissances titanesques.
Mais je suis « de gauche », si tant est que cela veuille encore dire quelque chose. Je suis pour l’autodétermination des peuples, pour leur liberté. Si bien que même si les Ukrainiens voulaient devenir d’abominables libéraux européens au service du capital américain, je m’inclinerais. C’est leur droit le plus fondamental. Personne ne peut les en empêcher, que ce soit Moscou ou les forces spéciales de cette mafia ukrainienne surnommée « gouvernement ».
Leur refuser ce droit, sous prétexte d’un amour inconsidéré pour la Russie, ne rendrait service à personne. Les Ukrainiens ne sont pas du genre à fermer leur gueule quand quelque chose va mal. Loin de là. L’atmosphère place de l’Indépendance le prouve bien : ils sont en permanence plusieurs milliers à manifester. Obliger ces gens à vivre aux côtés d’un pays qu’ils respectent mais ne supportent plus conduirait inévitablement à de nouveaux troubles. Et personne ne le veut.
« Nous sommes simplement différents »
Des Ukrainiens de Lviv, la grande ville de l’ouest, m’ont affirmé n’avoir rien contre la Russie. « Nous sommes simplement différents. Nos chemins ne sont pas les mêmes, me disait-il en s’empiffrant de saucisson arrosé à la vodka (par ailleurs excellente). Nous voulons de bonnes relations d’amitié et de voisinage avec la Russie. Mais nous savons d’expérience que si nous baissons la garde, ils nous écraseront. » L’Histoire ne leur donne malheureusement pas tort, même si elle est plus contrastée que ça.
La dévotion du peuple Ukraine m’a ému. Son amour pour la liberté et la patrie. Quand sur la place de l’Indépendance, un manifestant se met à chanter l’hymne national, c’est 10 000 personnes qui le suivent, la main sur le cœur, les yeux embués. Comment rester insensible quand on voit que des dames âgées, peinant à marcher, arrivent encore à trouver la force d’agiter un drapeau national par -10 degrés ? Comment ignorer leur soif de liberté quand on voit que des étudiants sont prêts à se faire broyer par la police pour protéger leur soif de liberté ?
Pour toutes ces raisons, je soutiens la révolution ukrainienne.
Cet article a été initalement publié sur le blog personnel de l'auteur ici.