Participate Translate Blank profile picture
Image for "The Good Postman" : un exemple de solidarité à la bulgare

"The Good Postman" : un exemple de solidarité à la bulgare

Published on

Translation by:

Nathalie Cooren

Bruxelles

« On se souvient des gens pour leur bonté », disait la maman d'Ivan à son fils. Pourtant, on ne souvient pas toujours des honnêtes gens et « le gentil postier » n'aura probablement pas cette chance non plus. Tel est l'enseignement que Cafébabel a tiré de sa participation au Festival du Film Millenium.

Une chose est sûre, Great Dervent est introuvable sur Google maps. Ce village bulgare, peuplé d'environ 40 âmes, est situé sur une colline près de la frontière turque. Le long fil de fer barbelé qui sépare les deux pays, isole également le centre du village de son cimetière. Les seuls habitants sont des personnes âgées. Il semblerait qu'après la chute du communisme en 1990, tout le monde ait fui le village pour s'installer dans des pays d'Europe de l'Est moins excentrés ou d'autres villes plus importantes.

Aucune âme. Aucun travail. Aucune perspective d'avenir. Seulement la misère. Telles sont les conditions décrites dans le documentaire « The Good Postman », dirigé par Tonislav Hristov. Le film était en lice mercredi dernier, dans la Compétition internationale de la 9ème édition du Festival du Film Documentaire Millenium de Bruxelles au Cinéma Aventure, et Cafébabel était présent.

Mais revenons au tableau que je viens de vous dépeindre : fermez les yeux et imaginez. Certains d'entre vous percevront de l'anxiété et de l'angoisse. D'autres ressentiront la paix et le calme de la campagne. Tout dépend de chacun, selon ses expériences personnelles. Cependant, quel que soit le ressenti, on comprend qu'il est temps que les choses bougent. Et c'est finalement le cas.

Les habitants du village commencent à voir des gens emprunter leurs rues désertes et traverser leurs campagnes arides. De temps en temps, les traces d'un feu de camp indiquent qu'ils ont passé la nuit ici ou là. D'autres fois, on les aperçoit cachés entre les arbres. Ils sont à la fois visibles et invisibles. Et ce, aux yeux non seulement des villageois, mais aussi des institutions, des gouvernements, des organisations et des médias. Tout dépend du point de vue où l'on se place. Ces gens sont Syriens, ils fuient leur pays en guerre.

Ils tentent de rester en vie, de trouver un moyen de survivre. Le village de Great Dervent a lui aussi besoin de survivre. Partant de ce constat, Ivan Fransunov, le facteur, a finalement cette idée : proposer refuge aux migrants, en les hébergeant dans les maisons abandonnées des personnes qui (ironie du sort !) avaient elles-mêmes fui le village. Ces migrants, avec leurs familles, leurs compétences et leur éducation, vont donner un nouvel élan au village et le faire revivre. Tout le monde sort alors gagnant dans cette spirale de misère, de fuite et de survie quotidienne.

Cette proposition est au coeur de la campagne politique d'Ivan. En effet, cette petite ville a besoin d'un nouveau maire et trois principaux candidats sont en compétition : Ivan, Halachev et Vesa. Le documentaire se concentre essentiellement sur les campagnes d'Ivan et d'Halachev, laissant de côté celle de Vesa, une femme désoeuvrée qui jouera finalement un rôle important pour comprendre les attentes de la communauté de Great Dervent.

À travers le souvenir des périodes fastes du communisme évoquées par les récits d'Halachev et les réflexions personnelles d'Ivan, le film offre une perspective originale sur la dimension locale de ce que nous considérons habituellement comme la crise européenne des réfugiés. L'empathie des habitants du village se confond avec les images diffusées par la télévision nationale. C'est à la fois, une sorte de peur de l'autre et un dégoût de la façon dont les migrants sont traités, qui envahit les habitants du village. Un tiraillement qui montre combien ces gens, en apparence si déconnectés de la réalité, en sont en fait partie prenante, bien plus que n'importe quelle institution européenne basée à Bruxelles voudrait nous faire croire.

Cette impuissance des institutions transparaît dans le rôle des gardes-frontières qui travaillent pour Frontex. Tous semblent dans l'expectative de solutions nouvelles, même s'ils savent déjà que la situation ne changera pas. En ce sens, les réfugiés, comme les villageois et même les gardes-frontières, inspirent une certaine pitié. Avec son idée, Ivan pourrait renverser la situation. Le facteur offre à tous ces gens la possibilité de jouer un rôle actif dans la crise des réfugiés. Mais, seule la magie de la démocratie nous dira s'il sera en mesure de réaliser son projet.

Qu'est ce que le Festival du Film Documentaire Millenium ?

Le Festival du Film Documentaire Millenium est organisé par l'asbl Diogène, une organisation non gouvernementale. Sa vocation est de proposer des films dont les thèmes sont liés aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, devenus Objectifs du Développement Durable, en 2015.

Les films présentés sont issus de propositions reçues du monde entier. Parmi elles, plus d'une cinquantaine de documentaires sont sélectionnés et répartis en trois compétitions internationales (Compétition internationale, Travailleurs du monde, Vision jeune) et une compétition belge. Le Festival accueille en outre, une série d'activités, des conférences et des cours (sous forme de masterclass).

Translated from The Bulgarian example of solidarity: "The Good Postman"