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Tous les chemins mènent à Rome

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Translation by:

Morgane Vannier

Rome

L'adage reste pertinent de nos jours. L'héritage de l'Empire romain est visible dans des concepts essentiels et d'actualité comme la république (res publica, c'est-à-dire la chose publique), le sénat, le dictateur, la civitas (que je traduis par la citoyenneté, appartenance ou lien juridique entre un individu et un État).

Le 25 mars 1957, la France, l'Allemagne, l'Italie et ce que l'on appelait le Benelux (composé de la Belgique, des Pays Bas et du Luxembourg) se réunirent sur le Capitole, l'une des sept collines de Rome, pour conclure deux traités : le premier donna naissance à la Communauté économique européenne (CEE); le second à l'Euratom, Communauté européenne de l'énergie atomique. Rome ne fut pas choisie au hasard : la capitale italienne fut proposée par celui qui était alors chancelier allemand, Karl Carstens, en guise de reconnaissance de son rôle de berceau de la civilisation occidentale. Ce samedi 25 mars, des célébrations ont eu lieu pour commémorer le 60ème anniversaire de la signature des Traités de Rome.

Jusqu'où vont les librairies indépendantes de Rome ?

Dans un monde où les achats se font par Internet et où la lecture est en baisse, les librairies indépendantes deviennent des espaces de résistance. À l'ère des tweets en 140 caractères et de la mondialisation, le livre demande un temps qui semble nous manquer de plus en plus, bien que notre vie soit de plus en plus longue.

À cause de la crise, le secteur éditorial se retrouve enlisé dans une série de circonstances peu favorables, ce qui a pour conséquence qu'ouvrir une librairie en Italie est devenu un vrai défi. C'est ce que signale le site Libreriamo.it dans un article sur les 288 librairies qui ont fermé dans le pays entre 2020 et 2015. 

Alessandro a débuté en 2002 avec la librairie Altroquando située dans le centre historique, et se trouve être aussi président de l'Association des Libraires indépendants de Rome et de province.

cafébabel. Quel est le rôle des librairies dans le cadre romain ?

Alessandro. Elles comblent sans doute un vide institutionnel, fonction essentielle qui n'est pourtant pas reconnue. Certes, l'État encourage la lecture, par exemple à travers des campagnes destinées aux enfants, mais il n'envisage pas l'aide aux librairies comme une manière indispensable de promouvoir la lecture.

cafébabelQuelles différences y a-t-il avec les librairies faisant partie de l'Union européenne ?

Alessandro. Le problème que rencontrent les librairies italiennes, c'est qu'il n'y a pas de plafond dans les réductions faites au public. Cela ne nous permet pas de jouer avec les mêmes armes ni proposer les mêmes tarifs que les grandes librairies ; une petite librairie ne peut pas vendre ses livres quand les grandes chaînes appliquent 15%, 20%, voire même 25% de réduction.

Dans les autres pays, au-delà de toute image idéalisée, les librairies ont une valeur économique : la valeur générée par une librairie est difficile à calculer, mais elle est indéniable. Il existe un indice appelé bohemian index (conçu pour établir des classements au sein des villes, et imaginé par le théoricien Richard Florida, ndlr.) qui tient une sorte de registre du pourcentage de créativité d'une région. Et les entreprises s'y réfèrent au moment d'investir dans un endroit donné.

cafébabelEn quoi consiste l'ALI, l'Association des Libraires Indépendants ?

Alessandro. Grâce aux crises, qui constituent une opportunité exceptionnelle, et après de nombreuses années de discussions avec d'autres libraires, quarante librairies se sont engagées l'année dernière à former un réseau commun. Nous espérons une aide nationale qui devrait débloquer un fond de 100.000 euros pour ce projet. Chaque librairie conserverait son indépendance et n'en sacrifierait qu'une petite partie pour obtenir les avantages d'une économie d'échelle, comme le pratiquent les grandes chaînes. Il s'agit d'une sorte de confédération de librairies, qui est en cela une chose très européenne. Ainsi, nous aurions davantage de pouvoir pour négocier des contrats avec les éditeurs et les distributeurs, un plus grand poids politique sur le territoire, et davantage de moyens pour communiquer ce que nous faisons, nos initiatives, etc.

