UE versus USA : la question à 8,2 milliards d’euros
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Clémence MalaretLes Etats-Unis aussi ont traversé de graves crises de la dette. L’Union européenne peut-elle tirer des leçons des expériences américaines ? Première partie de nos observations transatlantiques sur la crise.
Les marchés financiers s’emballent, la pression monte sur les obligations de nombreux États, les intérêts augmentent et les gouvernements de l’Union se réunissent pour tenter d’éteindre l’incendie. Les États en crise militent en faveur d’une responsabilité commune, ou du moins en faveur d’aides de la part de leurs partenaires les plus solides financièrement. Mais ces derniers s’y opposent. Eux qui ont réussi, après dix ans de politique financière responsable, à réduire considérablement leur endettement, se posent la question : pourquoi devraient-ils intervenir pour leurs partenaires ?
Un rapport sur la solvabilité de l’Union et de ses États est sur le point d’être présenté aux chefs d’États. S’il sonne sec et technique, il comporte pourtant un certain nombre de propositions révolutionnaires : l’Union devrait prendre en charge toutes les dettes des États et émettre à la place de nouvelles obligations engageant tous les pays. Pour le ministre des Finances en charge de ce rapport, c’est la réputation de l’Union et de ses membres qui est en jeu, si une solution crédible et durable n’est pas rapidement apportée au problème de la dette. Les délibérations sont passionnées.
2012, ou l’inévitable crise européenne ?
Les États du nord sont les plus stables tandis que le sud se bat contre une montagne de dettes
Loin s’en faut ! Ces événements ont eu lieu en 1790 à New York. Les députés siégeaient alors au sein du premier congrès des États-Unis. Le débat portait sur le rôle de l’État central et la répartition des pouvoirs entre ce dernier et les États fédéraux, ainsi que sur les missions de la Banque centrale. L’une des questions centrales, et en même temps des plus complexes, portait toutefois sur la manière dont la jeune Union allait se dégager des dettes pressantes liées à la guerre d’indépendance. Le ministre des Finances, Alexander Hamilton proposa alors un plan courageux, qui finit - non sans âpres négociations politiques – par être appliqué.
Le scénario auquel l’Europe d’aujourd'hui est confrontée est d’une étonnante similarité. Mais quel est l’enjeu de cette comparaison transatlantique à travers les siècles ? La constitution américaine étant entrée en vigueur en 1789, l’État central ne disposait pas encore de ressources propres. Il était totalement dépendant des contributions des États membres. Il en va de même aujourd'hui pour l’Union européenne, dont le financement repose essentiellement sur les contributions de ses membres. Elle peut compter en plus sur les recettes issues de la perception de droits extérieurs, qui fut également mise en place par le congrès américain quelques années plus tard. Mais le droit d’ériger des impôts, central pour le pouvoir d’un parlement, et qui entre-temps est devenu une prérogative du congrès américain, l’Union européenne ne le détient pas.
Retour en Amérique
Dans les années qui ont suivi la guerre d’indépendance, certains États, en particulier ceux du sud des États-Unis, avaient réussi à diminuer drastiquement leurs dettes. Ils vivaient bien grâce au commerce du coton. D’autres États, principalement ceux du nord, n’avaient pas pu résorber leurs dettes, jusqu’à parvenir à une situation précaire. Au final, cette situation pesait sur l’économie de l’Union dans son ensemble.
L’incertitude est un poison pour l’économie
La même situation se joue sous d’autres auspices en Europe, à une exception près : chez nous, les États du nord sont les plus stables financièrement, et les plus compétitifs, tandis que le sud se bat contre une montagne de dettes et une économie en perte de vitesse.
Évidemment, en 1790, les États financièrement orthodoxes ont opposé une énorme résistance à l’encontre d’une mise en commun des dettes. Mais les partisans de cette dernière avaient des arguments de poids. Ils ont mis en avant la stabilité du dollar, la crédibilité de la jeune république et son développement économique futur.
Dans l’Europe d’aujourd'hui aussi, les États « solides » opposent une forte résistance à l’encontre de toute forme de responsabilisation commune. En même temps, l’hésitation et l’indécision affectent énormément le seul élément qui serait susceptible d’apporter une solution au problème : la confiance. Confiance dans la stabilité de l’espace monétaire, dans la solvabilité des États, dans leur cohésion et dans la perspective d’un développement économique positif.
Les propositions et modèles ne manquent pas. Eurobonds, Eurobills, fonds d’exonération de la dette, FESF, MES, rachat d’obligations par la BCE...
L’incertitude est un poison pour l’économie, et les Européens en font actuellement, une nouvelle fois, la douloureuse expérience. Allons-nous réussir à trouver une solution innovatrice à ce dilemme ? C’est la question à 8,2 milliards d’euros – le montant de la dette publique des États européens en 2012. Aux États-Unis, la question de la dette était liée à l’époque à une série d’autres questions fondamentales, que l’Europe d’aujourd'hui doit se poser. Comment réagir lorsque les règles ne sont pas respectées, quel pouvoir conférer à l’État central, quel processus de décision pour régir la politique économique ? Et qui représente le système financier, artère vitale de toute économie moderne, quand la situation devient critique ?
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Les propositions et modèles ne manquent pas. Eurobonds, Eurobills, fonds d’exonération de la dette, FESF, MES, rachat d’obligations par la BCE, opérations de refinancement à plus long terme, union bancaire, union fiscale – la crise européenne de la dette a déclenché une avalanche d’idées et de concepts complexes. La compréhension de la crise de l’euro tourne à l’exercice de cryptologie. Mais à quoi ces propositions servent-elles, et quelle est leur chance d’aboutir ? Comment les Etats-Unis ont-ils procédé à l’époque, et comment fonctionne l’Amérique aujourd'hui ?
Lisez la suite de notre série Union européenne versus États-Unis demain. Nous visiterons différents États européens et américains et mettrons en lumière leurs points communs les plus frappants, mais aussi leurs grandes différences.
Photo : © Adrien Lecoärer/http://plcrr.com/
Translated from EU vs. USA: Die 8,2 Billionen Euro-Frage