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Sommeil écourté et poches délestées : ma nuit à l'aéroport

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Anouk PARDO

Cafébabel Aarhus

Une nuit à l'aéroport Kastrup de Copenhague : tribulations d'un voyageur.

Après avoir passé quatre jours à arpenter et photographier inlassablement les rues de Paris marquées par la froidure hivernale (et quatre nuits bien arrosées d'un savoureux vin rouge), je mettais le cap sur Copenhague, point d'étape avant Reykjavik, en Islande.

Le dernier jour du mois de février s'annonçait froid dans la Ville des Lumières, tandis que 6 heures sonnaient à mon réveil et que je devais me hâter de faire mes bagages pour partir. J'étais en route pour mon tout premier rendez-vous du matin, fixé par l'amie qui m'avait gentiment permis de squatter son canapé pour quelques nuits. Nous avions tous les deux sommeil et nous savions que j'avais un avion à prendre, ce qui veut dire qu'il ne pouvait pas se passer grand chose. Elle me promit d'aller me rendre visite au Danemark, nous échangeâmes nos numéros de téléphone, partîmes chacun de notre côté et je pris un autre café sur le chemin qui me conduisait à l'aéroport international Charles de Gaulle. A 10 heures, j'avais l'impression que l'heure du déjeuner était déjà passée, alors je pris une bière. Après tout, j'avais encore trois heures à attendre avant mon vol.

Je n'arrêtais pas de me demander à quoi ressemblerait l'aurore boréale vue à travers mon candide regard de Portugais. Et aussi de cogiter sur le fait que j'allais passer toute une semaine sur une île qui est en fait un volcan à moitié endormi au milieu de l'océan Atlantique. C'était plutôt effrayant vu comme ça, mais j'avais encore une nuit à passer à l'aéroport.

Lorsque je mis les pieds dans l'aéroport le plus fréquenté de Scandinavie, la question «Est-ce que je veux vraiment passer une nuit ici ? » surgit immédiatement dans mon esprit.  C'était une bonne question. Dans les aéroports, les prix sont exorbitants, il n'y a jamais de douches et je n'avais même pas de sac de couchage, mais quand on est radin comme moi, il y a beaucoup de choses que l'on est prêt à faire pour économiser de l'argent : choisir des vols low cost pour voyager d'une capitale européenne à l'autre, squatter chez un ami et maintenant dormir dans un aéroport. Le confort est un petit prix à payer quand on décide de privilégier les expériences insolites.

A 16 heures, j'avais déjà faim de nouveau. Je calculai la durée d'attente approximative avant mon prochain vol, elle était horriblement longue. Je m'assis et commençai à planifier ce que j'allais faire pendant le temps qui me restait.

Déambuler dans les couloirs de l'aéroport était une option possible mais me heurter aux touristes stressés, courant de peur d'être en retard pour prendre leur avion, se révéla pour le moins désagréable. Et puis, quoi de plus romantique que d'observer d'énormes appareils se faire promptement ravitailler en kérosène derrière de gigantesques baies vitrées ?

Même les feux orangés du soleil couchant ne parvenaient pas à chasser la grisaille. Je suis quasiment certain que ce n'est pas dans des lieux comme celui-là que des écrivains tels qu'Hemingway trouvaient l'inspiration. Aussi décidai-je de me rendre là où je savais qu'il serait allé : le bar.

Evidemment, je ne m'attendais pas à assister à des discussions littéraires alimentées par l'alcool ou à voir apparaître des femmes à l'allure de pin-ups, mais il y avait de la bière et j'avais soif, alors je pris place au comptoir et échangeai quelques mots avec le barman. O'leary's est le genre d'endroit où l'on peut manger une entrecôte, un hamburger-frites et boire de la bière tout en regardant le sport à la télé. Il est conçu pour que l'on s'y sente comme chez soi tout en attendant son vol. Des objets-souvenirs à la gloire du sport américain recouvrent les murs, dont plusieurs références aux Boston Red Sox, pour faire plus authentique. Ça permet aux gens de se sentir bien les soirs de solitude, tout en leur vidant les poches, bien sûr. Malgré tout, c'est l'un des endroits les plus bondés de l'aéroport, même un lundi.

Je rencontrai un homme d'affaires anglais du nom de Phil, qui tuait le temps avant son vol de retour vers Londres. La conversation tourna essentiellement autour du football italien, mais me remonta le moral pour le reste de la nuit.

Dans ma quête de bons plans, il était temps de délaisser les plaisirs momentanés de la vie de bohème et d'aller trouver un endroit où s'installer pour la nuit. L'objectif était de dénicher un coin confortable, où je pourrais m'allonger et prendre un peu de repos, mais aussi brancher mon ordinateur si j'éprouvais le besoin de tromper l'ennui en regardant un film. J'achetai quelques provisions pour la nuit et le petit déjeuner avant la fermeture des boutiques et partis à la recherche du dortoir parfait. Il n'y avait pas grand choix. Les sièges n'étaient pas assez confortables ou suffisamment longs pour je puisse étendre mes jambes et les fauteuils massants étaient confortables mais indisponibles. J'eus la surprise de découvrir deux banquettes plutôt accueillantes à la porte C10, parfaites pour les oiseaux de nuit comme moi.  

Alors que je déposais mes affaires sur mon futur lit afin de marquer mon territoire, je remarquai que deux autres passagers avaient déjà réservé leur propre espace. Une ado tapait frénétiquement sur le clavier de son portable en souriant à l'écran, tandis qu'une femme plus âgée s'efforçait de trouver la meilleure position pour dormir. C'est sûr, ça n'était pas un hôtel cinq étoiles, mais comme je n'avais quasiment plus un sou en poche, c'était la seule solution. Je passai un moment sur mon ordinateur et certifiai à mon père que rien n'allait m'arriver dans un aéroport complètement désert. J'avais raison.

Je réussis à dormir à peu près cinq heures, ce qui est énorme, et je suis sûr que j'aurais pu le faire plus longtemps si j'avais été un gros dormeur. Les bruits occasionnels ne me dérangeaient pas plus que ça et je n'avais pas froid non plus. Par contre, la fatigue s'est fait sentir par la suite. C'est dur de passer 24 heures dans un aéroport. Il n'y a pas de douches, la nourriture est si chère que vos poches se vident au moindre achat et il n'y a quasiment personne à qui parler, mais c'est une aventure que chaque voyageur devrait expérimenter au moins une fois dans sa vie.

J'aurais probablement pu parler avec plus de monde, car on est tous plus ouverts lorsqu'on se retrouve dans une drôle de situation, mais j'ai considéré la chose comme une expérience intérieure. Mon but n'était pas de me faire des amis, mais de survivre à la nuit. A un moment donné, j'ai oublié mon appareil photo en quittant l'endroit où je me trouvais, mais j'ai réussi à le récupérer intact car le fait est que l'aéroport était pratiquement vide. Aussi, voici ma conclusion : si vous devez oublier votre appareil photo, faites-le dans un aéroport désert .

Translated from Lack of sleep and empty pockets: My night at the airport