Social Wars ep. 2 : L’ouvrier letton contre-attaque !
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Ahhh, la diversité des cultures européennes !! Vingt-sept Etats dans l’Union et un foisonnement de traditions, de mythes, façonnés par l’histoire… Que c’est beau… Tant d’histoires, tant de contes, qui expriment les peurs et les obsessions des hommes !
Mais le meilleur, c’est que ça se développe encore aujourd’hui ! Les mythes ont la vie dure.
Vous vous souvenez du débat sur la fameuse directive Bolkestein sur les services ? A l’époque en France, l’angoisse du dumping social avait pris la forme du plombier polonais. En Allemagne, c’était plutôt l’infirmière, polonaise toujours. Et en Suède, c’était l’ouvrier letton.
Bah oui, au moment même où s’ouvrait le débat sur une plus grande libéralisation des services, voilà-t-y pas que les suédois effarés voient débarquer chez eux une entreprise de construction lettone qui refuse de payer ses salariés au salaire minimum suédois ! Enfer et damnation en terre d’Etat providence ! Comment est-ce possible ? Il y a pourtant bien une directive européenne sur le détachement de travailleurs ! Elle celle-ci impose de respecter les règles de l’Etat d’accueil en terme de salaire minimum ! Alors quoi, y’aurait-il quelque chose de pourri au Royaume de Suède ?
En fait, la directive impose de respecter les règles nationales de protection des travailleurs. Et le problème c’est qu’il n’y a pas de salaire minimum en Suède. Tout est réglé par des conventions collectives, et l’Etat suédois ne leur donne pas valeur générale. Donc, si l’entreprise lettone refuse de signer la convention collective du bâtiment, elle n’est tenue à aucun salaire minimum. Hop, le tour est joué ! Et voilà les travailleurs suédois punis à cause de leur modernité sociale. Le modèle consensuel nordique oublié par les règles d’une Union qui par ailleurs croit fermement aux vertus de la négociation collective et du dialogue social.
Pour couronner le tout, la Cour de Justice de Luxembourg est venue confirmer cette situation dans un arrêt du 18 décembre dernier. Echauffés par l’atteinte sacrilège faite aux règles suédoises, les syndicats locaux ont tenté de bloquer le travail de l’entreprise balte pour la forcer à signer la fameuse convention collective. La réponse des juges est claire : c’est illégal, même pour protéger la situation des travailleurs.
Alors, quoi ? La Cour de Justice ultra-libérale, vendue aux intérêt de ceux qui veulent faire de l’Europe un grand marché sans aucune réglementation ? Le raccourci est un peu facile ! Au lieu d’accuser la Cour, on ferait mieux de se demander pourquoi la plupart des textes européens restent centrés sur des règles étatiques ! Dans le contexte de la stratégie de Lisbonne, c’est pas franchement moderne, ni très flexible ! Au lieu de fluidifier les relations, un des rares textes de « l’Europe sociale » encourage les Etats membres à adopter des règles centralisées et rigides. On est pas rendus…