Le documentaire inédit de France Culture sur la Résistance en Iran
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Mardi dernier, le 31 mai, dans son émission Sur les Docks, France Culture diffusait un documentaire intitulé « Voix de la Résistance Iranienne », réalisé par Olivier Steiner et Assia Khalid.
Dans ce documentaire inédit, l’auteur Olivier Steiner donne avec curiosité la parole aux membres et partisans iraniens de la Résistance iranienne, à la figure emblématique de cette résistance Maryam Radjavi, ainsi qu’à des citoyens français, intellectuels, personnalités politiques française, qui soutiennent cette cause.
Les témoignages des citoyens iraniens, victimes du régime théocratique, donnent une réalité et une force au récit de la répression et de la lutte menée contre celle-ci, tandis que la parole de leurs sympathisants éclaire la réalité médiatique et politique qui tend à occulter la gravité de la situation en Iran. Au cœur du récit, dans lesquels les femmes, opprimées et combatives, ont un rôle fondamental, se trouve le camp Achraf, ville dans le désert en Irak près de la frontière iranienne, avec ses hôpitaux, lieux de culture, universités, lieu duquel a jaillit l’espoir de la révolution démocratique, et le camp Liberty, Un camp d’exil encerclé et attaqué à maintes reprises où les opposants iraniens résistent aux pressions.
Behzad Naziri, ancien journaliste iranien exilé en France, raconte la récupération du mouvement de protestation contre le régime du Shah par l’ayatollah Khomeiny, qui a d’abord bénéficié d’une certaine confiance de la part des intellectuels, ainsi que la répression sanglante qui en 1982 a tué sa sœur, jeune militante des Moudjahidines du Peuple. D’après M. Naziri, le régime iranien se sentait particulièrement menacé par les femmes, qui étaient en première ligne pour la défense de leurs droits : « les femmes d’abord, elles étaient très mobilisées pour le processus du renversement du Shah et deuxièmement, les femmes, à partir du moment où elles ont constaté cette misogynie qui fait la caractéristique principale du régime de Khomeiny... (...) tous les deux, en tant que journaliste, nous avons été dans les prisons de Khomeiny, mais moi trente-cinq ans après, je suis devant vous, je vous parle et ma sœur n’y est plus. Elle était une femme, elle a été torturée d’une manière plus atroce qu’un homme dans les prisons de Khomeiny. »
Elham Zandjani, ancienne habitante d’Achraf, évoque le mode de vie démocratique du camp Achraf, détruit par les envoyés irakiens du régime des mollahs venus pour « éliminer tout le monde » : « On avait deux choix très simples : on pouvait fuir, baisser nos mains, puis on avait le choix de résister, de dire non. »
L’engagement personnel de Rama Yade, survenu après son mandat de secrétaire d’État aux Affaires étrangères, témoigne de l’ « exercice schizophrénique » auquel se livre la politique occidentale aliénée par les intérêts économiques et diplomatiques, « parce qu’il y a une prédation économique sur les marchés iraniens, tout le monde fait semblant de ne rien voir et les médias français diffusent maintenant à des heures de grande écoute des reportages sur l’Iran nouveau ». Pour Mme Yade, l’argument économique n’est, en réalité, pas cohérent : « J’ai porté cette contradiction-là et je pense qu’on peut la dépasser, parce que, en fait, c’est pas les intérêts économiques contre les valeurs, parce que les valeurs sont notre intérêt supérieur. Et par expérience, j’ai vu que lorsqu’on a renoncé à évoquer, ne serait-ce qu’évoquer la question des droits de l’homme avec tel ou tel dictateur, au motif qu’on devait signer des contrats pour créer des emplois en France, argument ultime, eh bien au final on ne signait pas les contrats. On ne signait pas les contrats, parce que la résistance s’organisait ailleurs, c’est-à-dire dans la presse, chez les ONG, dans les opinions publiques. »
Le témoignage de Shaghyegh Azimi, jeune militante de 23 ans exilée depuis ses 16 ans, donne à voir une jeunesse dynamique, insoumise et portée par les réseaux sociaux, outil fondamental pour une nouvelle forme de lutte et d’échanges d’idées. La jeune femme évoque également la chaîne de télévision de la Résistance diffusée depuis l’étranger et très prisée en Iran, malgré l’interdit : « Il y a une chaîne de télévision qui est proche du CNRI, qui s’appelle Sima-ye-Azadi, le visage de la liberté (...). Mais moi dans cette télévision, je voyais quelque chose d’autre. Par exemple les femmes présentatrices à la télévision, combien elles étaient sérieuses, combien elles étaient sûre d’elles, ou bien des femmes dans divers domaines, surtout dans ce qui est interdit pour les femmes en Iran, elles pouvaient le faire dans la Résistance à Ashraf c’était possible. Cette chaîne de télévision, cette chaîne est interdite en Iran. Ils arrêtent les gens qui la regardent, il y a souvent des descentes de police dans les familles. (...) Tous les sympathisants des moudjahidines, surtout les jeunes, c’était un devoir vital que de regarder cette chaîne. »
Les interventions de Maryam Radjavi rappellent l’engagement du CNRI pour un Iran libre et démocratique, à travers l’adoption de programmes en faveur de l’égalité, de la liberté, du respect des droits de l’homme et des peuples : suffrage universel, abolition de la peine de mort, séparation de l’Église et de l’État... Face à un régime misogyne dont la vision n’est pas différente de celle de Daech, c’est le leadership des femmes qui est intensément évoqué dans ce documentaire, lorsque Mme Radjavi affirme : « nous reconnaissons donc l’égalité totale entre les femmes et les hommes dans tous les domaines politique, social et juridique, mais particulièrement de la participation égale des femmes dans la direction du pays ».
Coup de chapeau donc pour l’émission Sur les Docks de France Culture qui nous fait découvrir un aspect souvent ignoré des Iraniens et de leur résistance aux Ayatollahs.