We are four lions : Chris Morris déride le terrorisme
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camille léa favreFour Lions (We are four lions pour la version française, en salle depuis mercredi 8 décembre) est le premier long métrage du comique britannique Chris Morris. Acerbe, il retrace les préparatifs d’un groupe de jeunes djihadistes de Sheffield, ville du nord de l’Angleterre, pour mettre en place un attentat.
Trois ans après les attentats manqués de juillet 2007, le film qui sort un peu partout en Europe est un cocktail explosif de tragi-comédie : de quoi allumer la mèche de la polémique !
En Grande-Bretagne, la comédie et la tragédie sont souvent très liées. C’est un mariage peu aisé rendu possible par la propension qu’ont les Britanniques à exposer au grand jour les sujets les plus sombres. Qui mieux alors que le célèbre Chris Morris pour prononcer une fois encore le sermon sacré du mariage qui unit la comédie à l’un des sujets les plus controversés de la société actuelle ?
Paedogeddon-philie, le retour
Alors qu’il fut un temps une figure importante de la comédie britannique, bien connu pour ses reportages et ses documentaires bidons, Chris Morris s’était fait plutôt discret récemment. Au sommet de sa carrière télévisuelle, il avait produit Paedogeddon , le très controversé documentaire satyrique sur la pédophilie, dernier épisode de sa série Brass Eyes. Conçue comme un pamphlet dénonçant la manière dont les médias couvrent l’actualité, la série tentait de mettre en lumière cette tendance qu’ont les médias d’exagérer les faits au point de faire naître des psychoses. Considérée dès sa sortie comme un classique du genre par les fans, l’émission n’eût pas tout le même impact sur la presse conservatrice qui jugea l’œuvre de Morris répréhensible, en s'appuyant sur le nombre record de plaintes concernant un programme de télévision britannique. Chris Morris a d’ailleurs été remercié par la chaîne publique Channel 4, qui souhaitait sauver au plus vite son image auprès du public. Depuis, il s’était quasiment éclipsé du paysage de la comédie britannique. Four Lions, sortie en salle le 7 mai au Royaume-Uni, signe le retour de Morris avec ce qu’il fait de mieux : produire de subtiles comédies et créer la controverse.
Pour un sujet aussi explosif, Four Lions est un long-métrage sans artifices, qui donne à voir les difficultés ordinaires auxquelles des apprentis terroristes doivent faire face. De l’achat massif de décolorant pour les explosifs à son transport à travers les rues de Sheffield sous un ciel grisonnant, le film met en lumière les aspects pratiques que peut engendrer le fanatisme. Les quatre membres de ce groupuscule terroriste monté à la hâte n’ont de cesse de se chamailler alors qu’ils tentent de gérer au mieux leur vie de tous les jours. En outre, les personnages tentent sans cesse de justifier leurs actions et appliquent des principes confus et incohérents à leurs besognes quotidiennes. Le jeu des acteurs n’est pas étranger à la réussite de ce film : ces derniers parviennent à faire briller un scénario succin. Pour cela, Morris peut remercier un groupe d’acteur relativement inexpérimenté - soulignons tout particulièrement la performance de Riz Ahmed, 28 ans, dans le rôle d’Omar, personnage principal de l’histoire.
Terroriste « du coin de la rue »
C’est par l’intermédiaire de la comédie que Morris dissèque un sujet aussi tabou et c’est elle qui faut remercier en tout premier lieu. A travers cette satyre, il recueille ci et là ce qu’il y a d’absurde dans ces groupes extrémistes aux tendances diverses qui s’opposent et luttent les uns contre les autres à travers le Royaume-Uni, mais aussi en Europe et dans le monde. Grâce au voile fin de la comédie, il parvient à pénétrer au cœur d’un sujet épineux qu’il expose tel qu’il est, de façon drôle et décalée. Les procès d’Omar attirent l’attention sur le côté humain du terroriste « du coin de la rue » qui lutte contre ses propres émotions et ses propres convictions. Le film atteint son apogée avec le brusque mais tardif sursaut de conscience des terroristes. Malgré le caractère assez conventionnel des personnages (aux vues du réalisateur Chris Morris), Riz Ahmed, à travers le personnage d’Omar, parvient à créer des situations vraiment drôles. Waj (joué par l’acteur anglo-iranien Kayvan Novak) est quant à lui toujours sur le point de faire une remarque totalement stupide, et aussi souvent à l’origine des scènes reproduisant pour la plupart le modèle classique des scènes de comédie. Avec Chris Morris aux manettes, la comédie est aussi réussie qu’elle est « British ».
Comme à chaque fois, l’œuvre du cinéaste (qui a aussi co-écrit le film) n’a pas manqué de susciter des critiques. Beaucoup jugent ce film à la limite du bon goût, 5 ans seulement après l’attaque mortelle du métro londonien. Pour les familles des 52 victimes de l’attentat du 7 juillet 2005, raconter l’histoire de djihadistes du nord de l’Angleterre préparant une attaque visant la capitale est une parodie bien trop proche de la réalité. Mais les autres, les plus nombreux, verront dans Four Lions une bonne façon de ridiculiser le ridicule.
Lisez le dossier terrorisme de cafebabel.com, en ligne depuis le 25 octobre 2010
Photos/ videos : FourLions.co.uk
Translated from Film review: terrorist comedy ‘Four Lions’ by Chris Morris