Clarisse Heusquin : la candidate toute verte
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Clarisse Heusquin est candidate aux élections européennes pour Europe Écologie. À 26 ans, elle est l’une des plus jeunes femmes françaises à conduire une liste. Mais son parcours raconte surtout l’histoire d’une débutante en politique qui a su donner une nouvelle voix aux écolos en dépit de la « légitime défiance » des électeurs et de certains machos. Portrait.
20 mai 2014. À l’occasion du grand débat régional de la circonscription centre consacré aux européennes, une jeune femme en blazer vert tente tant bien que mal d’exprimer ses idées. N’intervenant que lorsque le présentateur le lui permet, elle présente une pièce d’un euro comme un symbole, parle de « légitime défiance » des Français vis à vis de l’Europe ou de l’explosion des maladies chroniques sur le Vieux Continent. Puis s’efface, laissant tout l’espace à Brice Hortefeux, ancien ministre sous l’ère sarkozyste ainsi qu’aux 4 autres candidats
« Mais c’est qui celle-là ? »
Clarisse Heusquin n’a pas vraiment l’habitude des plateaux-télé. En réalité, les débats qu’elle a menés se comptent sur les doigts de la main. La Clermontoise fait pour la première fois campagne aux européennes, en tête de la liste EELV (Europe Écologie les Verts, ndlr) dans la circonscription du Centre. À 26 ans, elle est l’une des plus jeunes femmes françaises à conduire une liste en vue du scrutin organisé le 25 mai prochain. À deux semaines de l’événement, aux abords du siège de campagne nationale du parti à Paris, la jeune candidate affirmait avoir « un peu peur de rencontrer les autres » tout en sachant que « c’est du bon stress dans le sens où tu rentres dans un jeu politique » À la potentielle paralysie de la première fois, Clarisse préfèrait l’émulation de la découverte, le désir de « rentrer dans l’arène ». Et de profiter de sa carte « jeune » : « je suis nouvelle en politique, je suis jeune. Les mecs n’osent pas trop m’attaquer ».
Cheveux lâchés, foulard, blazer sombre et Iphone dans la main, Clarisse Heusquin a d’abord le profil classique du jeune en politique. Puis, assez soudainement, vous claque deux bises - « parce que je sais jamais comment on doit faire » - en vous dirigeant tout aussi soudainement vers la première terrasse. Cette jeune qui se définit comme « auvergnate et bruxelloise » sur son CV en ligne est encartée à EELV depuis 2010. À la faveur d’un programme assez social des Verts, elle s’engage chez les jeunes écolos, « parce que c’est marrant, tu fais des trucs cools, glisse-t-elle dans un grand sourire. Des actions dans la rue, des référendums nationaux… » Séduite par l’idéologie d’un parti politique qui reste d’après elle « le parti le plus sympa de France », Clarisse s’investit chez les Jeunes Verts Européens. Soutenue par « un pote » qui voit en elle un atout, elle postulera pour faire campagne aux européennes dans sa région de l’Auvergne avec un slogan : « Après tout, rêvons ». « À ma grande surprise, j’ai remporté le vote des militants et je me suis retrouvée à être un enjeu de négociation au sein du comité de direction à Paris », dit-elle en regardant le fond de son verre de sirop. S’ensuivent pas mal de tractations à l’issue desquelles Clarisse Heusquin sera confirmée comme tête de liste EELV. « Je n’ai même pas assisté au débat !, s’exclame-t-elle, morte de rire. J’étais à Göteborg avec les Jeunes Verts Européens et j’ai appris la nouvelle dans un ascenseur, grâce à un texto envoyé par un militant qui tenait la buvette. »
Une verte et des pas mûrs
C’était en décembre 2013. Quatre mois après, Clarisse en parle encore comme d’ « un beau souvenir ». Pourtant, il a fallu convaincre. Certains élus qui s’amusent à souligner « l’impétuosité de la jeunesse qui ne connaît pas les codes ». Certains membres du parti « encore un peu machos » qui lâcheront à ses soutiens « t’as couché avec elle non ? » ou plus directement « t’es jolie, tu va être élue ». « Ils ont mis du temps à l’accepter, résume l’intéressée. Mais faut les comprendre aussi. Les mecs voient débouler une meuf de 26 ans sans savoir comme elle est arrivée là, ils se disent forcément "mais c’est qui celle-là ?" ». Elle le dit nettement : « je ne suis la protégée de personne ». Pas du sérail, la jeune fille a dû apprendre toute seule à faire la grande. D’abord à Toulouse, pour son premier meeting, où elle s’est retrouvée à discourir « sans notes » devant 290 personnes. Ensuite, en Ukraine flanquée de Pascal Durand et de Karima Delli (respectivement tête de liste en Ile de France et dans le Nord-Ouest) pour apprécier la douce réalité de Kiev et d’Odessa. Bref « deux baptêmes politiques » qui lui ont permis d’asseoir, une bonne fois pour toute, sa légitimité. « Si on n’avait fait l’interview il y a deux mois, je n’aurais pas été aussi été confiante », lâche Clarisse en touillant les glaçons de sa grenadine.
