Journaliste à Bruxelles : le pari de l'Europe
Published on
Translation by:
Gaelle DurifIls expliquent l'Europe à leurs concitoyens dans les pages de célèbres quotidiens. Avec un terrain de jeu grand comme 27 Etats, et seulement deux mains pour leur calepin, rencontre avec les correspondants de presse à Bruxelles.
Son multiculturalisme, l'Europe en jouit et en souffre en même temps. Ce concept oblige souvent les correspondants de presse basés à Bruxelles à redoubler de pédagogie : « un véritable privilège », selon eux. Un défi aussi, car la grande diversité européenne est parfois si complexe qu’elle impose une distance entre les citoyens européens et les journalistes, transformés en véritables ambassadeurs de la cause européenne.
David Rennie, correspondant pour The Economist, est l'un des rares journalistes britanniques établis à Bruxelles. A son arrivée, il y avait six bureaux de presse britanniques, aujourd'hui seuls The Times, The Financial Times et The Guardian ont maintenu leurs correspondants en poste. Selon le journaliste, cette diminution est due à la baisse d'intérêt pour l'Europe ressentie par les Britanniques. Et devant les tentatives ratées d'accords européens, l'indépendance politique historique du Royaume-Uni se renforce toujours un peu plus.
En 2004 par exemple, le « non » de la France et de la Hollande avait entraîné un retrait quasi immédiat des journaux britanniques. Aujourd'hui, le « non » irlandais creuse de nouveau le fossé. Les lenteurs de la bureaucratie et la mise en application d'une loi des mois, voire des années après son approbation, sont des positions auxquelles l'Angleterre « ne peut adhérer », souligne le correspondant de The Economist. « Seule une importante crise économique pourrait entraîner un changement d'attitude de la part du peuple anglais car sur ce point-là, pour nous « l'union fait la force ».
Pourtant, pour David Rannie, cette réalité fait de son travail une sorte de « mission, un privilège ». A priori, la défense du catalan est considérée comme « absurde » à une époque qui tend à la mondialisation, mais « lorsque l'on a la possibilité de montrer à quel point la suppression de cette langue a été vécue comme une souffrance durant la dictature espagnole, on constate que le lecteur s'avère plus compréhensif et moins intransigeant envers les différentes requêtes des États membres », ajoute-t-il à titre d'exemple.
L'Angleterre n'est pas le seul pays à manifester un tel désaccord, l'exemple le plus récent étant bien sûr l'Irlande. Jaime Smyth, correspondant du Irish Times, reconnaît que son principal objectif est d'inciter les Irlandais à s'intéresser à l'UE et leur montrer « comment les décisions qui y sont prises influent sur leur vie quotidienne ». C'est un réel défi également pour les dirigeants de l'UE qui abusent de cet « eurojargon » incompréhensible pour le quidam. Aujourd'hui, on assiste à un véritable acharnement suite au « non » irlandais. Jaime pense que ce « non » répond à la mauvaise campagne menée par le gouvernement et à la complexité du document en soi.
Des « non » qui séparent
Par ailleurs, soutient-il, le manque de confiance politique qui a suivi la démission du Premier ministre un mois à peine avant le référendum « a créé un climat de scepticisme » dans le pays. Mais il ne veut pas non plus dramatiser. D’ailleurs, il a écrit une série de courtes pièces humoristiques pour tenter de clarifier le traité de Lisbonne : « Les gens s'ennuient... Je fais donc en sorte que mon travail au moins soit ludique ! », conclut-il.
Tous les journalistes ont un dénominateur commun : la presse écrite essaie de capter l'attention du lecteur en prenant bien en compte son profil. Pour lui, le traitement de l'information est très souvent influencé par l'origine du journaliste, qui à son tour aura beaucoup d'influence sur son lecteur compatriote. Une interprétation que Rolf Fredriksson, , préfère appeler « manque de rigueur professionnelle ». Il se révèle particulièrement critique envers l'UE et les médias qui en couvrent les activités : « Aujourd'hui, par exemple, les pays pauvres du Sud, comme le Portugal ou l'Espagne, se montrent très pro-européens. Mais que se passera-t-il lorsqu'ils ne recevront plus d'argent ? », s'interroge-t-il.
Un travail sans répit
La mission d'un correspondant à Bruxelles est sans relâche. Il lui faut connaître la situation politique, sociale et économique des 27 pays membres, ce qui implique un état « d'alerte permanente », 7 jours sur 7. Maria Ramirez, correspondante pour le quotidien espagnol El Mundo, se souvient ne pas avoir eu un jour de congés depuis mi-mai. De plus, toute publication relative à l'Union est soumise à une relecture exhaustive par la Commission.
«Les gens s'ennuient... Je fais donc en sorte que mon travail au moins soit ludique.»
La journaliste se souvient avoir reçu à plusieurs reprises des appels d'un parlementaire demandant des explications sur un article ou un reportage. Dans un pays comme l'Espagne, c'est une véritable atteinte à la liberté d'expression. « Grâce au soutien mutuel qui nous lie entre correspondants, nous pouvons arriver à tout, ou presque ». Et dans un avenir proche, les Français vont nous donner beaucoup de travail car Sarkozy promet « une grande activité », précise-t-elle.
Pour Maria Ramirez, il existe des similitudes entre cette petite communauté et l'époque de l'école. En effet, du lundi au vendredi à 12 h se tient un briefing au cours duquel l'organisme de presse de l'Union convoque tous les journalistes pour présenter l'ordre du jour. Ils ont jusqu'à 18 h pour réaliser leurs interviews et reportages puis envoient l'information à leurs journaux respectifs. Mais il y a aussi une petite récompense : en août, repos obligatoire pour tout le monde ! Même les bars des rues voisines de la Commission, désertes, en profitent pour baisser le rideau...
Translated from Corresponsales en Bruselas: una apuesta por Europa