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Séisme à L’Aquila: le réveil du « peuple des brouettes »

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SociétéPolitique

Il y a plus d'un an, le 6 avril 2009, un tremblement de terre frappait L’Aquila et quelques villes alentours, faisant 309 victimes. La reconstruction du chef-lieu des Abruzzes avance à petits pas et le désordre est maître des lieux. Mais un mouvement citoyen défie les politiques en dénonçant l'état d'abandon du centre-ville. Histoire d’une renaissance qui peine à se faire.

Dans la nuit du 5 au 6 avril 2009, à 3h32, un tremblement de terre de magnitude 6,3 sur l’échelle de Richter frappe la ville de L’Aquila, chef-lieu de la région des Abruzzes (centre de l’Italie). Le séisme a complètement détruit son centre-ville médiéval. L’Aquila compte au total 70 000 habitants et est placée au sixième rang des villes italiennes pour son patrimoine artistique. Cette catastrophe a fait au total 309 victimes. Techniquement, 70 000 personnes sont passées au statut de réfugié en l’espace de 28 secondes.

Un an après

Le tremblement de terre avait fait 90 morts, et laissé 50.000 personnes sans-abris, dans une ville de 68.000 habitantsUn an après le séisme, le désordre est toujours maître à bord. Un mouvement, surnommé « le peuple des brouettes », né d’un élan spontané et ne portant aucune couleur politique, a commencé à manifester pour dénoncer la présence des décombres dans les rues du centre-ville désormais abandonné, encore interdit d’accès et contrôlé par de véritables check-points militaires. D’abord raillé par la classe politique, ce mouvement a peu à peu été considéré plus sérieusement par les décideurs, jusqu'à ce qu'ils obtiennent le lancement des premières opérations de déblaiement des quatre millions de tonnes de décombres qui encombrent toujours le centre-ville.

La politique par le bas

Après les manifestations des « dimanches des brouettes », qui ont vu des milliers de citoyens organisés s'attaquer eux-mêmes à la montagne de gravats, la ministre de l'Environnement Stefania Prestigiacomo s’est rendu compte de la gravité de la situation. Pire, elle a réalisé qu’un groupe de citoyens, décidé à atteindre son but sans aucune aide du pouvoir, pouvait prendre le dessus dans les médias par rapport aux politiques institués, malgré le fait que ces derniers étaient en pleine campagne électorale (élection des présidents de Provinces). Une véritable leçon pour ceux qui ont un mandat pour déblayer le centre-ville. La médiatisation du « peuple des brouettes » a marqué un nouveau succès de la « politique par le bas » en Italie. Ce passage à l’action est né de la conviction que, à cette allure-là, L’Aquila était condamnée à mourir.

Leur objectif ? Dénoncer la lenteur de la reconstruction de L'AquilaDans cette ville qui compte théoriquement près de 70 000 habitants, les chiffres, sept mois après le G8, font état de 6 641 personnes toujours logées à l’hôtel, dont 2 730 aux alentours de L’Aquila et 3 731 sur la côte (dont 107 sont même hébergées hors de la région Abruzzes). À cela s'ajoutent 2 376 personnes logées dans des appartements privés sur la côte qui font partie du système d’aide et 1 196 personnes habitant dans des structures dites de résidence temporaire, la caserne de la Guardia di Finanza et la caserne Campomizzi. Au total, 10 028 habitants de L'Aquila sont encore assistés par la protection civile, laquelle leur fournit seulement une chambre à coucher. Pour le reste, ils dépendent totalement de l’aide extérieure.

Reconstruction ou construction ?

 Un an après le séisme, le centre-ville ressemble encore à un chantier pas débuté

Et puis, il y a la géopolitique de la reconstruction ou, comme de nombreuses personnes disent à L'Aquila, de la construction et puis c'est tout. En effet, point d’interventions de restructuration ou de reconstruction de bâtiments déjà existants et endommagés mais des logements neufs. Ce sont des considérations d’ordre purement géopolitique. Selon la légende, L’Aquila a été fondée au Moyen-Âge par l’ensemble des petits seigneurs locaux qui possédaient leurs fiefs sur les collines entourant le futur emplacement de la ville. De là viendrait le nombre symbole de L’Aquila, le 99, c’est-à-dire le nombre de seigneurs qui aurait contribué à la fondation de la ville. Pour le rappeler, L’Aquila aurait encore aujourd’hui 99 églises, 99 petites places et 99 fontaines, chacune due à l'un des fondateurs. Ces personnes furent amenées à construire la ville pour des raisons économiques, commerciales et de sécurité.

Quel futur pour le centre-ville ?

Affiche vue pendant une manifestation le 28 février 2010À présent, on assiste à une sorte de processus inversé, par lequel le centre-ville, qui n'est pour le moment que décombres, est un endroit fantôme. À sa place ont poussé de nouveaux complexes résidentiels et des quartiers artificiels tout autour de la ville, là où autrefois il n’y avait que des hectares de terrains. C'est le projet C.A.S.E : 19 complexes en tout, qui semblent avoir été mis là par hasard et abritent aujourd’hui 12 803 personnes.

Dans ce décor, « le peuple des brouettes » a réveillé le sentiment civique des citoyens et pose enfin de vraies questions sur le futur de la ville. Des questions laissées aux oubliettes par la classe politique locale et nationale. Le gouvernement a pourtant salué à plusieurs reprises le « miracle de L’Aquila ». Mais le message du président du Conseil Silvio Berlusconi, lu par les représentants politiques locaux la nuit du premier anniversaire du séisme du 6 avril 2009 a été abondamment sifflé par une grande partie des personnes présentes. Celles-ci savent que la route est encore longue et que les politiques mises en œuvres devant assurer une renaissance économique, politique et sociale n'ont pas encore commencées, ni même été pensées.

Photo: Pablo Moroe/flickr; martelfa/flickr; Video: IKPRODUZIONI/Youtube

Translated from L'Aquila post-terremoto: una città destinata a morire?