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S’affamer pour des papiers

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Default profile picture emilie plantin

SociétéPolitique

Les grèves de la faim de sans-papiers se succèdent en Belgique depuis janvier. Le 2 mars, deux initiatives sont lancées dans des centres de détention d’étrangers. Suite à un mouvement de 50 jours, rue Royale, à Bruxelles.

« La régularisation ou la mort ! » Voilà ce qu’on pouvait lire sur une banderole, au 91 de la rue Royale, jusqu’au 19 février dernier. 162 immigrés sans-papiers ont occupé ce bâtiment de la Communauté française et mené une grève de la faim pendant 50 jours. Ils réclamaient leur régularisation et ont obtenu après des manifestations de soutien, un accord avec le ministère de l’Intérieur et des papiers pour trois mois.

Dans le bâtiment de la rue Royale, la grève de la faim des sans papiers a duré 50 jours (Photo : Giovanni De Paola)

D’origine sud-américaine, africaine ou asiatique, ces personnes vivaient en Belgique illégalement depuis au moins 10 ans. Elif [son prénom a été changé], une petite fille turque de 12 ans, a accompagné ses parents à l’intérieur de l’immeuble pendant toute la durée de la grève. Elle a répondu à de nombreuses interviews. Bien qu’elle-même en situation irrégulière, elle est scolarisée dans une école flamande, à Bruxelles. À la différence de ses aînés, Elif, comme tous les enfants de ces communautés, parlent couramment flamand et français. Alors elle explique pourquoi sa mère fait cette grève de la faim : avec sa famille, elle vit à Bruxelles depuis plus de 10 ans et trouve cela bien injuste de ne pas être régularisée et du coup, de vivre en permanence dans l’insécurité.

Sirènes hurlantes des ambulances

« Je suis heureuse ici. Je parle très bien le flamand parce que c’est ma première langue à l’école. Si je devais retourner en Turquie, ce serait très dur pour moi d’apprendre le turc. C’est pour ça que je veux rester en Belgique », explique-t-elle, avec un regard assuré et vif. Dans la bouche d’une petite fille, certaines phrases sonnent bizarrement : « Cette grève de la faim, c’est notre dernière chance », ajoute-t-elle par exemple. Elle emploie le pluriel. Elle parle au nom de toute sa famille et de tous les autres occupants du 91 de la rue Royale. Elif n’a que 12 ans mais elle est d’évidence plus mûre que les autres enfants de son âge.

En Belgique, quand les parents d’Elif travaillent, c’est au noir. Et leur fille sait très bien qu’elle ne peut pas le répéter : « C’est très dur de payer le loyer et la nourriture car mes parents ne travaillent pas. C’est très dur parce que nous n’avons pas d’argent », raconte-t-elle. Elif a un grand frère et deux petites sœurs. Ils sont tous scolarisés car le droit des enfants à l’éducation est garanti en Belgique, qu’ils soient résidents réguliers ou non, à la seule condition qu’ils vivent depuis au moins deux ans en Wallonie, en Flandres ou dans la région de Bruxelles.

(Foto: Giovanni De Paola)

Interrogée sur l’efficacité de ce mouvement, Elif, encore dans le vif de cette protestation, répondait : « Mon père a déjà participé à une grève de la faim, mais ça n’a servi à rien. J’espère que cette fois, c’est la bonne. C’est notre dernier espoir ». Rue Royale, il était difficile d’ignorer l’action des sans papiers pendant près de deux mois. Une ambulance arrivait parfois, sirènes hurlantes. Une grève de la faim affaiblit l’organisme et nécessite parfois une hospitalisation. Le médecin qui venait en aide aux sans-papiers de la rue Royale ne cachait d’ailleurs pas son inquiétude dans le feu de cette action désespérée : se laisser mourir pour être régularisé.

Translated from Immigrati in Belgio: «Regolarizzazione o morte»