The Whitest Boy Alive: «Berlin est un exode musical»
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Audrey DuquenneAu départ, il n’y avait que des ordinateurs. Le jour suivant, Dieu créa des instruments de musique. Avec son nouveau groupe, Erlend Øye, le Norvégien de Kings of Convenience, reprend sa guitare et laisse l’électro derrière lui. Rencontre avec son nouveau groupe pour une expérience musicale complète en direct de Rennes.
« Si je devais choisir entre vivre une vie sans sexe et faire des concerts ? »
Les conférences de presse sont toujours un peu ringardes. Lors de celle du groupe The Whitest Boy Alive, les musiciens s’ennuient, sont un peu hostiles mais réactifs. Nous sommes au festival des Transmusicales de Rennes, un événement annuel réputé pour faire émerger des groupes et les placer sur le devant de la scène – The Prodigy, Garbage, We Have Band, Micachu et The Shapes ont joué ici alors qu’ils étaient encore inconnus du grand public. « C’est très étrange de se retrouver face à 5 000 personnes », confirme le chanteur norvégien ErlendØye. Les gars retournent systématiquement leurs questions aux journalistes, ce qui semble les amuser beaucoup plus : « Pourquoi pensez-vous que nous nous appelons The Whitest Boy Alive ? » « Comment nous avez-vous découverts ? » « Ah oui, on a un très bon Myspace », enchaîne Øye en hochant la tête. Est-ce qu’on connaît leur musique ? Silence. Est-ce que quelqu’un vient du Sud de la France ici ? Il y a un gouffre entre les quatre assis sur le canapé et nous autres, « frenchies » alignés le long du mur. Un ado au style très Gainsbourg les prend à leur propre jeu en leur posant une question atypique à voix basse. « Si je devais choisir entre vivre une vie sans sexe et faire des concerts ? », s’esclaffe Øye en se passant la main dans sa tignasse frisée teinte en rouge. « Je préfère les concerts. »
Synthétique
Ils se connaissent tous très bien et savent ce qu’ils font. Le projet a commencé en 2003, au moment où Øye et Marcin « Öz », le bassiste polonais, commençaient à se lasser de leur musique « dance » faite par ordinateur. En cherchant le bruit qui venait du studio au sous-sol de leur immeuble, ils ont rencontré leurs futurs partenaires qui étaient à l’époque deux des trois membres d’Extra Produktionen, une formation de nouvelle dance allemande. « Ces deux-là rodaient dans l’immeuble. On voulait un nouveau verrou pour la porte afin qu’ils ne volent pas les instruments », nous dit Öz en riant et pointant « Mr Synth »,Daniel Nentwig, le joueur de clavier de 32 ans, et Sebastian Maschat, le batteur. « Je me suis rendu compte que Marcin les regardait vraiment avec insistance la première fois que je l’ai rencontré », nous raconte Øye observant son compère, le précédent locataire du club WMF, également connu sous le nom de « DJ Highfish ». « On n’est pas si originaux que ça », se défend Nentwig, visiblement réveillé par la question. « On utilise aussi des batteries, une basse et une guitare ! Notre musique puise ses origines dans les années 70, quand nous sommes nés. Regardez tous les groupes disco, de dance ou de soul ; tout a commencé avec James Brown et Thriller. » Erlend l’interrompt : « On n’utilise qu’un seul instrument original. » « Le synthé sur lequel je joue date de 1978 », reprend Nentwig en se détendant un peu. « J’aime jouer dessus, il y a tellement de touches. Et les années 80 ont donné davantage de sons aux synthétiseurs. De toute façon, je n’écoute que de la vieille musique. » « Et j’aime vraiment Kim Ki O », ajoute Erlend.
Les Règles de Berlin
Öz et Øye se chamaillent au sujet de la capitale allemande, là où leur musique est vraiment née. « Ah oui, et pourquoi je n’y habite plus alors ? », s’exclame Øye. « La scène musicale berlinoise n’est pas particulièrement bonne. Il y a beaucoup de battage mais ce n’est pas la meilleure au niveau du contenu. Bergen [d’où il vient] est bien meilleure pour les groupes. » « Il y a beaucoup de producteurs et de musiciens et ce n’est pas trop cher », nous explique Marcin. « On n’a pas à s’inquiéter autant qu’à Londres ou à Paris en ce qui concerne les locations et le reste. Par contre Berlin est un peu saturée, c’est difficile de trouver de la place. Mais si vous faites en sorte qu’il soit intéressant pour les gens de venir dans votre ville, ils viendront », nous dit Oz.
Maschat est d’accord sur la particularité de la ville : c’est un exode musical. « Les gens viennent à Berlin pour faire de la musique ; ils vivent ici et c’est ce qui fait de la scène musicale ce qu’elle est aujourd’hui. Absolument tout ce qui se fait dans le monde se retrouve dans cette ville, du coup on ne peut pas lui donner un nom unique. C’est comme le hip hop berlinois, il n’est pas vraiment bon. » « De toute façon, je ne pense pas qu’il existe une bonne scène berlinoise pour les groupes », répète Øye. « On est plutôt seuls à Berlin ».
« On essaie juste de s’amuser tout en faisant de la bonne musique »
Les quatre membres nient en bloc le fait qu’enregistrer leurs albums également au Mexique était un compromis à Berlin. « On essaie juste de s’amuser tout en faisant de la bonne musique », nous dit Øye. « On a une très bonne discipline », ajoute Öz. Ce n’est pourtant pas la raison pour laquelle leur dernier album, sorti en mars 2009 sur leur label allemand Bubbles, s’intitule Rules. « On lit des choses sur Internet à propos du titre de l’album qui sont complètement fausses », nous dit Øye. « C’est la même chose que pour les DJ – quand je me suis rendu compte qu’il y avait des règles qu’ils sont censées suivre pour être bons. Je suis allé voir un mec qui avait fait une bonne chanson que j’ai attendue toute la nuit. A la fin, je lui ai demandé quand il allait la jouer, et il a simplement dit 'aaaah, rules' ». Aaaaah, les règles – et bien nous on veut les casser.
Boogie sans complexes
Sur scène, c’est un vrai défi de parvenir à regarder The Whitest Boy Alive à 20 h 30 dans une salle gigantesque alors que des fans continuent à faire la queue sous la pluie un jeudi soir de décembre. C’est encore plus bizarre car ils sont suivis par les membres de VV Brown – une erreur de programmation, nous explique le manager de la tournée allemand. Cela ressemble à un gigantesque thé dansant, ce qui n’empêche pas la foule tranquille de hurler pour entendre Island. Nentwig, pieds nus, s’installe confortablement derrière le synthé et Maschat contrôle ses baguettes de batterie avec une précision de chirurgien, se permettant d’interrompre le spectacle à un moment pour accéder à son sac médico-musical plein d’accessoires de batterie électroniques. Öz le suit loyalement, répandant des mélodies à la basse tout en contemplant le plafond, se retrouvant souvent dos à dos avec Øye, le vrai « showman » des quatre : à un moment, il lâche se guitare pour entreprendre un boogie décomplexé et sans pudeur sur le devant de la scène, y glorifiant sa maigreur extrême. Il roucoule à l’intention de la foule, qui roucoule en retour. « Où sommes-nous, quelque part dans le Nord de la France ? », dit-il pour taquiner son public entre deux chansons. « Nous sommes tous heureux, n’est ce pas ? Il n’y a pas de guerre dans le monde, votre dîner vous attend à table et vous avez réussi à vous acheter des billets pour le spectacle de ce soir. »
Translated from ‘If I had to choose between sex and performing live with The Whitest Boy Alive...’