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Tim Luscombe, le théâtre mode anglaise

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Default profile picture Amandine Agic

Les Britanniques sont réputés pour leur euro scepticisme et leur peu d’intérêt envers ce qui peut se passer au delà du Channel. Le dramaturge Tim Luscombe, 45 ans, est une exception à la règle. Il évoque ici sa dernière pièce, l’Eurovision et ses compatriotes.

« J’ai honte d’être Anglais » est presque la première phrase que me lance Tim Luscombe, un jeudi après-midi ordinaire à Londres. Face à moi, dans un café situé dans le quartier branché de South Bank, sur la rive Sud de la Tamise non loin du Tower Bridge, est assis l’un des jeunes metteurs en scène les plus prometteurs de la scène londonienne.

Luscombe porte une veste en cuir sans prétention : Anglais jusqu’au bout des ongles, il a les cheveux courts et porte un livre de grammaire sous le bras. Etudiant à l’école de théâtre ‘Old Vic’ de Bristol, il a ensuite été le directeur artistique de la London Gay Company qu’il a fondée en 1991 avec Adam Magnani. Sa seconde œuvre « The One You Love » a été financée par le Deutsches Theatrer de Berlin et trois de ses pièces ont été nominées aux ‘Lawrence Olivier Awards’, une récompense théâtrale prestigieuse outre Manche.

Dans son dernier opus, « Le plan Schuman », Luscombe esquisse l’évolution de l’Union européenne à travers l’histoire de Bill, un fonctionnaire visionnaire qui se transforme en eurocrate blasé. « D’une certaine façon, cette pièce fonctionne comme une explication au comportement des sujets britanniques aujourd’hui. » L'esprit léger et drôle en plus.

« J’espère que la pièce sera jouée dans d’autres pays d’Europe » me raconte Luscombe en sirotant son chocolat chaud. « Car je trouve qu’il y a de bien mauvais préjugés circulant dans l’Union sur les Britanniques. On me demande souvent ‘Pourquoi diable êtes-vous comme ça, bande de petits insulaires ?’ » Grâce à cette pièce, il sera peut-être plus aisé aux anti-Brits de se faire une idée du pourquoi du comment.

Un lien européen émanant des jeunes

« L’un de mes tous premiers souvenirs est vraiment cette honte d’être Britannique,» reprend mon interlocuteur avec une mine ironique. «J’étais en vacances dans le Sud du Portugal en famille. Un jour, alors que nous allions à la plage à pied, nous avons croisé des mendiants dans la rue. Une femme tendait sa main pour demander de l’argent et ma mère, croyant qu’elle la saluait, a poliment dit ‘Good morning’. Je n’en croyais pas mes oreilles ! »

Luscombe se met ensuite à disserter sur le fameux concours de chanson de l’Eurovision, et me raconte les nombreuses fois où ses parents sortaient danser dans les sixties, le laissant regarder cette émission avec sa grand-mère.

« La télévision au Royaume-Uni à l’époque était très britannico-britannique. Et tout d’un coup il y a eu ce show, si glamour, qui me faisait vibrer. Je suppose que je devais m’y reconnaître. Je pense toujours que c’est une émission fascinante et c’est mon premier coup de foudre avec l’Europe. »

Depuis, Luscombe a vécu dans plusieurs pays européens et a appris à ne pas être trop british. « J’avais honte d’être ce petit Anglais qui s’attendait à ce que tout le monde parle sa langue. Alors, partout où je suis allé, j’ai fait l’effort d’apprendre le langage du pays ». Luscombe fait l’expérience du mode de vie scandinave à Stockholm, tombe amoureux d’Amsterdam et a raffolea des spécialités culinaires italiennes.

Quand il habitait en Suède et en Hollande, mon interlocuteur travaillait déjà dans l’univers artistique mais c’est à Rome qu’il prend une année sabbatique afin de se dédier à sa carrière de metteur en scène. « J’en étais arrivé à un stade dans ma carrière où la seule chose qui comptait, c’était de prendre une année pour me recharger. J’avais toujours voulu vivre en Italie que j’imaginais comme le pays de la perfection : là où je n’aurais enfin plus aucun problème. Une impression sûrement due à la météo, à la nourriture et aux splendides autochtones » s’exclame t-il en souriant.

Mais il revient finalement à Londres, au pays de l’europhobie. « Pour être honnête, je regrettais les jours gris et bruineux lorsque je souffrais sous le soleil caniculaire de Rome en plein mois d’août. Par dessus tout, c’était les conversations fluides, pleines d’esprit et d’humour qui me manquaient. Certes je ne pouvais pas les mener en italien, en hollandais ou en suédois mais c’était entièrement de ma faute ! »

La faute à l’Empire ?

Luscombe impute ainsi à l’Histoire le manque de connaissances sur l’Europe des Britanniques. En tant que « race insulaire », ils n’ont jamais pensé devoir s’inquiéter de ce qui se passait sur le continent. « Personne ne nous a envahi pendant une longue période et je suis persuadé que l’on voit l’Europe d’un autre œil que la Belgique ou la Lituanie, entre autres parce que ces pays ont été envahis par leurs voisins dans un passé très récent. Je suis sûr que la nature même de notre relation à ce passé nous empêche d’avancer. De même, en raison de notre position stratégique dans le traité de l’OTAN, nous nous sommes alliés avec les Etats-Unis. Du coup, nous n’avons pas pris l’Europe au sérieux, du moins sur le plan politique ».

Selon Luscombe, beaucoup de ces ‘insulaires’ refusent en outre d'admettre qu’ils ne connaissent rien à l’Europe parce que personne n’en parle. Et mon invité de rappeler une conférence sur l’émergence de l’Europe à laquelle il a assisté en avril 2004, quelques semaines avant l’élargissement.

« Les organisateurs avaient fait un petit quizz au début de la réunion pour jauger l’étendue de notre ignorance. Une des questions demandait combien de pays s’apprêtaient à rejoindre l’Europe. Il y avait peut-être 70 professionnels de l’art reconnus dans la pièce et personne ne savait que 10 pays allait intégrer intégrer l’Union europénne. »

A la lumière de cette discussion, je pose une dernière question « Pensez-vous que le Royaume-Uni devrait se retirer des 25 ? ». Luscombe prend une profonde inspiration et lance tout-de-go. « Non. Je pense que ce débat autour du départ de l’UE est inutile. Nous devrions nous concentrer sur ce que l’on a et essayer d’en tirer le meilleur parti. Tout a commencé par un moyen de sceller la paix et chacun prend cette initiative pour de l’acquis. Il faut que l’on se décide : soit on veut célébrer la diversité européenne, soit on se dirige vers une Europe homogène. » Une chose est sûre toutefois : monter une pièce sur l’Europe était osé en plein cœur d’euroscepticland.

La pièce de Tim Luscombe ‘Le plan Schuman’ se joue jusqu’au 25 février à l’Hamstead Theatre de Londres

Translated from Tim Luscombe, the European British playwright