Le flirt franco-allemand existe-t-il ? Werther et boule de gomme
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Lisa Schwartz« Aujourd’hui, ne pas oublier les câlins », peut-on lire sur la page Facebook du livre Zur Sache, Chérie (« Au fait, chérie »).
A l’occasion d’un énième match amical entre les Bleus et la Mannschaft et quelques semaines après les 50 ans du traité de l’Elysée, nous vous proposons de jeter un œil dans l’intimité des couples franco-allemands en compagnie d’Alain-Xavier Wurst, auteur du manuel de drague d’un Français en Allemagne.
Les escapades d’Alain-Xavier Wurst avec des femmes allemandes ressemblent un peu au journal intime d’un adolescent. Au bout du compte, son livre est plutôt facile d’accès, et sans grande exigence. Depuis la parution du livre en 2010, le « bilan des recherches scientifiques » de M. Wurst a attiré l’attention des médias. Pas étonnant quand on sait que l’auteur présume avoir trouvé la raison aux problèmes démographiques de l’Allemagne !
Selon M. Wurst, si les Allemands ont si peu d’enfants, c’est parce qu’ils ne savent pas flirter dans les règles de l’art. Il a lui-même eu toutes les peines du monde à établir des contacts physiques avec des femmes de ce côté de la frontière, et attribue l’échec de ses tentatives de dragues à l’Histoire et à la psychologie du peuple allemand. Avec de telles idées, c’est plutôt normal qu’il se prenne autant de râteaux…Les échanges culturels entre les anciens rivaux (dont bien sûr ceux de la génération Erasmus) ont permis aux Français tout comme aux Allemands de se faire leurs propres idées les uns des autres. M. Wurst n’est pas le seul à être allé se frotter à la culture allemande : cela fait déjà un bout de temps qu’un nombre croissant d’étudiants disparaît chaque semestre pour découvrir la vie dans un pays inconnu.
Et comment vont les amours franco-allemands ?
Les femmes allemandes sont asexuelles et ne s’épilent pas. Et elles ne veulent pas coucher.
La question vaut la peine d’être posée. L’amitié franco-allemande a-t-elle une influence sur notre monogamie en série, ou n’y a-t-il que peu de désir mutuel entre les représentants de nos deux cultures ? Combien d’Allemands et d’Allemandes peuvent prétendre avoir eu une relation avec un Français ou une Française ? Wurst veut tout savoir, et a décidé de s’aventurer sur ce terrain glissant, comme un éclaireur pour les dragueurs français voulant se lancer en terrain allemand. Il raconte son expédition dans les chambres à coucher allemandes, où il a entrepris un véritable travail d’« enquête sur le terrain. »
Lire aussi sur cafebabel.com : « Pourquoi les hommes allemands ne savent pas draguer? Un Allemand riposte. »
Alain-Xavier Wurst est tiraillé : il veut découvrir la culture allemande. À lui tout seul, son nom de famille, hérité de grands-parents allemands, montre que l’histoire de sa famille s’est aussi jouée en Allemagne. Ses amis ne comprennent absolument pas son intérêt pour les Allemandes. Leur image de la population féminine est celle qui domine encore en France : les femmes allemandes sont asexuelles et ne s’épilent pas. Et elles ne veulent pas coucher. Point à la ligne.
Mais M. Wurst ne s’avoue pas vaincu. L’Allemagne n’est pas seulement ce pays de la choucroute « petit-bourgeois » qu’il a connu durant son enfance. La Passion de Wurst (au sens biblique du terme) commence sur l’autoroute. Avec une véritable cargaison constituée de divers fromages, il commence ses recherches sur le flirt allemand. Sur une aire de repos, il propose à deux blondes au volant d’une Golf GTi un peu de fromage et de vin. Sous-estimant la valeur culinaire de ce qu’on leur propose, elles s’imaginent probablement que Wurst est un maniaque échappé de l’asile.
