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Témoignage : Khadija Najlaoui, originaire du Maroc, domestique en Angleterre

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Default profile picture Solidar

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Default profile picture Jimmy Devemy

Société

D'après un sondage récent sur les domestiques émigrés, 95% ne touchent pas le salaire minimum, 58% doivent travailler plus de 55 heures par semaine et 41% n'ont pas de congés payés. C’est pourquoi nous posons quatre questions à une femme domestique venue sensibiliser les décideurs européens à la question des droits des domestiques lors d’un évènement du Parlement européen.

Cafebabel.com : Pourquoi avez-vous quitté le Maroc ?

A l'âge de 15 ans, j'ai commencé à travailler dans une usine de textile au Maroc. C'était un très bon emploi mais le salaire était bas. J'avais à la fois ma famille et celle de mon frère à ma charge et ce n'était pas suffisant. Par la suite j'ai perdu mon père et ma mère est tombée gravement malade. J'avais besoin de ramener plus d'argent. J'ai donc pensé que si j'allais dans un autre pays, j'en gagnerais plus. Avoir un visa pour sortir du Maroc en tant qu’ouvrière textile n'est pas possible, je suis donc devenu domestique. Mon premier travail m'a emmené à Dubaï. Quand je suis arrivé là-bas j'ai été choqué par le salaire et les horaires de travail. Dans le contrat, il était stipulé que je devais travailler 8 heures par jour, mais en fait c'était du non-stop, sans jour de congé. Si j'avais besoin d'un jour de congé pour acheter le strict nécessaire, je devais en faire la demande au moins 2 à 3 semaines à l'avance. Et même dans ce cas, cela dépendait de l'humeur de mon employeuse. Pour obtenir cet emploi à Dubaï, j'ai racheté le contrat à une femme au Maroc. C'était très cher et les deux premières années j'utilisais tout mon argent pour ma famille et le remboursement de ma dette.

Au Royaume-Uni, le salaire minimum est de 6.80 euros par heure

Cafebabel.com : Comment êtes vous arrivés au Royaume-Uni ?

J’ai quitté Dubaï avec la famille qui m'employait pour le Royaume-Uni. Mais en 2007, ils sont partis sans m'emmener avec eux. J'ai commencé à travailler pour une autre femme au Royaume Uni. Je travaillais du lundi au vendredi. Puis elle me forçait à travailler aussi le samedi car lorsqu'elle me le demandait je ne voulais pas dire non, de peur d'être mise à la porte. En juin 2009, je suis tombée malade. Pendant trois jours j'ai travaillé, mon employeuse savait que j’étais malade, mais elle n'a rien dit. Le docteur m'a dit que j'avais besoin de médicaments et de repos complet. Je savais que je ne pourrais pas me reposer sur mon lieu de travail. Une amie rencontrée à la mosquée m'a proposé de rester chez elle. Mon employeuse m'y a autorisé mais n'était pas ravie. Quand je suis revenue après quelques jours, elle avait mis l'ensemble de mes affaires dans de grands sacs poubelles noirs et les avait entreposés près du lit. J'étais vraiment bouleversée. J'ai quitté la maison et j'ai rejoins l'habitation de mon amie.

Cafebabel.com : Comment avez vous connu « Kalayaan » et « Justice 4 Domestic Workers » ?

J'étais avec mon amie quand elle a signé avec Kalayaan, ce que j'ai fais aussi. Cette organisation propose aux domestiques une aide juridique, des conseils pour le renouvellement de passeports et de visas. Ils fournissent également des propositions d'emploi. Ils enseignent l'anglais et l'informatique gratuitement car de nombreux domestiques ne parlent pas la langue. J'ai également rejoins un syndicat et j'ai appris à connaître mes droits. Je me suis impliquée dans les campagnes en faveur de Justice 4 Domestic Workers. En fait, je ne connaissais rien du salaire minimum et de mes droits. Depuis, j'ai trouvé un bon employeur. J'ai mon propre appartement et du temps libre. J'ai poursuivi en justice mon premier employeur au Royaume Uni qui fut condamnée à me payer des dommages et intérêts pour les temps difficiles qu’elle m’avait fait endurer.

Cafebabel.com : Que diriez-vous aux décideurs européens ?

Soutenez la convention du BIT (Bureau International du Travail) portant sur les droits des domestiques. Les domestiques ont besoin de justice. Nous faisons tout le sale travail et sommes souvent enfermés sur notre lieu de travail. Il n'y a pas de salaire minimum et nous devons souvent dormir à même le sol. Une amie originaire du Nigéria n'a pas été payée pendant 10 ans et son passeport lui a été confisqué. Les employeurs doivent comprendre que leurs domestiques sont des êtres humains, tout comme eux.

Photos : Une (cc) J. Star/Flickr; courtoisie de Solidar

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Translated from Domestic worker Khadija Najlaoui: 'I never knew about minimum wage and my rights'