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San Sébastian : la crise du cinéma social

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Translation by:

Julien Hue

Culture

La 55è édition du festival du film de San Sebastian se la joue 'social'. Deux films tiennent le haut de l'affiche : 'l'Avocat de la Terreur' et ‘4 mois, 3 semaines et 2 jours’.

Les jours du festival Donosti-San Sébastian, qui se déroule du 21 au 29 septembre en Espagne, défilent et les films déprimants s’enchaînent. Le monde est foutu et nous autres, spectateurs impuissants, en payons le prix. A vouloir nous protéger des grandes catastrophes mondiales, nous voilà en train de les laisser de côté. Nous intéressent-elles ? Sans doute. Nous préoccupent-elles ? Certainement.

Mais peut-être les connaissons-nous seulement de façon superficielle. Il faut dire que les pamphlets de Michael Moore ne nous sont pas d’un grand secours sur ce plan. C’est pour ces raisons qu’un film comme ‘L’Avocat de la Terreur’, du réalisateur suisse Barbet Schroeder, ne peut que fasciner son spectateur. Parce qu’il est complexe, difficile, qu’il ne donne pas les choses pour acquises et qu’il n’impose pas de réponse là où il ne saurait y en avoir.

Le défenseur des terroristes

Barbet Schroeder qui, dans son dernier long métrage s’attachait à dépeindre le dictateur ougandais sanguinaire Idi Amin, s’attarde cette fois sur la figure de Jacques Vergès, l’un des avocats les plus polémiques de l’histoire française récente. Vergès, qui intervient au fil du documentaire sans afficher le moindre remords, est un personnage controversé : sa carrière commence par le soutien à la cause algérienne, avant qu’il ne finisse par assurer la défense d’un criminel de guerre nazi.

Son parcours tourmenté sert de prétexte à Schroeder pour évoquer les thèmes délicats : conflit israélo-palestinien ou terrorisme islamique. Tout paraît lié, d’une façon ou d’une autre, à ce souriant personnage. Un Vergès qui, à l’image de nombreux terroristes qu’il a soutenu, mène une vie normale hors de la prison.

En regardant le documentaire, on en vient à s’interroger sur l’identité des véritables criminels et à se demander où commence et s’achève le terrorisme. Schroeder ne cherche pas à nous endoctriner. Il se risque simplement à donner la parole à tous les acteurs impliqués. C’est là sa grande réussite, compte tenu de l’important poids idéologique dont est chargé ce thème. Bien qu’avec sa méticulosité et l’ajout de multiples informations, il finisse par faire de ‘L’Avocat de la Terreur’ un documentaire dense.

Avorter n’est jamais facile

Aucune évidence non plus dans ‘4 mois, 3 semaines et 2 jours’ du Roumain Cristian Mungiu, auréolé de la Palme d’or à Cannes et du prix de la critique internationale. En partant d’une petite histoire – le cas traumatisant d’une jeune femme qui se voit contrainte d’avorter dans la clandestinité- Mungiu parvient à dresser le tableau d’une époque où la difficulté de la vie était le lot commun et où la liberté était le privilège d’une petite minorité.

Le réalisateur décrit une situation inspirée de la réalité et situe son film dans la Roumanie des années 80, alors gouvernée par le dictateur Nicolai Ceaucescu. Mungiu ne cherche pas à mener une propagande contre le régime. Il sait que la critique frontale fait souvent l’économie de la réflexion.

Comme Schroeder, il refuse de s’adonner au piège de la leçon de morale à l’égard d’un spectateur qu’il considère a priori intelligent.

Dans un rythme angoissant, avec des interprétations réalistes et une mise en scène mesurée, ‘4 mois, 3 semaines et 2 jours’ captive le spectateur. Le résultat ressemble sans doute un peu trop à ce que l’on peut voir dans les œuvres des frères Dardenne -comme ‘Rosetta’ ou ‘L’enfant’- mais une histoire bien expliquée n’est jamais de trop, d’autant plus que Mungiu ne s’aventure pas dans la défense irrationnelle de l’avortement.

Ce thème est souvent traité par le cinéma avec trop de légèreté, et le réalisateur le montre ici dans toute sa crudité, afin de nous rappeler, selon ses propres mots, qu’ « il s’agit d’un sujet dur ». Et que l’avortement a beau être aujourd’hui légal en Roumanie, « il ne faut pas abuser de cette liberté » comme semblent le faire de nombreuses femmes là-bas, y recourant comme à une simple méthode contraceptive.

En définitive, ‘L’Avocat de la Terreur’ et ‘4 mois, 3 semaines et 2 jours’ constituent deux exemples d’un cinéma social composé avec rigueur. Laissant à d’autres les sujets ennuyeux et les messages prétentieux. Deux essais qui paraissaient nettement plus crédibles que la majorité des films projetés à San Sébastian.

Crédit photos : Oneeras/flickr ; idealterna/flickr ; irotzabal/Flickr

Translated from Festival de cine de Donosti: un cine social jodido