« Mais je ne suis pas une pute ! »
La tentative de drague suivante n’a pas non plus l’air de porter ses fruits. Avec les meilleures intentions du monde, il suggère à Nina, une de ses camarades de classe, de porter des chaussures à talon parce que les sabots hideux qu’elle porte actuellement sont une insulte à son style pourtant très agréable. Nina, offensée ne tarde pas à lui répondre qu’elle n’est pourtant pas « une pute ». L’Allemande ne veut pas être un sex-symbol. Quand M. Wurst lui a fait cette rude critique, la sirène d’alarme a sonné dans la tête de Nina. Elle peut montrer qu’elle est sexy d’une autre manière que celle-là.
Aujourd’hui, la donne a un peu changé. On peut à présent entendre de nombreux français que le comportement nocturne des Berlinoises n’est pas anodin : ce n’est plus l’homme qui fait le premier pas, mais bien Madame ! Cependant, les machos sont assez mal vus en Allemagne et les femmes allemandes n’aiment pas qu’un homme « sexualise » une conversation.
Les dons d’organisation du « peuple » allemand lui donnent certes de nombreux avantages dans le monde de l’économie, mais ne fonctionnent tout simplement pas pour draguer.
En connaissant ce contexte, on comprend mieux les sentiments des victimes des tentatives de rapprochement de M. Wurst. Plus tard, alors qu’il est déjà plus expérimenté dans l’art du flirt allemand, il constate avec irritation l’existence de lits double avec deux matelas séparés d’une fente et en conclut que, définitivement, les Allemands n’apprécient pas le contact, même au lit. Mais c’est à se demander si M. Wurst est allé flirter avec des jeunes femmes dans la maison de leurs parents… car aujourd’hui, tous les jeunes, qu’ils soient français ou allemands, vont acheter leurs lits avec leur partenaire chez un fameux fabricant de meubles suédois ! Une autre expérience de Wurst ? Une nuit, une de ses conquêtes a interrompu leurs ébats de manière inattendue pour aller… se brosser les dents ! À nouveau, notre ami croit tout comprendre à la psychologie de l’Allemande : selon son diagnostic, ELLE a besoin d’ordre dans sa vie sexuelle.
Wurst et Werther
Quant à l’Allemand, il souffre selon M. Wurst d’un syndrome de Werther : c’est un romantique désespéré, et parfois dépressif. Il serait la victime de l’apparence vertueuse qu’il doit donner, qui lui interdit toute pensée mal placée. La conscience scrupuleuse et les dons d’organisation du « peuple » allemand lui donnent certes de nombreux avantages dans le monde de l’économie, mais ne fonctionnent tout simplement pas pour draguer.
Les hypothèses de M. Wurst sont souvent assez amusantes, et nous autres Allemands devrions les prendre avec humour, qu’elles nous paraissent ou non fondées. Gardons cependant à l’esprit qu’un peu de capacité d’adaptation est toujours nécessaire pour avoir du succès auprès du sexe opposé à l’étranger.
M. Wurst semble en fait trébucher sur l’image qu’il a de lui-même. En allant à la rencontre d’étrangères, il se sent comme obligé d’endosser le rôle du parfait Français : amoureux du fromage, connaisseur de vins, dragueur, etc. Ne serait-ce pas un signe de crise identitaire de sa part ? Pourquoi Wurst fait-il cela ? Et pourquoi ne veut-il pas s’adapter ? En fait, son livre en dit beaucoup plus sur la culture française que sur la culture allemande.
La première au théâtre de Zur Sache, Chérie aura lieu le 22 mars 2013 au Baal Novo – Theater über Grenzen d’Offenburg.
Photos : Une (cc)Annalisa Maffia/flickr; Texte : Merkel et Hollande (cc)Eoghan OLionnain/flickr
Translated from Deutsch-französische Flirtwüste: Wurst und Werther