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Séville : Cuba, communistes et anticapitalistes pour les élections !

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Sophie Delios

SociétéPolitique

A Séville, le conseil socialo-communiste à la mairie penche plus du côté de Cuba que de l’Europe. Au pays des « mileuristas », les jeunes précaires qui ne gagnent pas plus de 1000 euros par mois, une faille est en train d’être comblée par des partis alternatifs de plus en plus populaires.

Le 16 mai, le mouvement « Solidarité Cuba » commémorera à Séville le 50e anniversaire de la révolution cubaine. Ici, le gouvernement en place est socialo-communiste. Certaines villes sont dirigées par des maires communistes. La gauche unie, Izquierda Unida (IU), fondée par le parti communiste d’Espagne, porte le même nom que le parti d’extrême gauche européen qui compte des sièges au Parlement européen depuis 1995. Dans l’hémicycle sévillan, l’IU espagnole est la troisième force politique après le Parti populaire (PP) et les socialistes (PSOE), avec 130 membres. « C’était presque folklorique la manière dont les communistes sont arrivés en 2007 », se rappelle Miguel Lopez Adan, 31 ans, de la Fondation Séville.

Pourquoi parle-t-on de Cuba à Séville

Une majorité communiste ? Dans les faits, cela signifie que dans la ville, les départements de sport, culture et éducation sont pris en charge par l’IU. Chaque année par exemple, en décembre, la troupe de théâtre pour enfants La Colmenita Cuban (« la petite ruche cubaine ») organise des représentations. Le 1er avril, le programme pilote Yo Si Puedo («Moi je peux»), organisé par la Fondation Séville et le parti de la Jeunesse communiste d’Andalousie, enseignait la lecture aux 35 000 illettrés de la province à l’aide de techniques cubaines. « On a commencé avant Obama », se marre Miguel Lopez Adan, un ancien étudiant en ingénierie de l’université de Séville. « La coopération, c’est partager ce que l’on a, comme on dit à Cuba. »

« Les gens sont très énervés parce que les castristes reçoivent de l’argent public. Il y a constamment des scandales », déclare Jose Luis Garcia, 27 ans, président de Nueva Generaciones, l’aile de la jeunesse du PP. « Cela embarrasse la droite qu’un pays du tiers monde soit dans la position d’aider un pays du Nord », rétorque Aurora Vargas, une communiste affiliée à l’association indépendante Bartolomé de las Casas qui se dit « non-idéologique ». Cette association est la première en son genre en Espagne, elle promeut « l’amitié » avec Cuba, en envoyant du matériel comme un incinérateur pour un cimetière de La Havane. « Nous pensions que ce programme d’alphabétisation était issu de la propagande de Chavez, mais en deux mois et demi, il a permis de beaucoup alphabétiser au Venezuela. ‘Moi je peux’ est enseigné à l’aide de vidéos et un certain budget est consacré à l’édition des programmes. »

L’ex-étudiante en psychologie déclare que la cause de Cuba « unie » une Séville où règnent trop de partis et des visions politiques différentes : « On ne nous critique plus comme avant, explique Aurora. La campagne anti-communiste d’il y a trois ans était une attaque politique contre Cuba, mais tous nos projet sont légaux. Nous étions assez stressés à l’association. Mais c’est la mairie qui est en charge, pas nous. » « Le gars moyen ne sait pas comment cela fonctionne, se défend Miguel Lopez Adan. Ils disent que l’argent public est partout, mais nous accuser de fonder des Sandinistas (front sandiniste de libération, comme au Nicaragua, ndlr) est également un crime. Le PP détient les informations mais le problème, ce sont les actions qu’ils prennent et ce sur quoi ils communiquent. »

Antisystème à Séville 2009 

(©Nabeelah Shabbir)Une autre initiative est d’envoyer de jeunes « brigadistas », en fait des observateurs, à Cuba. Etudiant en biologie, Alonso Pedrote, membre de la jeunesse communiste d’Andalousie, a passé un entretien à la mairie en 2006. Nous le retrouvons à l’université de Séville, une « forteresse gauchiste » qui compte parmi ses anciens élèves (de la fac de droit), un ancien premier ministre socialiste, Felipe Gonzales. « Partis universitaire, contactez Juan, Alberto ou Victor sur Orange, Vodaphone ou Mobistar », peut-on lire sur les affiches placardées sur les portes de l’avenue Reina Mercedes.

