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Tolstoï, le dernier automne : la Russie revient sur nos écrans

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Default profile picture Clara Baudel

Culture

Un génie vénéré, des personnages passionnels, des réflexions mielleuses, les prairies de Russie occidentale : tels sont les éléments clés de Tolstoï, le dernier automne (Michael Hoffman, 2009 - sortie récemment sur les écrans russes, à l’affiche le 8 décembre en France), un film distrayant et bien joué, mais cependant très prévisible, qui raconte les vieux jours de Léon Tolstoï.

Critique et instantané de la Russie pré-bolchevique.

L’écrivain ultra-consacré Léon Tolstoï (interprété par Christopher Plummer) a fondé une nouvelle religion, le « mouvement tolstoïen », une espèce de communisme chrétien rural basé sur l’« amour » (les personnages parlent d’« amour » tout le temps, sur fond de piano), réaction aux progrès industriels et au venin politique qui menacent la pureté du peuple russe, du paysan, du moujik. Mais le mouvement semble lui être échappé des mains tandis que s’est mise en place une hiérarchie interne, dont fait partie une éminence grise avide de contrôle (Paul Giamatti). De l’autre côté, la femme de Tolstoï (jouée par Helen Mirren) se bat à cor et à cri pour que son mari ne laisse pas tout le patrimoine familial entre les mains de quelques sectaires. Placé au cœur de tant de passions alors qu’il n’aspire qu’à la tranquillité, l’auteur d’Anna Karénine se laisse aller et se promène dans la forêt avec son jeune secrétaire, un apprenti timide et virginal (joué par James McAvoy) qui découvre l’« amour » (l’amour, toujours l’amour) dans les bras d’une ardente tolstoïenne.

La majorité des scènes ont lieu dans les jardins de Yásnaia Polyana, dans le domaine du comte aux alentours de Moscou

Réussites : la peinture du caractère (ou cliché) russe

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Les personnages sont très russes : des hommes pleins de doutes côtoient des femmes dominatrices qui crient et se jettent dans l’eau glacée. Comme dans Guerre et Paix, ils passent leur temps à écrire des lettres, à retenir leurs larmes et à claquer les portes. Ce comportement extrême (bien joué par les acteurs) va de pair avec l’omniprésence de la nature : on entend sans interruption, pendant près de deux heures, le chant des oiseaux ou le vent qui agite les branches, comme si la forêt était un personnage à part entière.

On apprécie également le traitement de l’arrivée inévitable de la modernité, dans des détails comme le phonographe qui impressionne un Tolstoï sceptique, ou les caméras préhistoriques qui pullulent pour filmer le « mouvement ». La Russie ne connaît pas encore la révolution industrielle, elle est toujours gouvernée par un tsar, et une infinité de courants politiques (y compris le « mouvement tolstoïen » et d’autres du même genre) planifient de nombreuses opérations. Ce climat d’agitation sera parfaitement confirmé, peu de temps après, par la guerre et la révolution.

Retouches et mode

Le film est tiré du livre éponyme (écrit par Jay Parini en 1990), et on ne sait pas très bien jusqu’où les choses ont été accentuées pour vendre plus d’entrées. Tout semble indiquer que le vieux Lev Nikolaevich (pour parler à quelqu’un sérieusement, appelle-le par son prénom et son patronyme), fatigué de prêcher l’austérité tout en vivant comme le comte qu’il était, décida de partir à la campagne, de fonder des écoles pour les paysans et de travailler comme cordonnier... Et ainsi d'affronter la colère de sa femme, Sofia Andreevna (on peut aussi utiliser le prénom et le patronyme comme signe d’intimité envers une personne âgée ou très respectée). Car il y eut effectivement des tensions, comme nous l’a confirmé le même Tolstoï dans une récente interview.

Mais cette histoire patine, change selon celui qui la raconte : on connaît mille versions différentes des derniers mots de l’écrivain, par exemple. Par ailleurs, est-ce un hasard si le centenaire de la mort de Tolstoï a droit à une mise en scène hollywoodienne ? Quelque chose à voir peut-être avec le retour des auteurs russes dans les maisons d’édition ? Le marché pressent-il déjà les réflexions glacées, l’introspection, le crime et le châtiment comme nouveau filon ? Dans ce cas bienvenue.

Tolstoï, le dernier automne sortira en France le 8 décembre 2010

Photos : affiche promotionnelle de « Tolstoï, le dernier automne » ; Christopher Plummer et James McAvoy dans des clichés du film (Sony Pictures Classic, 2009) ; vidéo : YouTube.

Translated from Lev Nikolaevich y 'La última estación' (reseña)