Russie : « Des meurtres dans l’indifférence officielle »
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Agnès LEROUX« Choquant mais pas surprenant ». Iryna Vidanava est une jeune journaliste biélorusse. Elle fait un constat glacial suite aux meurtres de l’avocat spécialiste des droits de l’homme, Stanislav Markelov, et de la reporter de 25 ans, Anastasia Baburova, à Moscou, le lundi 19 janvier 2009 : ils viennent allonger la liste des crimes politiques étouffés dans cette partie du monde.
Plus de 70 journalistes ont été tués dans l'espace postsoviétique depuis 1992, dont 49 en Russie, et les chiffres sont bien plus importants si l'on compte également les démocrates martyrisés. Mon pays, la Biélorussie, n'a pas échappé au coût tragique de la lutte pour un changement démocratique. Mais parce qu'il est petit et isolé, « un trou noir en Europe », des cas similaires font rarement la Une au niveau international.
Anatol Maisenya était un journaliste et un opposant de la première heure au président Alexander Lukashenko, « le dernier dictateur européen ». Il a trouvé la mort dans un accident de voiture plutôt suspect en 1996. Dzmitry Zvadzki, l'ancien cameraman personnel de Lukashenko, a été emprisonné pour ses révélations. Il a disparu en 2000, ni son corps ni ses ravisseurs n'ont jamais été retrouvés. Veranika Charkasava, journaliste d'investigation pour le titre indépendant Salidarnasc, également critique face au président, a été poignardée en 2004, et ses meurtriers n'ont jamais été identifiés. Vasily Grodnikov écrivait pour Narodnaya Volia, un important journal d'opposition. Il a été battu à mort en 2005 et à nouveau, les meurtriers n'ont pas été retrouvés.
Russie-Biélorussie : unies dans un silence officiel
Il existe de nombreuses similitudes entre les différents cas russes et biélorusses. Comme le président Vladimir Poutine et le président Dmitry Medvedev, notre président n'a prononcé aucune déclaration officielle ni condoléances. Comme en Russie, nos autorités semblent incapables d'empêcher ou de résoudre les crimes commis contre les activistes démocrates afin de placer les responsables devant la justice. Dans les deux pays, l'indifférence officielle donne l'impression d'une approbation de ces meurtres, et sert même à faire taire ceux qui défendent les droits de l'homme et la liberté de la presse.
« Nous ne pouvons rester silencieux. Nous devons élever nos voix pour défendre la démocratie et la liberté d'expression »
Les événements de Moscou ont une petite connexion avec la Biélorussie. Stanislav Markelov, 35 ans, était marié à une Biélorusse et défendait les Biélorusses arrêtés pour avoir manifesté devant l'ambassade biélorusse à Moscou. Il avait aussi pris part à des séminaires sur les droits de l'homme organisés à Minsk. Mais en tant que jeune femme travaillant pour les « nouveaux médias », j'ai été particulièrement impressionnée par le courage d'Anastasia Baburova, 25 ans, une étudiante en journalisme à l'université d'Etat de Moscou.
Un blog et des articles dans les journaux
Son assassinat a été éclipsé par celui de Markelov, plus connu. Sa mort pourtant tragique offre également espoir et inspiration. Malgré les dangers que cela comporte, Anastasia voulait étudier et faire du journalisme d'investigation. Elle est entrée dans un parti politique d'opposition et a travaillé pour un journal indépendant dont trois autres reporters ont été tués depuis 2000. Elle a alors choisi d'écrire des articles ainsi qu’un blog contre les horreurs perpétuées au sein d'un Etat autoritaire. Elle est morte en faisant face au meurtrier de son collègue : une inspiration pour nous tous.
Nous ne pouvons rester silencieux. Nous devons élever nos voix pour défendre la démocratie et la liberté d'expression. Aucune arme ne peut arrêter les personnes en recherche de vérité et de liberté. Malgré la menace permanente d'être tués, emprisonnés, battus et réprimés, de jeunes journalistes continuent à rejoindre les médias indépendants en Biélorussie et Russie. Nous devons tous travailler à ces changements qui assureront la vie à ceux qui poursuivent la vérité dans cette partie du monde.
Translated from Stanislav Markelov and Anastasia Baburova: ‘Russian murders shocking, but hardly a surprise’