Si les librairies avaient un livre du mois, nous commanderions plus d'exemplaires de ce livre et cela pourrait profiter aux maisons d'éditions plus modestes ou aux auteurs moins connus.

cafébabel. Quels livres traitant de Rome pourriez-vous conseiller à quelqu'un qui ne connaît pas la ville ?

Alessandro. Il y en a beaucoup, mais je vais m'en tenir à Pasolini, bien qu'il parle d'une Rome qui n'existe plus, mais que l'on peut encore rencontrer dans certains quartiers comme le Pigneto, où Pasolini a tourné plusieurs scènes de ses films. Îles : guide vagabond de Rome), de Marco Lodoli est un très bon livre, tout comme Pulp Roma, de Tommaso Pincio. Et le Repertorio di Matti della città di Roma (Répertoire des fous de Rome) est aussi très bien, parce que Rome est remplie de personnages excentriques et que ceux du livre sont authentiques. Comme alternative, il y a aussi À Rome avec Nanni Moretti, qui permet de découvrir la ville à travers les films de Nanni.

À San Lorenzo, le quartier universitaire de Rome, se trouve Giufà, l'une des principales librairies indépendantes de la capitale.

Francesco, libraire, en est le fondateur. Il a accepté de répondre à nos questions.

cafébabel. Comment avez-vous fait de Giufà l'endroit qu'elle est aujourd'hui ?

Francesco. Personnellement, je crois que la seule façon de progresser et de survivre, c'est de se servir de ses idées et de sa passion, et, chose essentielle dans tout travail mais encore plus dans un métier comme celui-ci, de savoir quoi mettre en avant. Récemment, à Giufà, nous avons dépassé les milles visiteurs, ce qui fait beaucoup !

Une librairie ne doit pas être seulement un commerce, mais aussi un espace de rencontre, où celui qui s'y rend attend davantage qu'acheter un livre. Le partenariat entre les activités de toutes les librairies indépendant a été et est toujours fondamental.

D'autre part, Rome est une ville qui compte quelques musées grandioses, et tous possèdent des boutiques de livres gérées de façon mystérieuse. Il n'y a jamais eu de sélection pour l'attribution de ces librairies, ce qui est une anomalie assez remarquable.

cafébabel. Qu'en est-il de l'avenir ?

Francesco. Les librairies indépendantes doivent œuvrer les unes avec les autres, travailler ensemble est une forme très précieuse de partager l'information. Il y a un grand nombre d'initiatives que nous ne pouvons pas mener seuls, mais à deux ou trois, elles deviennent envisageables et réalisables. Enfin, cela nous rendrait plus forts de nous spécialiser dans un domaine comme la fiction, les langues, les bandes-dessinées, peu importe, tant que l'on devient une référence en la matière.

Coreander, situé en face de l'obélisque du Latran, a ouvert en octobre de l'année dernière, ce qui en fait la librairie indépendante la plus récente de la ville. Les libraires Marina et Cristina nous en parlent.

cafébabel. Que pourrait faire l'Europe pour améliorer la vie des librairies indépendantes ?

Cela tient en trois points : des avantages fiscaux pour le propriétaire d'un local qu'il loue pour ouvrir une librairie, interdire ou fixer le maximum des réductions sur le prix des livres à 5% et sensibiliser le client pour qu'il ne demande pas de réductions. Quand ce même client, quand il va au supermarché, exige-t-il de payer moins que ce que lui demande le caissier ?

L'Europe pourrait commencer par promulguer une loi commune sur les réductions et les conditions générales de promotion. Cela concerne aussi Amazon, qui fait des remises ridiculement élevées et qui de surcroît ne paye pas d'impôts en Italie parce que son siège se trouve dans un autre pays. On aurait bien besoin d'une loi européenne s'appliquant aux achats en ligne, de façon à régulariser la concurrence et nous enlever une épine du pied. Nous, on ne peut pas appliquer plus de 15% de réduction, peu importe le livre.

Quoi qu'il en soit, l'Europe, dont l'une des valeurs fondamentales est la culture, peut et se doit de nous aider en réglementant l'industrie.

Translated from Todos los caminos llevan a Roma