Vive la fuite des cerveaux !
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amandine cauchyLes talents doivent bouger… sans quoi l’Europe ne fusionnera, ni ne deviendra plus compétitive. Comme en témoigne l’expérience irlandaise, tout est question de circulation, et non de fuite des cerveaux.
Les effets de l’« exode des cerveaux » ne vont pas tarder à être ressentis dans les pays de l’Union. A ce sujet, l’anecdote du Hollandais Gerrit Gerritzoons est riche d’enseignements. Etudiant brillant, G. Gerritzoons n’a pas hésité à quitter son pays natal quand s’est offerte à lui la chance de suivre des cours à Paris. Une fois sur place, le jeune homme excelle dans son domaine et parcourt l’hexagone, philosophant dans les plus prestigieuses écoles. Malgré tous ses succès, l’homme refuse de s’enraciner. Il finira par enseigner et étudier à Oxford, Cambridge, Londres, Turin, Bologne, Venise et Rome. Et habitera en Allemagne et en Suisse.
On pourrait donc aisément comprendre que les Pays-Bas se lamentent d’avoir perdu un si bon élément pour l’avenir de leur pays. Que nenni ! Plutôt que de le pleurer, les Néerlandais célèbrent la vie de cet expatrié… pour sa contribution au continent ! Si le nom de Gerhard ne vous évoque toujours rien, son surnom latin, Erasme, ne vous laissera sans doute pas de marbre. Car cet érudit médiéval est non seulement renommé pour son impact sur la pensée européenne, mais aussi pour avoir inspiré le programme Erasmus (European Action Scheme for the Mobility of University Students), conçu pour faciliter la mobilité des étudiants et des professeurs sur le continent.
Pas de fuite mais une circulation
Aujourd’hui, toute l’attention des Etats est attirée par les côtés néfastes de l’exode des cerveaux. Pourtant, d’un point de vue plus global, l’histoire d’Erasme est significative. Elle nous rappelle que la mobilité est l’un des principes fondamentaux de la tradition européenne intellectuelle. Retour à l’époque médiévale, époque à laquelle l’Europe était traversée par des clerici vagantes. Ces ecclésiastiques vagabonds parcouraient le continent de ville en ville, s’attardant dans les hauts lieux culturels, pour échanger et répandre les nouvelles idées. L’influence de ces « porteurs de culture » est considérable. On leur attribue même un lien certain avec l’émergence des universités. Le concept de ces lettrés vagabonds quant à lui, est ravivé à l’échelle européenne, par des programmes comme Erasmus.
Le mouvement des étudiants et citoyens européens est capital pour l’enrichissement culturel et le développement économique du continent. La mouvance actuelle, cette ouverture sur l’étranger, n’a jamais été aussi si répandue ni accessible qu’aujourd’hui. L’importance de cette « circulation des cerveaux » est étayée par l’approfondissement et la multiplication des liens entre les systèmes d’éducation européens. 45 pays se sont désormais engagés dans ledit « Processus de Bologne », dont le but -sans précèdent- est de construire un vaste espace européen de l'enseignement supérieur d’ici 2010.
Les désormais célèbres programmes d’échange Erasmus ou Tempus -qui soutiennent la modernisation de l’enseignement supérieur dans les pays partenaires d’Europe de l’Est, d’Asie centrale, des Balkans et de l’espace méditerranéen - remportent de larges succès. Ils sont de plus en plus plébiscités et le nombre de participants augmente en conséquence. Chaque année, plus de 150.000 étudiants partent avec ces programmes. Ce nombre pourrait encore grossir ces prochaines années, si l’on en croit les objectifs fixés pour 2011 : 300.000 participants par an. Attention, le but de la manœuvre n’est pas de faire émigrer ces étudiants à jamais ! Bien au contraire, l’objectif veut qu’ils s’imprègnent de ces expériences, idées et nouvelles compétences et qu’ils en fassent profiter leurs pays… à leur retour. Une manière de renforcer le processus d’intégration communautaire et les liens entre les peuples.
Rien à craindre
Les dix nouveaux arrivants de l’Union européenne n’ont pas à avoir peur de la fuite des cerveaux qu’ils expérimentent actuellement. Un coup d’oeil aux effets positifs de l’adhésion à l’Union comme notamment l’augmentation des taux d’admissions universitaires suffit pour constater que les PECO ne sont nullement désavantagés par ce mouvement d’exode des talents. Les nouveaux membres devraient reprendre espoir en s’inspirant de l’expérience irlandaise. Quand l’Irlande a rejoint l’Union européenne en 1973, le pays souffrait de son émigration, constante depuis les années 1840. Pourtant, grâce à une relance économique, cette dynamique, qui avait fait foi depuis plus d’un siècle dans l’hsitoire nationale, a été balayée, en quelques années par une véritable et importante vague d’immigration.
Arrêtons donc de chanter les louanges de certains aspects des migrations en refusant d’accepter les phénomènes corollaires ! Au vu des conséquences positives de la mobilité et de son impact sur les récentes adhésions, il semble clair qu’à long terme cette nouvelle génération d’étudiants et de professionnels vagabonds ne puisse qu’être profitable au continent et à leur pays natal.
Translated from Vive the Brain Drain