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Théorie du genre en Italie : friture sur la ligne

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SociétéMind The Gap

[OPINION] La Région Lombardie a annoncé la mise en place d’un « téléphone anti-gender » dès la prochaine année scolaire. Le prix ? 30 000 euros pour combattre quelque chose qui, techniquement, n’existe pas.

Depuis quelques temps, les commentateurs politiques italiens ne nous surprennent plus, tout particulièrement si l'on se réfère à certains courants politiques. Mais cette fois, la classe politique de la Botte va probablement nous faire l'honneur d'une exception. Le 31 mai dernier, la région Lombardie - dirigée par Roberto Maroni l’ancien secrétaire fédéral du parti La Ligue du Nord - a approuvé un texte qui introduit un nouveau service à destination des écoles lombardes. Les personnes à l’origine de ce texte l’ont rebaptisé « téléphone anti-gender » (mais aussi guichet, ou centre d’appel). Ce service devrait offrir un soutien aux parents et aux étudiants inquiets de la diffusion de la « théorie du genre » dans les établissements scolaires. L’appel d’offre a quant à lui été confié quelques jours plus tôt à l’AGE (Association des parents italiens, ndlr), un organisme qui se propose de faire de la famille un sujet politique, en se fondant sur des principes « éthiques » et « chrétiens ».

L'initiative semble sortir de nulle part. Pourtant, elle répond à l'application d'un alinéa de la loi Buona Scuola (bonné école, ndlr), une réforme de du ministère de l'Éducation approuvée par le Parlement italien en juillet 2015. Parmi les multiples éléments du texte, une mesure prévoit de lutter contre « la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle » à l'école. Aussi, selon la région Lombardie, la « théorie du genre » pourrait être employée comme un instrument menaçant et doucement s'introduire dans le contenu des programmes scolaires.

Être ou ne pas être, tel est le problème

Mais de quoi parlons-nous lorsqu’on fait référence à la « théorie du genre » ? C’est justement ce point qui pose problème : elle n’existe pas. Ou tout du moins, pas dans le sens d'une théorie telle qu'elle est généralement définie. Il n’existe en effet aucune définition, thèse, principe ou corpus législatif qui explique la « réalité du genre » d’un point de vue naturel ou social. Concrètement, la présumée « théorie du genre » s’apparente davantage à une idéologie créée par ses détracteurs. Ces derniers soutiennent son existence présumée afin de « renverser » l’ordre naturel de la famille ou des différences biologiques entre les femmes et les hommes. En d’autres termes, ce serait un plan ourdi par le lobby LGBT. Néanmoins, il existe bien des gender studies qui se chargent, depuis maintenant 60 ans, d’analyser la façon dont les identités féminines ou masculines ont été construites dans un contexte social particulier. 

Les études de genre ont identifié deux sphères de subjectivité : celle du sexe (donnée physique et biologique irréfutable) et celle du genre (comment nous percevons le rôle qui est attribué à l’individu par la société). La distinction entre sexe anatomique et rôle du genre a par la suite généré toute une série de réflexions sur la possibilité que les deux puissent aussi ne pas coïncider. Au fur et à mesure de nombreuses recherches, les gender studies ont conduit à une réévaluation des instruments éducatifs destinés à la lutte contre des phénomènes tels que le sexisme, l’homophobie et les préjugés. Des travaux scientifiques situés à des lieux d’une bataille sur les différences biologiques entre l’homme et la femme ou d’un complot contre la famille traditionnelle.

C’est au cours des années 90 qu’on trouve les premiers textes qui font référence à cette mystérieuse « théorie du genre ». Mais c’est seulement ces trois dernières années, particulièrement en France et en Italie, que certains mouvements pro-vie en ont fait leur cheval de bataille. Et voilà comment des projets d’éducation sur la diversité, pensés pour endiguer des phénomènes tels que le sexisme et l’homophobie, ont soudainement été présentés comme des tentatives sournoises d’endoctrinement de la jeunesse. 

Les voix du Seigneur sont impénétrables

Il va sans dire que le sujet donne lieu à beaucoup de confusion. Une confusion qui n’a d’ailleurs pas épargné les hautes sphères religieuses puisqu'un an auparavant, le Pape François mentionnait la « théorie du genre » lors d'une audience générale sur la Place Saint-Pierre. L'imbroglio s'est désormais mué en instrumentalisation politique qui touche aujourd'hui la réforme du système scolaire et donne lieu à des initiatives comme celle de la Région Lombardie. Pourtant, l’alinéa incriminé de la Buona Scola ne fait qu’intégrer dans le système législatif italien les indications suggérées par des rapports de l’Unesco et de l’Unicef.

Ainsi, le même jour que la signature du décret du gouvernement reconnaissant les unions civiles, la Région Lombardie annonçait que 30 000 euros seront consacrés au « téléphone anti gender ». Le service sera opérationnel, de façon expérimentale pendant 12 mois. Pendant ce temps-là, le discours sérieux fondé sur un dialogue entre les partis n'apparaît même pas à l'état embryonnaire, ni celui qui n’instrumentalise pas des initiatives qui ont pour objectif de remédier à des phénomènes négatifs et grandissants. Le sexisme, l’homophobie, le racisme renvoient tous à la peur de ce qui est différent. À la place, jaillit le sentiment que derrière les appels à la défense de la famille traditionnelle se cache plutôt une sorte d’acceptation tacite du status quo. Mais ce n’est qu’un sentiment, pas une théorie.

Translated from La paura per il "gender" corre sul filo del telefono