Élargissement de l’Europe : STOP FOR NOW
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Si depuis 2005 un coup d’arrêt a été donné à la construction, et encore plus fortement à l’élargissement de l’Union européenne, notamment avec le refus du traité de Lisbonne comme signe clinique, la crise financière actuelle semble, elle aussi, interférer dans ce processus.
Le rejet par les peuples de plusieurs pays membres de la première version de constitution, présentée comme une consolidation des institutions actuelles et une ouverture vers l’élargissement, a semée un vent de panique à Bruxelles.
«Quand on affronte les problèmes de demain avec les organisations d’hier, on récolte les drames d’aujourd’hui» (Michel Crozier)
Considérant que dans l’esprit des pères fondateurs de l’Union l’objectif était avant tout de parvenir à la paix et à la stabilité au sein du continent européen, cela passait avant tout par une organisation des échanges de matières premières, et un équilibre financier entre les principaux protagonistes de la seconde guerre mondiale. Depuis cette époque, il semble que la machine se soit quelque peu emballée, et que la marche forcée vers une Europe toujours plus grande, et toujours plus volontariste pour une harmonisation globale, n’aie pas pris conscience de la dimension du risque de voir une Europe bancale, nécessitant plus une consolidation interne qu’une expansion effrénée. Qu’il s’agisse de l’espace Schengen, d’une construction hypothétique d’une Europe de la défense, de la régulation financière des États, et encore plus fortement de la zone Euro. Si à terme il est évident que l’Europe englobera les Balkans dans leur ensemble, et poussera probablement l’élargissement vers l’Orient avec la Turquie, mais aussi les pays du Caucase, il est primordial de leur proposer un espace financier, politique et culturel stable. Seul garant d’un élargissement durable et profitable pour chacun de ses membres.
Les consolidations à effectuer pour permettre cet élargissement sont certes nombreuses, mais elles sont avant tout économiques, politiques, et pratiques.
Alors que la crise actuelle démontre que les pays membres de la Zone euro sont, pour certains, en plein déficit (celui-ci atteignant parfois près de 120 pour cent du PIB de ces États), on entend beaucoup parler de la Grèce, et de ses comptes publique qui auraient été truqués dans le but d’attendre les objectifs de stabilité nécessaire à l’entrée dans la zone Euro. Mais que dire de l’Espagne, le Portugal, ou même la France, dont la dette publique s’envole un peu plus chaque année. Cela participe également d’un réel coup d’arrêt de l’intégration à la zone Euro pour les derniers adhérents de l’Union, la Roumanie et la Bulgarie. Malgré une relative fragilité de leurs économies respective, principalement due au recul du marché de l’immobilier, ces économies on réussi la prouesse de présenter des budgets d’État excédentaires sur les dernières années ! Cette réaction démontre tout autant une faiblesse qu’un manque de pérennité dans la santé financière des pays utilisant la monnaie commune. Comment augmenter le nombre de pays utilisant la monnaie unique s’il est déjà délicat d’assurer la stabilité de cette devise. Malgré cela, certains pays, parfois même n’étant pas encore membre de l’Europe, tentent d’attirer des capitaux étrangers et montrent une forte volonté pour participer de la zone économique de l’Europe, c’est le cas par exemple de la Macédoine qui diffuse des spots publicitaires ventant la capacité de dynamisme de son économie sur les principales chaines d’information dédiées aux décideurs (LCI, France 24, CNN, Euronews etc. ). Et que dire encore de l’Islande qui, confrontée à sa propre faillite, s’est empressée de déposer une dossier d’adhésion, espérant peut être aussi par cette occasion la mansuétude de l’Angleterre et des Pays-Bas quand au remboursement de sa dette, ces pays étant les principaux bailleurs de fonds lors du sauvetage économique de ce pays suite à la banqueroute annoncée qui l’attendait.