Sur le gazon, non loin de là, les amis d’Alonzo jouent doucement de la guitare avec des cartes d’identités espagnoles. Après avoir passé trois semaines à aider à construire une école à Cuba, Alonso déclare que le pays est aujourd’hui plus démocratique : « Les initiatives sont lentes parce que vous avez une sécurité de l’emploi. Ici, nous avons un roi que personne n’a élu. La santé et l’éducation sont gratuites, à l’encontre de l’Espagne, où tout le monde ne peut pas se les permettre. Le communisme repose sur la solidarité entre les classes. Nous perdons les victoires que d’autres ont gagné il y a 30 ans à la mort de Franco, à cause de Zapatero. Sur le papier, il est de gauche, mais ses politiques en matière d’économie et d’éducation sont les mêmes que celles d’Aznar. » Le processus de Bologne, créer un marché commun de l’université en Europe, a unanimement rassemblé les gauchistes de Séville. Jose Luis Garcia du PP ne comprend pas. Lui voit cela comme « la meilleur opportunité de voyager et d’apprendre les langues. Les enseignants ont besoin d’argent public. » « Mais au final, c’est plus onéreux », déclare, de son côté, Alonso. « Cela nous amène à la privatisation des universités. »

«30 ans plus tard, nous ne connaissons que la précarité, Juan Carlos et la crise. Pas Franco »

« Les politiciens vous disent ce que vous voulez entendre, continue Alonso. Vous devez vous intéresser. Personne ne va vous dire : hey, ce type est en train de t’entuber. La motivation est là, mais nous ne faisons rien. Les gens ne parlent pas à leurs enfants, parce que le passé était si douloureux. Il y a trente ans, le parti communiste a signé la constitution, mais trente ans plus tard, nous ne connaissons que la précarité, Juan Carlos et la crise bancaire. Pas Franco. Je vois la réalité du taux élevé de chômage parmi les jeunes en Espagne. » A 35,4 %, c’est le taux le plus haut en Europe, bien au-dessus de la moyenne européenne de 15,9 %. En Grèce, il s’élève à 22,3 % (Eurostat 2008) et est cité comme une des principales raisons du « credit crunch riots » (les émeutes dues au resserrement du crédit) de décembre 2008. Cela provoquera-t-il le même genre de répercussions en Espagne, plus particulièrement après les grosses manifestations de travailleurs du 1er mai dernier ?

Europe anticapitaliste

(Nabeelah Shabbir)A 23 ans, Alonso est aussi âgé que l’adhésion de l’Espagne à l’EU. Il ignore les élections de juin, qui ont pour but de choisir un nouveau Parlement européen pour les cinq prochaines années. « Les Espagnols ne se sentent pas impliqués. L’Europe est trop éloignée. » « C’est plus difficile pour nous d’être impliqués », approuve Cristina Honorato Chulián, 31 ans de Cadiz. Elle travaille dans des bars et poursuit en parallèle des études afin de devenir enseignante en histoire pour le secondaire. Elle admet que son activisme l’empêche de progresser dans ses études. A son stand sur une Plaza de Pumarejo ensoleillée, elle fait campagne pour que le parti de la gauche anticapitaliste (IA) puisse prendre part aux élections européennes. Avec un noyau de 15 membres à Séville, l’IA se concentre sur le processus de Bologne et l’immigration. Ils ont déjà 10 000 signatures, il leur en faut 5 000 de plus, pour le 25 avril, afin de pouvoir se présenter.

« Après 2008, avec la querelle contre les 65 heures semaines et la directive de la honte (comme est surnommée la directive relative au rapatriement des immigrants illégaux en Amérique Latine, ndlr), les gens comprendront que les élections sont importantes parce qu’elles peuvent avoir un impacte sur leur vie. Nous devons mettre en place une gauche plus forte », déclare-t-elle quelques semaines avant que les listes communistes et anticapitalistes ont joint leur force en Italie pour les élections européennes. « Nous devons absolument mettre en place une alternative, une Europe des peuples. »

« Nous devons absolument mettre en place une Europe des peuples »

Elle dit d’Olivier Besancenot, membre du nouveau parti anticapitaliste fondé en France en janvier 2009, au même moment où le parti communiste de France s’alliait à un autre parti de gauche, qu’il est un honnête homme. « Nous n’avons aucunes prétentions, poursuit-elle. Nous avons besoin de réseaux sociaux. Le plus important c’est d’être impliquer dans le débat. » Les ‘amis de Cuba’ de Séville sont plus sceptiques : « Les élections européennes sont importantes, mais pas trop importantes », remarque Aurora. « On vote une fois tous les quatre ans et les gens continuent à agir comme ils l’entendent. » « Nous pouvons au moins changer les relations avec l’Amérique Latine », enchaine Miguel Lopez Adan, en évoquant le récent dégel des relations entre l’Europe et Cuba, intervenu après six années difficiles.

Au moment de la publication, l’IA annonçait que le parti allait participer aux élections grâce à pas moins de 20 000 signatures.

Merci à Julio Rodriguez Lavado, Sergio et l’équipe locale de Séville !

Translated from Seville: Cuba, communists and anticapitalists for the elections!