Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Ou pas ?
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Katharina WeckCommentaire : Le nouveau film des Avengers « Captain America : Civil War » est sorti en salles fin avril et jusqu’à présent il a été encensé par les critiques. Quelques aspects du scénario posent cependant problème.
Attention spoilers
Le film commence en 1991 lorsque le Soldat de l’Hiver, un vil assassin qui devint l’acolyte du super héros Captain America dans son dernier film, s'empare d'un sérum de super soldat dans une voiture tout en tuant les passagers.
C’est ensuite que débute l’intrique en tant que telle. Les Avengers, un groupe de super héros parmi lequel figurent Black Widow (Scarlett Johansson), Captain America (Chris Evans), Iron Man (Robert Downey, Jr) et la Sorcière Rouge (Elizabeth Olsen), sont au Laos où ils ont pour mission d’empêcher le vol d’une arme biologique. Comme d’habitude, leur mission est couronnée de succès, mais les dommages collatéraux ne sont pas négligeables et de nombreux civils trouvent la mort.
L’opinion publique se tourne alors contre eux et les différents chefs de gouvernement décident qu’ils ne peuvent plus longtemps tolérer ces interventions qui ont lieu dans tous les coins du monde et ne sont soumis à aucun contrôle. Les Nations Unies souhaitent donc établir une instance dirigeante internationale et contrôler les Avengers grâce aux « accords de Sokovie ». Les Avengers doivent choisir : signer le traité ou se retirer.
C’est alors que débute la guerre civile. Une partie du groupe, menée par Iron Man et Black Widow, pense que se ranger du côté des Nations Unies après tous les dégâts qu’ils ont causés est raisonnable. L’autre partie, à sa tête Captain America et ses acolytes, ne souhaite pas que leur liberté soit entravée par qui que ce soit, et surtout pas par une organisation politique. Mais lors de la conférence à Vienne où l’accord doit être ratifié, en présence de ceux et celles qui souhaitent le signer, une bombe explose proche du lieu de réunion. Grâce à une vidéo de surveillance, est identifié comme coupable Bucky Barnes, alias le Soldat de l’Hiver, qui avait précédemment subi un lavage de cerveau, ami de Captain America.
Celui-ci, sachant qu’une troupe de soldats a autorisation de tirer à vue sur son ami, se rend à Bucarest (filmée de toute évidence à Berlin) où se trouve Barnes, afin de le protéger. Suite à un combat intense avec des policiers allemands et une course haletante à travers Berlin - non... le Capitole de Panem ? Mais non, la légende façon Instagram m’a fait savoir qu’il s’agissait bien de Bucarest... Nous disions donc : suite à un combat intense avec des policiers allemands et une course haletante à travers Bucarest - mais... alors pourquoi est-ce que tout le monde parle allemand ??
Bref, Captain America prouve au monde entier qu’il est capable d'engendrer des dommages collatéraux mieux que personne : il frappe et, en toute probabilité, tue de nombreux policiers allemands complètement dépassés, il écrase voitures et hélicoptères à Bucarest. Tout ça pour un seul personnage, assassin inconstant et sans pitié. Et comme tout ceci s’avère illégal, tous deux sont arrêtés.
Ensuite, un autre sous-titre tout droit sorti d’Instagram nous informe que l’intrigue se poursuit à Berlin (qui peut enfin se jouer elle-même!) où Barnes est emprisonné dans une cellule haute sécurité. Alors que Captain America reçoit un très joli stylo en cadeau de la part d’Iron Man, qui espère que celui-ci voudra bien maintenant signer les « accords de Sokovie ».
Au même moment, le principal antagoniste du film, Helmut Zuma (joué par Daniel Brühl), qui a organisé l’explosion à Vienne afin que Bucky Barnes soit perçu comme coupable, prononce les mots qui libèrent le Soldat de l’Hiver en Barnes. Le Soldat de l’Hiver s’échappe donc de sa cellule, abattant tout le monde à proximité, et tente de prendre la fuite à bord d’un hélicoptère. Son ami Captain America réussit cependant à l’en empêcher et ils se jettent dans la Spree (principale rivière de Berlin), éludant ainsi les agents du gouvernement.
Barnes lui dévoile le plan de Zuma : éveiller les autres Soldats de l’Hiver qui sont gardés à l’état de sommeil en Sibérie, dans un établissement appartenant à l’Hydra. Ils partent à la poursuite de Zuma, détruisant au passage l’aéroport de Berlin (en fait il s’agit de celui de Leipzig) en combattant leurs anciens alliés des Avengers qui tentent de les en empêcher. Captain America ne leur ayant pas dévoilé le danger qui les attend en Sibérie, ils sont venus pour le forcer à se retirer, comme il avait refusé de signer les accords.
Mais l’autre moitié des Avengers soutient Captain America, parmi eux la très puissante Sorcière Rouge - qui serait en mesure de les vaincre instantanément, mais qui prétend au contraire pour permettre à cette scène de se dérouler -, et Captain America et Barnes parviennent à fuire. Leurs acolytes sont ensuite arrêtés et enfermés dans une cellule haute sécurité sous les mers. Iron Man apprend alors de Captain America ce qui se passe et les suit en Sibérie, afin de les aider et empêcher l’éveil d’autres Soldats de l’Hiver. Mais en arrivant dans la salle où se trouvent les corps endormis, ils se rendent compte que Zuma les a déjà abattus d’un coup de feu dans la tête. C’est alors qu’il révèle ses véritables intentions et explique pourquoi il les a tous les trois attiré ici : venger sa famille, tuée suite aux combat entre les Avengers et Ultron à Sokovie dans leur dernier film, en détruisant l’unité du groupe. Il les fait regarder une vidéo prise par une caméra de surveillance en 1991 ; elle montre le Soldat de l’Hiver Bucky Barnes, après son lavage de cerveau, assassinant les passagers d’une voiture qui s’avèrent être les parents de Tony Stark (alias Iron Man). Iron Man perd la tête et tente de tuer Barnes, en criant : « Tu as tué ma maman ! » Comme à son habitude, Captain America protège son ami et suite à un long combat ils détruisent l’armure d’Iron Man ensemble, le laissant à terre dans l’établissement d’Hydra.
