Street art à Paris : voter avec du papier collé
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Lucile GagniereProtester à coups d’acrylique et de papiers collés : le street artiste Combo ne tient plus dans son atelier. Peu avant le second tour des élections présidentielles opposant Marine Le Pen et Emmanuel Macron, il ne peut pas s’empêcher de sortir dans la rue pour faire réfléchir.
Combo a l’air fatigué. La nuit dernière, il n’a pas dormi. « Trop de choses à faire » explique-t-il avant de détourner le regard et de courir dans tout Paris. A midi, il s’arrête devant un mur décrépi. Peu de passants, ça sent la pisse. Combo jette un coup d’œil autour de lui. Pas de policier en vue. Il ouvre son sac à dos, en sort des affiches roulées dans des tubes, verse de la colle d’amidon dans un sceau d’eau et y plonge une brosse à encoller avant d’étaler le mélange sur le mur. Puis il déplie ses collages comme un plan.
Le motif : l’héroïne française Marianne. La poitrine dévêtue et le drapeau français dans la main droite. « J’ai une Marianne blonde, une qui a un air asiatique et une au teint foncé, dit-il et explique : C’est notre symbole national. La liberté guidant le peuple. Nous récupérons ce symbole pour ne pas le laisser aux mains de l’extrême-droite car ils utilisent notre drapeau et Marianne pour faire de la France quelque chose qui n’est pas notre France. »
Marianne 2.0.
Combo veut réactualiser l’héroïne nationale française. Remplacer ses airs de déesse grecque par plus de diversité. « Moderniser le symbole national » comme il le dit lui-même. Et il fait un lifiting aux valeurs républicaines au passage. Liberté, égalité et humanité plutôt que fraternité. « Le mot fraternité a un côté chauvin. Il n’est plus vraiment d'actualité. »
Les deux autres Marianne prennent également forme. Il doit se dépêcher désormais. La police l’a déjà pincé plusieurs fois. Il a même déjà été convoqué devant le tribunal. « Mais illégal ne veut pas forcément dire immoral », affirme Combo, dont les parents ont émigré du Liban et du Maroc jusqu’en France.
Mais Combo n’est pas seul. Avec ses compagnons d’armes Jaeraymie et Raphael Frederici, il a recouvert les affiches officielles des candidats au premier tour avec toute une série de personnages : Jésus « en marche » sur l’eau – une allusion à Emmanuel Macron ; « Au nom de tous les cochons » - Marine le Pen alias Miss Piggy ; ou encore François Fillon sous les traits de Pinocchio, rapport au scandale des emplois fictifs de sa femme Penelope.
Ce street artiste trentenaire n’en est pas à son premier fait d’arme parisien. A la suite de l’attentat de Charlie Hebdo début janvier 2015, il a placardé dans tout Paris 600 affiches avec le mot « Coexist », où le C est remplacé par un croissant islamique, le X par une étoile de David et le T par une croix latine.
Après les attentats de novembre 2015, il a commencé une nouvelle action, cette fois sous forme de collages. Il a demandé à ses followers sur Facebook de lui envoyer des photos d’eux, debout et bien droits. Il en a fait des collages qu’il a affiché dans toute la ville.
Cette semaine aussi, quelques jours avant le deuxième tour des élections présidentielles, il a voulu sortir à nouveau dans la rue, pour faire réagir à coups d’acrylique et de papiers collés.
Cet article a été écrit dans le cadre de la bourse d’enquête de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse ayant pour thème : « 2017, élections en France et en Allemagne – quelle place pour la jeunesse ? »
Translated from Streetart in Paris: Malen vor den Wahlen