Victoire du Parti travailliste, victoire pour l’Europe ?
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ariella baltiéLe Royaume-Uni, nation la plus eurosceptique de toute l’Europe, prépare sans enthousiasme ses élections. Elles ont de grandes chances d’être remportées par l’impopulaire et pro-européen Tony Blair.
C’est sans aucun doute l’élection la plus calme de toute l’histoire de la grande-Bretagne. On prévoit une faible participation des électeurs ce 5 mai. La plupart des Britanniques ne s’attend pas à un changement de gouvernement au réveil le lendemain matin. On peut d’ailleurs décrire le niveau du débat politique comme « doucereux » : aucune mention de l’Irak, de l’économie globale ni de l’alliance transatlantique. Remarquable aussi, le fait que, jusqu’à présent, l’Europe n’ait pratiquement pas été mentionnée dans la campagne. C’est tout aussi inhabituel que mal venu. Dans l’histoire récente de la politique britannique, l’Europe a été le seul sujet capable de diviser les politiciens anglais. Durant les années 1970, elle a divisé le Parti travailliste, puis les Conservateurs dans les années 1990. Plus grave, l’Europe a récemment fait partie des quelques atouts du Parti conservateur. Désireux d’accéder au pouvoir et visiblement eurosceptique, il a appuyé l’antipathie anglaise envers l’Union européenne en promettant aux électeurs, en 2001, qu’ils « sauveraient la livre sterling », et l’année passée qu’ils « bloqueraient l'adoption de la Constitution ».
Aucun intérêt pour l’Europe ?
Cela signifie-t-il donc que les relations entre la Grande-Bretagne et l’Union ne sont plus une source d’inquiétude ou de mécontentement pour l’électorat ? Il est pratiquement sûr que non. Le calme précédant les élections marque seulement une trêve. Les deux partis éviteront de débattre du sujet, les Travaillistes craignant d’aliéner ses électeurs et les Conservateurs de perdre face à l’UKIP et Veritas, deux partis radicaux qui font campagne pour un retrait immédiat de l’Union. Une fois l’élection terminée, le conflit à ce sujet émergera à nouveau entre les principaux partis. Dans l’hypothèse improbable d’une victoire des Conservateurs, ceux-ci chercheront à renégocier l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. Ainsi, s’ils sont contrecarrés par les autres Etats membres, ils mènerait un éventuel retrait. D’un autre côté, si comme beaucoup s’y attendent, les Travaillistes remportent un troisième mandat à la tête du gouvernement, un risque plane au-dessus de la Constitution européenne. A la surprise de ses collègues pro-européens au début de l’année dernière, Tony Blair annonçait qu’un référendum serait organisé, malgré les résultats de nombreux sondages qui prévoient une opposition au Traité constitutionnel de la part de deux tiers de la population. Cela signifie qu’en 2006, le Royaume-Uni pourrait bien prendre sa plus grande décision concernant l’Europe, depuis son choix de rester à l’intérieur du Marché Commun en 1975. Ou elle s’adaptera au nouveau cadre, ou elle négociera un statut à part.
Pour beaucoup d’Européens, l’ambivalence de la Grande-Bretagne peut sembler surprenante, surtout que la plupart d’entre eux voit la Constitution comme un compromis visant à satisfaire les exigences britanniques. C’était uniquement parce que la préférence anglaise allait à aucune Constitution du tout : sans compromis, cela aurait tout simplement été politiquement inacceptable. Cela pose un problème de taille à Tony Blair qui avait joué un rôle clé dans la mise en forme du texte. Il fait face à l’obligation de le promouvoir auprès d’un électorat locale qui n’est ni pro-européen, ni désireux de lui faire confiance. Selon de récents sondages montrant qu’une majorité de Français a l’intention de voter « non » au référendum, quelques railleurs dans la presse britannique ont suggéré que Blair pourrait secrètement être en train d’espérer que la Constitution échoue là-bas en premier. Il s’épargnerait ainsi la nécessité d’avoir à se battre dans une maladroite et presque impossible campagne en faveur du oui dans son propre pays.
Tony Blair voudrait laisser son empreinte
Cependant Blair a affirmé le contraire. Si les Travaillistes remportent l’élection avec une écrasante majorité, alors Blair pourrait faire du référendum sur la Constitution européenne son dernier acte qui marquera la politique anglaise. Car en dépit de son échec à faire avancer la question de l’euro plus tôt dans ses fonctions de premier ministre, et son obsession plus récente pour l’alliance transatlantique, Blair reste le plus pro-européen des Premiers Ministres britanniques depuis des décennies – certainement plus que son successeur probable le chancelier Gordon Brown. Conscient que son temps dans la politique britannique touche à sa fin, il pourrait décider de se battre pour un quasi impossible référendum sur la Constitution. Ce serait sa dernière tentative d'estampiller son héritage sur l’histoire anglaise en enfermant de manière irréversible la Grande-Bretagne dans la constellation européenne. Cela peut échouer… Mais ayant déjà annoncé qu’il se retirerait avant la prochaine élection, Tony Blair est désormais à un politicien qui n’a plus grand-chose à perdre.
Translated from A Labour win is a victory for Europe?