En dernière scène nous voyons Tony Stark, de retour à la base des Avengers, lisant une lettre d’excuses rédigée par Captain America justifiant ses actions. En parallèle nous est montré Captain America entrant dans la prison sous les mers où sont emprisonnés les Avengers qui l’ont aidé.
Il ne fait aucun doute que la réalisation du film est très réussie et que le jeu des acteurs est impressionnant. Ça fait du bien d’être confronté à une autre intrigue que l’habituel scénario des super héros qui doivent empêcher la fin du monde. Les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely ont brillamment réussi le défi d’inclure autant de personnages et de mettre en scène chacun d’entre eux avec une personnalité différente. Nombreux critiques ont fait remarquer qu’il pourrait bien s’agir de la meilleure production Marvel de tous les temps.
Peut-être.
Nous pouvons cependant aussi soulever la question pourquoi une production avec un budget de 250 millions de dollars a omis d’expliquer pour quelle raison les agents de police à Bucarest parlent allemand ou bien ne les a tout simplement pas fait parler roumain. Bien sûr, il se peut très bien qu’une majorité des spectateurs se préoccupe très peu de géographie, de régulations et des différentes autorités et qu’il ait été plus facile de filmer en Allemagne, comme ils se trouvaient de toute façon à Berlin, mais l'époque où les forces allemandes se rendaient dans les capitales d’autres pays et tiraient à vue est heureusement révolue. Comment n’en se sont-ils pas rendus compte? D’une perspective européenne, c’est perturbant.
C’est tout aussi perturbant de regarder un film qui attire l’attention sur la mort de civils suite aux actions des Avengers et qui en même temps met en scène un Captain America plus impitoyable que jamais. Les hommes qu’il bat et, en toute probabilité, tue dans le film pour sauver son ami Bucky ne sont pour la plupart du temps pas des ennemis aux super-pouvoirs. Ils se trouvent plus ou moins au mauvais endroit, au mauvais moment, plus précisément au moment où le bien-être des citoyens n'est pas la priorité de Captain America. Tous les spectateurs du film ne sont peut-être pas du même avis, mais la dernière scène du film est particulièrement choquante à cet égard. Captain America entre dans la prison sous les eaux où ses amis sont emprisonnés - et de nombreux corps jonchent le sol autour. Certes, ces personnes ont sûrement travaillé pour la prison, mais, dans un film dont le but est d’attirer l’attention sur les dommages collatéraux, ce n’étaient de toute évidence que des personnes qui faisaient leur travail. Au 21ème siècle, où l'Allemagne nazie et la Guerre froide sont longtemps révolues, à un moment où l’image d’un leader charismatique est plus difficile à maintenir que jamais, les armées qui obéissent aveuglement n’existent pas, pas plus qu'une population sans visage et individualité ou que des masses qui ne font dire que oui ou non. Nous faisons un certain choix pour une certaine raison ; des lois garantissent la survie de la société – des lois qui, soit dit au passage, existent surtout pour des raisons économiques. Mais Captain America n’a pas encore atterri dans ce monde ; il a grandi dans un monde en noir et blanc et son esprit y demeure.
C'est si simple, mais si troublant.
Le film semble se ranger de son côté, à la fois libéral et conservateur. Celui qui porte le nom de Captain America représente assurément les valeurs américaines. Mais est-ce cela que les super héros représentent ? Qu’en est-il de : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » de Spider man? En quoi est-ce dépassé d'assumer la responsabilité de ses actes ? Dans un film qui traite du sujet de la responsabilité ?
Il est compréhensible que le personnage de Captain America ne fasse confiance à personne suite à ses expériences passées et il n'a en effet jamais été du genre à réfléchir longtemps à ses actions - mais cela ne rend pas l’intrigue plus convaincante.
Les personnages qui se joignent à lui sont un adolescent solitaire, un aspirant au groupe des Avengers et ses deux acolytes. Ce qui fait de lui le même genre de leader charismatique dont il craint tellement le contrôle. Il aurait pu être le personnage du film à évoluer, à donner l’exemple. Mais au lieu de grandir, il anéantit Tony Stark.
Captain America aurait pu se rendre compte que faire confiance et laisser ceux qu’on aime demande suivre leur voie demande plus de courage - contrairement à être égoïste et à frapper encore plus fort tout en ayant déjà des super pouvoirs.
Prendre le parti du personnage à la supériorité héroïque auto-proclamée détourne cependant l’attention du véritable problème que le film ne résout pas. Qu’en est-il des dommages collatéraux ? Qu’en est-il des personnes normales ? Le film n’est pas à la hauteur de l'objectif qu'il s'était fixé.
Les scénaristes Markus et McFeely voulaient rendre l’intrigue réaliste et profonde, mais celle-ci laisse la place à trop de questions. C’est un film à couper le souffle du début à la fin, mais en raison des attentes soulevées par l’intrigue, il s’agit en fait de la pire des productions Marvel.
Translated from With great power comes great responsibility - or not?