Ukraine, le jour d'après
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Amandine AgicDepuis les résultats des élections du 27 mars dernier, les leaders ukrainiens se chamaillent autour d'un futur incertain. S'il veut gagner, Victor Ioukatchenko doit s'allier avec la coalition de sa meilleure ennemie, Ioulia Timochenko.
L’atmosphère actuelle en Ukraine est assez différente de la vague d’optimisme qui a salué la Révolution Orange. Les changements espérés par la population n’ont simplement pas eu lieu : les réformes ont pris du retard et l’économie nationale connaît des difficultés. La crise gazière avec la Russie a rendu la situation encore plus compliquée : la menace de Moscou de couper le robinet énergétique de l’Ukraine a conduit à un deuxième renversement du gouvernement de Ioutchenko. Les électeurs sont censés manifester leur mécontentement lors des élections de mars prochain.
Réformer le système
Les réformes mises en place en janvier dernier ont pour but de partager certains des pouvoirs du Président avec le Parlement. Ces changements ont finalement conduit à un cul-de-sac politique lors du litige gazier avec la Russie à l’hiver dernier : le Parlement avait voté une motion de défiance à l’égard du gouvernement et sa manière de gérer la crise avec Moscou. Victor Ioutchenko, jugeant cette décision illégitime, n’a pourtant pas été en mesure de la porter devant la Cour Constitutionnelle ukrainienne, celle-ci n’ayant pas été complètement formée.
Même si le règne en dents de scie de Léonid Koutchma a pris fin en janvier 2005, ses idées à propos d’une éventuelle refonte du système politique ukrainien sont encore dans l’air, questionnant principalement la légitimité d’un tel canevas. Avec cette réforme, le Président perdra certains de ses droits de veto qui seront transférés au Parlement, au Président du Parlement et au Premier ministre. Le Conseil de l’Europe, après avoir analysé le projet, a déclaré que l’Ukraine avait effectivement besoin d’un changement, mais non d’une transformation «anticonstitutionnelle» comme celle issue de la Révolution Orange.
Cette impasse politique ajoute à l’insatisfaction générale engendrée par l’explosion de l’ « équipe orange » constituée en septembre 2005. Le démantèlement intervenu suite à la décision du Président Ioutchenko de limoger son ancienne alliée dans le combat contre Koutchma, Ioulia Timochenko, de son poste de Premier ministre. Nombreux sont ceux qui ont vu dans ce changement une conséquence des scandales de privatisation ukrainiens et plus particulièrement la promesse faite par l’ancienne Premier ministre de clarifier la situation de Nikopol Ferroalloy Plant, une société représentant les intérêts de différents groupes oligarchiques.
Les résultats des élections lèveront le voile
Suite logique de cet éclatement, le soutien populaire apporté aux anciens alliés Orange, que ce soit au Président Ioutchenko et à sa coalition « Notre Ukraine » ou au parti de Iulia Timochenko est désormais plus faible que celui donné au Parti des régions de Victor Ianouvitch, perdant de la campagne présidentielle de 2004. Les sondages menés par divers instituts comme le Centre Rozumkov ou l’Institut de Sociologie de Kiev sont unanimes : ils placent ce même Parti des Régions en tête avec entre 27 et 35 % des voix, suivi de la coalition « Notre Ukraine » censée recueillir 17 à 18,5 % des voix. La formation de la Princesse du gaz ne devrait obtenir que 10 à 14 % des suffrages. Pour obtenir des sièges au Parlement ukrainien, le parti de Ioutchenko se retrouverait donc face à un dilemme cornélien : s’allier avec son ex-rival ou son ex-alliée.
Selon les termes de Taras Kuzio, politologue de renom, une coalition orange serait le signe d’une pause démocratique approuvée par l’OTAN et l’UE alors qu’une alliance avec le Parti des Régions serait une preuve de régression comparable aux conséquences confuses de cette même révolte colorée. Pas si facile de se débarrasser de l’héritage du régime de Koutchma. Les clans régionaux d’oligarques soutenus par la population pourrait obtenir la majorité au Parlement et rendre caduques les progrès démocratiques de l’Ukraine. La détermination de Kiev à privilégier la voix européenne dépendra grandement de la voix des urnes le 26 mars prochain.
Translated from Post election Ukraine