Printemps arabe… été méditerranéen ?
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Par Aris Kokkinos L’association Friends of Europe organisait le 31 mai une journée de débats consacrée aux relations entre l’Europe et le monde arabe : Europe and the Arab Spring: Responding to the changing Arab order. Trois sessions au programme : A strategy for reconciling competing priorities, From autocracy to democracy et Unleashing the strength of the private sector.
Retour sur la première d’entre elles, la plus intense.
Un an après le printemps arabe, à l’heure où la région est en pleine transition, où en sont les relations entre le nord et le sud du bassin méditerranéen ?
Ancien directeur général de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique, récompensé par le «Prize for Statesmanship» de Friends of Europe, le diplomate égyptien Mohamed El Baradei a commenté les changements survenus. Pour lui ils ne sont pas une surprise, la question n’étant pas de savoir s’ils auraient eu lieu, mais quand. Des bouleversements qui ne se limitent pas au monde arabe : un changement de gouvernance est nécessaire à l’échelle mondiale si l’humanité veut se construire un avenir commun. Pour autant, en Egypte, le peuple n’a plus confiance dans l’Occident. Le diplomate prévient donc les Européens : «Vous devez vous engager. Montrez que vous êtes des partenaires.» La députée européenne Ana Gomes, rapporteur au Parlement européen pour la Libye, s’est ensuite penchée sur ce pays. L’apport des «trois m», money, mobility, markets, est selon elle indispensable pour mobiliser les populations concernées, dans un contexte difficile pour l’Europe en crise. Mais c’est un impératif : la démocratie ne sera pas soutenue si elle ne coïncide pas avec la croissance économique. Gomes est cependant optimiste au vu des changements déjà accomplis.
L’Arabe invisible, entre mirage et vision
Le journaliste Marwan Bishara, auteur de The Invisible Arab, a tenté d’expliquer le printemps arabe : est-ce une promesse ou un péril ? Plusieurs générations d’Arabes ont été «invisibles», car sans intérêt aux yeux de l’Occident. Ceux qui comptaient étaient les dictateurs, pas leurs populations. Des élections vont-elles à présent produire des démocraties ? Pas nécessairement, avertit Bishara.
Le printemps arabe a cependant un aspect inaliénable : son arabité justement. Contrairement à la disparate union de 27 pays européens, le monde arabe a des caractéristiques communes : une langue, une religion, un territoire, une histoire. Par conséquent l’Europe devrait avoir une politique arabe digne de ce nom. Bernardino León, le représentant spécial de l'Union européenne pour le sud de la Méditerranée, a embrayé sur l’implication de l’UE dans la région. Il faut selon lui agir à la fois sur le court terme, en soutenant le processus démocratique, et sur le long, en soutenant un nouveau partenariat. Pour y parvenir, l’Europe doit être le partenaire privilégié. Enfin le vice-président de la Banque Européenne d’Investissement Philippe de Fontaine Vive s’est tourné vers l’avenir : l’Europe sera-t-elle au rendez-vous des investisseurs dans le monde arabe d’ici 2013 ? Cette présence indispensable passe par un changement dans les relations. C’est toute la différence avec le passé : l’Europe ne donne plus de leçons, elle fournit des conseils.
Aux deux rives de la Méditerranée de refaire connaissance, en reconnaissance de causes.