The Great British Bake Off : le Royaume-Uni à croquer
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Yveline Le DonPour le reste de l'Europe, The Great British Bake Off doit ressembler à un animal bizarre. Comment une émission consacrée à la préparation des gâteaux a-t-elle pu devenir celle que les Britanniques ont le plus regardée cette année ? Peut-être parce qu'elle permet d'oublier les problèmes du monde et de se sentir tout simplement bien avec les autres.
Je suis un Anglais qui vit à l'étranger, à Paris. Lorsque j'essaie de résumer la culture britannique, je ne trouve qu'un seul exemple qui définit parfaitement et en quelques mots, mon île-patrie dans toute son espérance et sa gloire. Cela n'a rien à voir avec la famille royale, ni avec le thé. C'est The Great British Bake Off.
Dix semaines merveilleuses
Cela peut sembler curieux, mais rien ne me donne plus le mal du pays qu'un divertissement de télé-réalité consacré aux gâteaux. Pendant dix semaines merveilleuses, je vais m'éclater dans un nuage très agréable de sucre glace et de drapeaux, à voir la tente du Bake Off s'ouvrir pour accueillir une nouvelle équipe de cuisiniers amateurs et joyeux. Tandis que les autres personnes du bureau se régalent en discutant de la Coupe du monde de rugby, je ressens les mêmes émotions possibles et imaginables en regardant douze pâtissiers en herbe essayant de faire un mille-feuille.
Le concept du Bake Off est très simple. Douze boulangers doivent relever une série de défis visant à tester leurs compétences dans tous les aspects de la préparation de gâteaux. Dans chaque épisode, le sujet est différent : les gâteaux, les biscuits ou encore la semaine de la pâtisserie, qui fait peur. Trois missions sont alors confiées aux boulangers : un « Signature Bake » où ils doivent apporter leur touche personnelle à une recette bien connue, un « Technical Challenge » où ils essaient de préparer quelque chose de plus complexe en suivant des instructions incomplètes, et un « Showstopper Challenge » où ils peuvent imaginer toutes les décorations possibles, comme des sculptures de pain ayant la forme d'un lion ou encore des camions de pompiers construits avec des biscuits. À la fin de chaque épisode, l'un des candidats reçoit le titre de « Star Baker » par les membres du jury, tandis qu'un autre devra quitter l'émission.
Notez aussi la présence de Mel Giedroyc et de Sue Perkins, les présentateurs bien connus pour leur gentillesse et leur optimisme grâce auxquels le succès est assuré. Mel et Sue soutiennent les boulangers pendant qu'ils manipulent la farine et ils s'assurent, paraît-il, que les choses ne vont pas trop loin en jurant bruyamment devant la caméra chaque fois que quelqu'un commence à pleurer. À la tête de tout cela, vous trouvez le jury. Avec, en premier lieu, Mary Berry, qui était très célèbre pour ses livres culinaires bien avant la naissance de l'émission. Son émotion pure devant le concept même de préparation de gâteaux peut revitaliser même les coeurs les plus blasés. Ensuite, dans le rôle traditionnel du « méchant » juge, Paul Hollywood, un homme dont les clichés sont si nombreux qu'il a une fois vraiment employé l'expression « Je n'aime pas... J'adore ! » à la télévision nationale. Mais malheur à vous s'il pense que votre crème anglaise ressemble à des oeufs brouillés, ou s'il constate que votre gâteau est la victime du tristement célèbre phénomène du « soggy bottom » (une mauvaise cuisson, ndt).
Tout cela est si agréable et symbolise tous les aspects positifs de la Grande-Bretagne – ses petites traditions gentillettes, sa communauté multicuturelle, son goût inexplicable pour les gâteaux aux fruits - et tous les habitants sont réunis pour célébrer les louanges du gâteau éponge et du sucre filé.
The Rolling scone
Les candidats de cette année étaient chaleureux et vraiment sympathiques, tout comme les personnes qui passent habituellement le casting. Dans un climat de télé-réalité dominé par des juges au visage impassible qui passent leur temps à insulter des adolescents désirant devenir des stars de la pop, l'ambiance bon enfant que l'on retrouve sous la tente du Bake Off apporte une bouffée d'air frais. Les candidats semblent réellement former une bande d'amis qui s'entraident lorsqu'ils font des erreurs. La gagnante de cette année, Nadiya Hussain, a même invité le deuxième finaliste, Tamal Ray, à prendre le thé chez elle dans les dernières scènes de l'émission.
Cette saison a été particulièrement émouvante avec la présence de Nadiya, dont le discours a fait pleurer les Britanniques de joie. « Jamais plus je ne me mettrai de barrières, a-t-elle dit en retenant ses larmes. Je ne dirai jamais que je ne peux pas le faire, je ne dirai jamais le mot peut-être. » Nadiya parlait plus pour de très nombreuses personnes que pour elle-même, étant donné les critiques agressives - dues au fait qu'elle porte le hijab - dont elle a récemment fait l'objet de la part d'une certaine presse britannique de droite. En fin d'émission, même la solide Mary Berry semblait avoir les larmes aux yeux, ce qui a complètement bouleversé les usagers britanniques de Twitter.
C'est peut-être un phénomène curieux et incompréhensible outre-Manche, mais je recommande vivement à tous les Européens qui souhaitent vraiment découvrir l'esprit britannique de se détendre et de goûter un scone en regardant un extrait de The Great British Bake Off. Avec les images, en début de chaque épisode, d'un jardin de campagne anglaise ou encore les regards peinés de Mel et Sue lorsqu'un boulanger repart chez lui, vous vous sentirez plus sucrés que les gâteaux que vous regardez cuire. Et souvenez-vous que les vrais fans de l'émission n'arrêtent pas de la regarder juste parce c'est la semaine sans gluten.
Translated from The curious phenomenon of The Great British Bake Off