Une opportunité sans avenir ?
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marie monnierLe monde entier suit actuellement les élections présidentielles en Palestine, voyant dans cet événement une manière de savoir si, suite à la mort du « Père de la Nation », le peuple palestinien est capable de s’unir en temps de crise.
Yasser Arafat, qui dirigea pendant 45 ans la lutte pour la libération de la Palestine, était véritablement parvenu à maintenir l’unité de son peuple, une tâche pourtant presque impossible. Beaucoup avaient annoncé qu’après son décès, la nation palestinienne éclaterait en morceaux, mais le consensus a grandi autour de Mahmoud Abbas, le nouveau président de l’Organisation pour la Libération de la Palestine, ce qui a contrecarré ces prédictions (et ces craintes), du moins pour l’instant.
Un partenaire pour la paix
Les désunions passées entre Palestiniens ont souvent servi de prétexte aux ennemis de la paix, au sein des gouvernements israélien et américain, qui s’exclamaient avec satisfaction : « Vous voyez ? Il n’y a personne avec qui discuter ! ». Il est important que le peuple palestinien montre au reste du monde qu’il y a bien aujourd’hui un interlocuteur en face d’eux. Et étant donné que le président Bush et le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, ont déjà tous deux défini Mahmoud Abbas comme étant quelqu’un de « modéré » et de « pragmatique », il sera difficile de les rallier au slogan mensonger d’Ehud Barak, « Nous n’avons pas d’interlocuteur ! ».
Il est donc important que Mahmoud Abbas soit élu, et ce à une large majorité. Il doit avoir sa chance pour concrétiser ses espoirs : sans attaque suicide et sans l’Intifada, les Palestiniens seront en mesure de réaliser la plupart de leurs objectifs nationaux : un état palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, la frontière de la ligne verte (avec d’éventuels échanges limités de territoires), Jérusalem en tant que capitale des deux états, l’évacuation des colonies et un accord sur une solution pratique du problème des réfugiés.
Peut-être qu’il s’agit là d’un espoir naïf. Peut-être n’a-t-il aucune chance de voir le jour. Peut-être que ce sont finalement les Palestiniens qui « n’ont pas d’interlocuteurs ». Mais il est important pour eux – et pour le monde entier – que cet espoir soit mis à l’épreuve. D’ici un an, fin 2005, nous pourrons tirer des conclusions. Si Mahmoud Abbas sait s’imposer par des mesures choc, il aura gagné. Dans le cas contraire, la troisième Intifada commencera sans doute.
Le retrait des colonies de Gaza
Le plan de retrait des colonies juives annoncé par Ariel Sharon représente cependant une lueur d’espoir. Sa nouvelle coalition avec le parti travailliste, le soutien de certains membres des partis ultra orthodoxes : tout ceci laisse présager une avancée du plan de désengagement, mais aussi le début d’une véritable course d’obstacles. Le gouvernement israélien réussira-t-il à mobiliser les citoyens vis-à-vis d’un retrait intégral de la bande de Gaza ? Sera-t-il capable d’évacuer les colons sans effusion de sang ? Acceptera-t-il de ré-ouvrir le port et l’aéroport de Gaza ? Permettra-t-il la mise en place d’un « passage sûr » entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, l’une des priorités née des accords d’Oslo, régulièrement violée par le gouvernement israélien depuis sa mise en place ?
Les optimistes pensent que le retrait de Gaza – s’il a effectivement lieu – générera de lui-même un vrai dynamisme, créant une véritable opportunité de paix durable. Pendant des années, Sharon et Bush ont diabolisé Yasser Arafat et exploité cette haine orchestrée afin de saboter tout avancée vers la paix ; cet alibi a désormais disparu, en même temps que le leader palestinien. Bush voudra par ailleurs réaliser quelque chose de significatif avant la fin de son deuxième mandat, tout comme le leader du parti Travailliste, Shimon Peres. L’opinion publique réclame également une évolution du problème. L’Europe va s’impliquer. Sharon sera peut-être balayé par le courant qu’il a lui-même créé.
Un agenda caché ?
D’autres sont nettement plus pessimistes. C’est un secret de polichinelle : Sharon n’a pas seulement concocté le “plan de désengagement” pour se débarrasser de la responsabilité de plus d’un million de Palestiniens résidant dans la bande de Gaza, il l’a surtout fait afin d’annexer 58% de la Cisjordanie en toute tranquillité. Abandonnera-t-il son rêve ? Il a d’ores et déjà repoussé les discussions sur la Cisjordanie après l’implantation de son plan concernant Gaza, qui arrivera à son terme fin 2005. L’an prochain sera consacré aux élections israéliennes. Et ainsi de suite.
Qui a raison, les optimistes ou les pessimistes ? Personne n’est en mesure de prévoir ce qui va se passer. Cela dépend de nombreux facteurs, dont celui du camp de la paix israélien. Cela va sans dire que nous, Israéliens, devrons coopérer avec tout leader palestinien élu par son peuple, et qu’il n’est pas dans notre intérêt d’interférer dans le processus. Un an passera avant que nous sachions s’il existe réellement une « opportunité sur l’avenir », ou seulement une « opportunité sans avenir ».
Translated from Widow of Opportunity?