Vienne : lorsque l'éducation se fait multilingue
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Véronique MazetDepuis des siècles, Vienne demeure au carrefour des langues et des cultures. Aujourd’hui encore, elle accueille des dizaines de nationalités différentes. Si certaines communautés se sont implantées récemment, d'autres remontent à l’époque des Habsbourg. Enquête dans une école multilingue - tchèque et slovaque - de la capitale autrichienne.
Les communautés tchèques et slovaques ont connu des hauts et des bas dans la capitale autrichienne. Aujourd’hui, elles se composent d’anciens colons et de nouveaux migrants qui sont arrivés à Vienne après l’ouverture du marché du travail aux citoyens des nouveaux pays de l’UE.
Bien que ces groupes viennent de milieux différents, certaines choses les unissent encore. La plus forte ? Le souhait d’élever leurs enfants avec la conscience de leurs racines. Ainsi, les parents peuvent les envoyer à l’école tchèque et slovaque dirigée par l'Association Comenius. Fondée en 1872, elle offrait la possibilité aux Tchèques d’étudier dans leur langue maternelle. À l’époque, 200 000 personnes parlaient le tchèque et le slovaque à Vienne.
Le président de l’association, Karl Hanzl, dit qu’autrefois le but principal de l’école, était de préserver l’identité nationale : de nos jours il est d’élever des enfants multilingues. Il souligne l’importance d’une éducation dans plusieurs langues. Dans cet environnement économique, parler allemand, tchèque, slovaque et hongrois, en plus de l’anglais international, est un avantage précieux.
Actuellement, environ 500 enfants suivent les programmes de différents niveaux sous l’égide des établissements de l’Association Comenius. D’après M. Hanzl 80% sont des citoyens autrichiens, deux tiers appartiennent à la communauté tchèque, un tiers est slovaque. Les enfants de deux ans ont la possibilité de commencer dès la maternelle et de quitter l’école à dix-huit ans après avoir passé les examens du secondaire : le Realgymnasium.
Alors que nous visitions l’école, nous avons voulu savoir comment l’enseignement était mis en pratique dans le système scolaire autrichien. Naturellement, les écoles suivent le programme autrichien et utilisent des livres en allemand. Traditionnellement, l’enseignement était bilingue - tchèque et allemand - et en 1990 la langue slovaque a été ajoutée. L’enseignement est trilingue. « Quand les enfants commencent l’école, les parents déterminent avec les enseignants dans quelle langue l’enfant sera "alphabétisé". Cela veut dire qu’il apprendra à lire et à écrire dans la langue choisie. Après les deux premières années d’école, sa connaissance de l’autre langue aura atteint le même niveau », nous dit Karl Hanzl.
La directrice de l’école primaire, Marcela Ofner, nous explique qu’y sont enseignées toutes les matières, à l’exception des cours d’allemand et d’anglais, dans deux ou trois langues : « Les professeurs, qui sont à 98% tchèques ou slovaques, passent de l’allemand au tchèque. Si un enfant ne comprend pas quelque chose en tchèque, ils vont le lui expliquer en allemand. Tout est mélangé. Les enfants prennent des notes en tchèque et en allemand et les enfants slovaques en slovaque et en allemand. » Elle nous dit que le système fonctionne bien et que les élèves et les étudiants y sont habitués. Ils passent d’une langue à l’autre lorsqu’ils se parlent, sans aucun problème.
Mme Ofner souligne que les enfants slovaques apprennent rapidement et après un an, sont capables de parler slovaque, tchèque et allemand alors que les enfants tchèques possèdent une bonne compréhension passive du slovaque mais la langue tchèque domine. Elle croit que le multilinguisme est aujourd’hui une richesse avec la mondialisation, et qu’une éducation dans cet environnement est un plus. L’école offre aux enfants bien plus que juste deux ou trois langues, elle enseigne aussi la culture, l’histoire, la géographie et les traditions des pays respectifs. « Ils n’auraient pas pu apprendre tout cela juste en discutant avec leurs parents à la maison », nous dit la directrice.
Malheureusement, lors de notre visite nous n’avons pas eu l’occasion d’assister à une classe bilingue, mais juste à un cours d’allemand. Nous avons été surpris par la réactivité de tous les enfants. J’ai supposé que c’était dû à notre présence mais le professeur, l’un des rares à ne pas parler tchèque ou slovaque, nous a dit que c’était habituel.
Nous avons discuté avec des élèves de troisième année. Peter nous a dit que lorsqu’il a déménagé à Vienne avec ses parents il y a quatre ans, il ne parlait pas du tout allemand. « Maintenant je suis en troisième année et nous avons un professeur de langue allemande , cela m’aide à mieux parler cette langue. » Les enfants ont l’air de réellement aimer l’école bien qu’ils admettent qu’ils préfèrent les jours où ils n’ont pas de devoirs.
Les écoles Comenius sont un bon exemple qui démontre que les établissements pour les minorités ethniques ne créent pas nécessairement des ghettos culturels mais au contraire, enrichissent les enfants qui peuvent puiser dans les différentes cultures qu'ils apprennent.
Translated from Bringing up multilingual children