« Des babas cool qui fument des pet’s »
Le reste, Clarisse l‘a appris dans la rue. En tractant. Confrontée aux potentiels électeurs mais surtout aux 60% des Français qui n’iront sûrement pas voter, elle explique, rassure, propose. Si elle confie être « parfois trop bavarde pour être tout à fait efficace », la jeune écolo tente d’apporter une lisibilité à une campagne européenne qui en manque cruellement. À un jeune footballeur, elle affirme que l’Europe « c’est comme une équipe de foot. Il faut jouer collectif ». À un père de famille inquiet sur son alimentation, elle indique que c’est l’Union qui étiquette la provenance de ses produits. D’autant plus que les chevaux de bataille des Verts ne sont pas simples à traduire. Le TTIP ou TAFTA, la transition énergétique…autant d’acronymes et de mesures floues que les autres partis ne se donnent même plus la peine d’évoquer.
Aux élections européennes de 2009, EELV a remporté 17% des suffrages en France. Pour le scrutin du 25 mai, les Verts sont crédités de 8%. « Le parti n’a pas réussi à faire ce grand mouvement de l’écologie politique », confesse Clarisse Heusquin en se secouant les cheveux. Elle poursuit : « on est dans entre-deux à savoir une formation qui veut proposer une alternative politique sympa mais qui devient de plus en plus pro. Aujourd’hui, les écolos ne sont pas que des babas cools qui fument des pet’s ». La jeune candidate compte bien donner de la consistance à un parti qui a tendance à brasser autant de vent qu’une éolienne. Pour ce faire, elle axe sa campagne sur des mesures aussi concrètes qu’orientées vers la jeunesse : Erasmus pour tous, revenu de base, lutte contre les abus rencontrés lors des recherches d’emplois. Des mesures qu’elle décline à vau-l’eau sur les réseaux sociaux. Outre son blog de campagne, son compte Twitter et sa page Facebook, la vingtenaire a crée un tumblr très drôle intitulé #VisMaVieDeTêteDeListe. « Ça me relaxe, dit-elle, ravie qu’on aborde le sujet. Je trouve ça beau de me dire que tu peux contacter n’importe qui sur Twitter. Je m’éclate ! »
Depuis toute petite, Clarisse a toujours voulu faire un métier propre à changer le quotidien des gens. Désormais, elle est porte-parole d’ « une génération qui galère, qui a toujours connu la crise mais qui est la seule à pouvoir vraiment changer les choses ». Rompue à la cause européenne suite à un Erasmus en Norvége et quelques expériences à Bruxelles, la jeune europhile ne s’est jamais posée la question de son appartenance au Vieux Continent. « Au lycée, je ne bossais pas mes cours sur l’Europe parce qu’on nous demandait de trop l’aimer », ajoute-t-elle avec une petite moue. Pour le 25 mai, l’Europe participe forcément de son vaste projet de changer la société car « tu agis dans 28 pays d’un seul coup ». Toutefois, elle attire l’attention sur l’importance de son ancrage à sa région d’origine « car si l’Europe change les choses au quotidien, c’est d’abord au niveau local qu’on les voit ». Et si le changement venait de Clermont-Ferrand ?