L'Inde : une passion portugaise
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On restreint souvent l'empire colonial portugais au Brésil, à l'Angola et au Mozambique. Tout comme on restreint Goa à un lieu de débauche, paradis définitivement perdu des pionniers hippies. Pourtant la réunion des deux entités donne un résultat culturellement très riche et une population fière de son histoire. cafébabel s'est promené à Goa, en Inde, pour vous bercer d'exotisme latino-indien.
De l'histoire de la colonisation en Inde...
Inde, aujourd'hui terre de fantasme et d'aventures pour de nombreux travellers européens. Il y a 500 ans, terre de commerce et porte grande ouverte vers le reste de l'Asie pour les colons conquérants du Vieux Continent. Dès lors cet immense territoire de 3 200 000 km2 devient la « pièce maîtresse » de l'empire britannique. Mais pas seulement. Les Français (à Pondichéry notamment) et les Hollandais ont aussi eu leur « part du gâteau ». Ce que l'on sait moins, c'est que sur l'État de Goa pendant la période coloniale régnaient des colons portugais, dont l'empreinte est fortement ancrée.
Dès le début du 16e siècle, comme les autres collègues colonisateurs, les Lusitaniens choisirent un coin sympa de l'Inde et s'y installèrent jusqu'en 1961. Ils s'établirent donc dans l'État de Goa, entité de la république fédérale indienne. Ce n'est ni une plage ni une boîte de nuit. Pourtant, aujourd'hui encore, évoquer Goa, c'est prendre le risque de se heurter à des questions fumeuses telles que : « Ah ouais, t'as été en teuf ? T'as pris des champis avec des vieux babas perchés ? » Comme si ça ne suffisait pas, la côte devient depuis quelques années le lieu de prédilection des nouveaux riches russes dont la finesse constitue, comme on se l'imagine, le premier atout. Mais derrière l'image réductrice et la triste réalité touristique, l'État est un grand musée à ciel ouvert de ce que fut l'inde des Portugais. Panjim, la capitale en propose un condensé assez surprenant.
… aux journaux sur le trottoir...
Le quartier de Fontainhas y semble être une bulle latine où l'on circule tranquillement à pied loin de l'agitation constante et typique de la ville indienne. L'architecture rappelle bien le sud de l'Europe et les rues portent des noms portugais, parfois indiqués par une composition d'azulejos (céramique portugaise). Beaucoup de barbiers y proposent leurs services et s'ils ne sont pas eux-mêmes liés au Portugal, leurs salons sont appelés des barbearias. Comme un héritage prestigieux, la dénomination reste. Pas loin de l'un d'eux, Casa Lusitania propose un service de tailleur. Nalina, la tenancière actuelle, ne sait pas exactement pourquoi l'endroit s'appelle ainsi mais connait un peu l'histoire de celui qui a monté la maison. « Je n’en sais pas grand-chose », dit elle « mais c'était un indien appelé Monsieur Fernandez et il tenait à entretenir régulièrement des échanges avec le Portugal ». Fernandez un nom répandu ici, comme beaucoup d’autres d'origine portugaise. La page nécrologique d'un des canards du coin en est la preuve. Dumian Coutinho, Caetano D'Souza, Maria Hermina Furtado, Mafaldina Godinho... D'ailleurs certainement en hommage au fameux Herald Tribune et sans renier l'histoire locale, le quotidien a pour titre O Heraldo. Amdas, le marchand de journaux raconte : « Si la langue ne s'est pas beaucoup transmise, bon nombre d'anciens parlent encore portugais. ». « Bom dia, bom noite, Obrigado, um, dois, três, quatro, cinco... » Lui-même le baragouine avec enthousiasme.
Un peu plus loin, Cozynook, le cybercafe du quartier propose de faire les demandes de visas en ligne des Goanais désireux de visiter le pays de la péninsule iberique. Raj, le manager explique : « Les liens sont encore très forts et nombreux sont les Goanais, toute génération confondue, qui souhaitent visiter le Portugal. Peut-être à la recherche d un cousin éloigné ! ».
La bible dans la jungle
Pour les férues d'histoire, Old Goa non loin de la ville est une sorte de jeux de pistes sur les vestiges de la présence portugaise dans le pays. De grandes églises qui imposèrent à l'époque le catholicisme comme doctrine dominante perdues dans une nature qui a peu à peu repris ses droits. D'ailleurs de nombreux Goanais sont catholiques, comme en témoignent les statuettes de saints, devant lesquelles les habitants viennent prier matin et soir, au coin de plusieurs rues des villes. Enfin, les noms de localité ne trompent pas. Par exemple, la gare principale de l'État est celle de Vasco Da Gama, une grande ville sur la côte.
Petite bouffée d'air latin dans le géant indien, Goa et Panjim, sa capitale, sont les témoins d'une relation singulière méconnue dans la grande saga de l'Europe et des Indes. On en vient à s'imaginer entendre une note de fado entre deux bouchées de byriani, à la recherche de tous ces petits indices, signes d'un passé marquant.