Toujours sur le plan financier, et contrairement à la FED, la réserve fédérale américaine, qui agit de façon pro-active sur le Dollar pour protéger les exportations des USA et l’économie de Washington de manière générale, la régulation monétaire de la Banque Centrale Européenne a également souvent été critiquée par les états membres. L’argument premier de cette critique est généralement un taux de change Euro contre Dollars fortement en défaveur des Européens pour ce qui est de leurs exportations. Et un manque de flexibilité en ce qui concerne les taux directeurs, et donc la capacité des entreprises et des personnes pour financer leurs investissements et leurs développements. En effet, et contrairement à la FED, la Banque Central Européenne est un organisme totalement indépendant, et n’est donc pas soumis, tout au moins de façon officielle, à un arbitrage politique concerté de la part des gouvernements européens.
Et cet effet négatif du taux de change de l’Euro, tout comme le manque de concertation et, parfois aussi, d’obligation sur ses orientations stratégiques de la part du pouvoir politique, aboutit aussi à certaines incohérences, et pas uniquement dans le domaine financier ou monétaire.
Prenons par exemple le cas de la défense européenne. Et mis à part le cas de la « brigade franco-allemande », crée fin 1989, ses 5000 hommes sous commandement bi-national sont, certes, un exemple à suivre, mais aussi la parfaire démonstration de l’incapacité pour l’Europe de forger un système de défense crédible. Qu’il en soit de la capacité inter-opérationnelle des armées nationales à établir des procédures hiérarchiques communes, la multitudes des chaines de commandements à mettre en œuvre ou simplement les systèmes de liaison qui sont souvent incompatibles entre les États (par exemple l’armée britannique utilise des standards de communication compatibles avec les États Unis, mais pas avec les autres pays de l’Union), ou encore le choix de certains pays d’Europe centrale, de favoriser l’achat d’avions de combat Nord-Américains, ou Russes, au détriments de l’Eurofighter de conception Européenne (que le Brésil et d’autres pays du golf on déjà acheté, sic). Ce qui en plus d’affaiblir la défense européenne, ne participe pas, tout au moins, à son succès industriel ni à sa renommée en matière de savoir-faire stratégique ! Comment établir une défense autonome alors que nous sommes toujours sous la domination du GPS (Global Positioning System) made in USA et que tous les barrages on été faits au système équivalent « Gallileo », permettant à l’Europe de guider soi- même ses Op-Ex (opérations extérieurs) ? Certains États de la nouvelle Europe, sous les encouragements de la Grande Bretagne et de l’OTAN, préférant rester dans une configuration où les USA peuvent donner ou non l’accès au faisceau satellite du GPS et se réservant le droit de le couper le signal si une opération de leurs « alliés » leur déplais, ou si eux-mêmes ont une opération « non-planifiée » en cours à ce moment ! En effet, et cependant que les pays du golf et d’Amérique Latine achètent de plus en plus fréquemment du matériel militaire européen, notamment pour leurs marine et leurs aviation, certains pays de l’Union continuent de préférer investir sur du matériel nord américain ou russe, au détriment de la capacité opérationnelle de l’Europe et à fortiori de son industrie !
Dans le même esprit, que dire de la politique énergétique de l’Europe ?
Souvenons nous des coupures de gaz qui, en dehors de craintes sur les approvisionnements, sommes toues modérées pour les pays de l’Ouest, on abouties à une coupure généralisée du gaz pour des pays comme la Bulgarie, fortement dépendante des approvisionnements en énergie de la Russie ? Le projet Nabucco, l’oléoduc-gazoduc permettant de diversifier les zones d’approvisionnement en pétrole et gaz pour l’Europe, toujours au stade de l’étude de son financement, et incertain sur ce qui est de son trajet, ne fait même pas consensus au sein de l’UE. Alors que le gouvernement bulgare essaie de renégocier les termes de l’accord en rigueur, la Roumanie semble vouloir proposer une autre option, privant ainsi la Bulgarie de cette rentrée financière en baissant les redevances du transport de gaz sur son territoire si il devait changer son parcours pour passer par une route plus au nord. De même, l’énergie nucléaire qui, certes comporte des contraintes de sécurité inhérente à la dangerosité de sa matière première, reste accessible mais assez peu développée en Europe. Les énergies renouvelables sont probablement la voie de l’avenir, mais malgré de nombreuses mesures (défiscalisation, participation financières de l’UE, et rachat de l’énergie produite par les particuliers et entreprises) restent actuellement totalement marginales. Et, hélas, le récent sommet de Copenhague n’a pas permis de monter que l’Europe pouvait se poser comme pionnier dans ce domaine !
