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Sauver les dinosaures sociaux ?

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La France ou l’Allemagne rechignent à faire entrer leurs modèles sociaux dans le 21ème siècle. Or mondialisation et vieillissement de la population les menacent aujourd’hui d’extinction.

Au sein des milieux scientifiques, le débat quant à la cause de la disparition des dinosaures fait toujours rage. Cette fin découla t-elle d’un événement soudain, type cataclysme ou bien de leur incapacité à s’adapter à une modification graduelle de leur environnement ? Dans les deux cas, le résultat fut le même. Quel avenir attend les dinosaures sociaux européens incarnés, entre autres, par la France et l’Allemagne ?

Des économies mal en point

Il suffit d’observer les taux de chômage en France (9,6 %), en Allemagne (9,6 %), en Italie (7,7 %) et en Belgique (8,0 %) pour réaliser que ces pays ne sont pas les plus performants en matière de compétitivité à l'échelle européenne. Et si l’on y regarde d’un peu plus près, on constate que leurs modèles d’aide sociale, tant vantés, déçoivent ceux-là mêmes qu’ils sont censés favoriser. Un rapport de l’Unicef de février 2005 a ainsi révélé qu’un enfant allemand sur 10 vit en dessous du seuil de pauvreté outre-Rhin. Et d’après le quotidien Le Monde, près de 20 % des personnes en âge de travailler sont au chômage dans la région de Bruxelles.

Plus surprenant encore, ces Etats s’enfoncent toujours plus dans la spirale de la dette afin de soutenir un système d’assistance largement périclitant. Le déficit budgétaire français est de 3 % en 2005 et l’actuel ministre des Finances, Thierry Breton, prévoit que ce chiffre restera identique l'an prochain. Le phénomène démographique d’une population vieillissante vient encore aggraver la situation. En Allemagne par exemple, le rapport salariés et retraités est actuellement de 2 pour 1 mais passera à 1 pour 1 en 2035.

Anachronisme paralysant

Une analyse approfondie du canevas social de ces pays permet d’expliquer certains des problèmes qu’ils rencontrent. Le modèle continental, fort répandu sur le territoire des dinosaures sociaux, est basé sur un fort interventionnisme de l’Etat, combiné à des stratégies d’aide sociale tout aussi importantes. L’objectif ? Offrir entre autres une garantie de salaire aux employés et des indemnités généreuses aux chômeurs. En Allemagne, l’allocation chômage maximale est de 1 875 euros par mois pour une période de recherche d'emploi pouvant aller jusqu’à 32 mois alors que le taux standard au Royaume-Uni est de 300 euros mensuels. Et les voix qui s’élèvent contre ce système martèlent que ce type de dispositions sociales remonte à une époque où les salariés n’occupaient qu’un seul emploi leur vie durant, se voulant les acteurs d’une économie mondiale moins versatile.

En clair, une main d’œuvre onéreuse et des lois de protection sociale rigides dissuadent les sociétés d’investir dans ces pays. En outre, les importantes allocations chômage ne sont pas le meilleur moyen d’utiliser l’argent versé par les cotisations des salariés puisqu’elles font office de salaire de remplacement et que les chômeurs ne bénéficient pas d’une formation suffisante pour réintégrer le marché du travail moderne, très concurrentiel. Par conséquent, les rangs de la contestation ne cessent de grossir. Domenico Siniscalco, ancien ministre des Finances italien, a admis démissionner en réaction à « l’inertie » totale du gouvernement Berlusconi. Il faut bien reconnaître que ces critiques s’avèrent justifiées : les taux de croissance de ces pays sont désastreux. L’hebdomadaire britannique The Economist a prédit que la France connaîtra cette année une croissance du PIB d’1 % seulement, tandis que l’Allemagne sera encore à la traîne avec un maigre 0,9 %.

Besoin de vraies réformes

Si des réformes sont nécessaires, personne ne s’accorde sur les domaines dans lesquels elles doivent intervenir pas plus que sur leur étendue. En France, les politiciens et l’intelligentsia reconnaissent qu’il y a un problème mais semblent plus occupés à diaboliser le modèle économique libéral anglo-saxon qu’à trouver des solutions. Comme le souligne Bruno Palier, expert des modèles sociaux européens auprès du CNRS, pour permettre à des réformes réelles et durables d'être mises en oeuvre, il est nécessaire de ne pas les envisager d’une façon partisane. Le débat doit s'élever au-dessus des coups bas et méandres de la politique quotidienne.

Néanmoins, même lorsque les gouvernements tentent de mettre en œuvre des réformes, de nombreux facteurs les freinent. L’an passé, lorsque le cabinet Raffarin a envisagé de supprimer un jour férié pour financer le coût croissant des retraites d’une population française vieillissante, les syndicats ont quasiment paralysé l’Etat, comme ils le font chaque fois qu’une atteinte aux sacro-saints « acquis sociaux » est esquissée. Et ce alors que seulement 2 millions de Français sont affiliés à un syndicat (soit 8% de la population active, taux le plus faible de toute l’Union européenne).

Ces derniers mois ont pourtant vu fleurir quelques avancées de bonne augure. En France, le Premier ministre Dominique de Villepin a instauré une nouvelle forme plus libérale, du contrat de travail, nommé « nouvelles embauches » (CNE) tout en lançant la privatisation des autoroutes. Au mois de janvier, le chancelier allemand Gerhard Schröder a passé en force la très controversée loi « Hartz IV » dont la visée est de réduire le chômage en créant davantage de postes à mi-temps, tout en restreignant les mesures de protection sociale.

Ces mesures sont certes encourageantes mais il faudrait probablement un nouveau modèle. Et pas seulement de légères réformes greffées aux anciennes. Malheureusement, la division de la coalition au pouvoir en Allemagne, le poids politique des syndicats français et la faiblesse du parti de centre-droit de Silvio Berlusconi en Italie suggèrent que l’heure des changements profonds et significatifs n’a pas encore sonné. La « vieille Europe » risque de ressembler à Jurassic Park pour un bon bout de temps.

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Translated from Save the social dinosaurs?