En plus de toutes ces difficultés d’harmonisation, il reste le chapitre institutionnel à combler. Si depuis les cinquante dernières années un enchevêtrement de lois supranationales a rendu une idée simple totalement illisible, superposant des règlements européens transcrits à la chaine au plan national pour tous les états membres, le traité de Lisbonne est entré en vigueur, et ajoute (pour le moment) encore un peu à ce manque de clarté. Parti du principe qu’il fallait simplifier les textes, et donner une plus grande clarté à la structure politique et institutionnelle de l’Europe, on aboutit à un système, espérons temporaire, ou il co-existe une présidence de deux ans et demi (actuellement Hermann Von Rompuy, depuis décembre dernier), avec une autre présidence (pour le conseil) renouvelée tous les six mois, et la nomination d’un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (Catherine Ashton), qui est également vice-président de la Commission. Toutes ces évolutions, qui devraient donner une meilleurs lisibilité à la politique générale de l’Europe, peinent encore à s’imposer. Cette difficulté est apparue des les premières semaines avec le drame du séisme en Haïti et l’absence de réponses concrètes et organisée de la part de l’Union.
Ajoutons à cela le débat sur l’entrée de la Turquie en Europe, une demande d’adhésion qui remonte à 1959 ! Depuis nous sommes reste à peu près au status quo. Quelques parlementaires turcs ont fait leur apparition au sein des organes législatifs européens, mais il n’est toujours pas question de l’adhésion franche et complète de ce pays dans l’espace européen. Tout au plus on offre un « accord d’association ». Ce sujet est probablement le plus ancien serpent de mer de la construction européenne. Pendant que les candidatures, bien légitimes d’autres pays, qu’ils soient Balkaniques ou plus septentrionaux, affluent, et que ces pays bien naturellement nous rejoignent, l’Europe dans son ensemble est incapable de donner une réponse claire à ce partenaire de longue date qu’est la Turquie. Mais ou réside le problème ? Dans l’adhésion de ce pays à l’espace Schengen, avec toute la complexité que représente de contrôler la totalité de ses frontière, et le fait de devenir un voisin de fait avec des pays comme la Syrie, l’Irak ou l’Iran ? D’une culture qui semble trop éloignée vis-à-vis du citoyen « historique » ? Le problème du partage de l’ile de Chypre, non-reconnu par les Grecs, qui d’ailleurs ne reconnaissent pas non plus à la République de Macédoine (FYRM) le droit de disposer de son mon ?
Comme tout européen convaincu, mon souhait est de voir l’Europe s’élargir. Toute fois je reste convaincu que pour permettre cet élargissement dans des conditions optimums, nous devons premièrement renforcer l’édifice actuel. Consolider l’Euro, et permettre à chaque état membre de bénéficier de sa stabilité. Harmoniser nos politiques fiscales, énergétiques, sociales et militaires. Afficher une politique internationale lisible et comprise de tous nos interlocuteurs. Inviter, et inclure, chaque citoyen de l’Union à se prononcer dans les orientations politiques de l’UE, y compris avec des votes sur les sujets majeurs, et des consultations directes fréquentes. Une organisation centralisées, transférée à Bruxelles des domaines régaliens des états membres, une meilleure rationalisation des moyens et des politiques appliquées. Si l’Europe ne peut être perçu comme une organisation stable, forte, et dont la politique est pleinement comprise par ses citoyens, comme par les autres puissances, pourquoi s’étonner que des pays limitrophes soient parfois partagés entre leur volonté d’appartenance à l’Union, et la tentation de se mettre sous la protection des États-Unis, ou de la Russie selon leur position géographique ?
Nicolas Le BAUD - Valya IVANOVA
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