Royaume-Uni : Russell Brand nous veut-il du bien ?
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Hélène PillonRussell Brand, l'homme qui a délaissé les drogues pour le yoga. Désormais, de Beverly Hills, il prêche même la révolution. Quelques raisons de l'écouter.
Revolution de Russell Brand (humoriste présentateur anglais, ndlr) vient de sortir au Royaume-Uni et de nombreuses personnalités agacées nous expliquent déjà à quel point ce livre est débile. La colère que suscitent les nouvelles idées de Brand est frappante. J’ai commencé à me demander pourquoi et ai jeté un œil à ce que les « antirévolutionnaires » avaient à dire. Mais avant tout, qui est donc Russell Brand ? Ce double de Willy Wonka est un homme franc et blagueur qui a le coup de main pour pointer du doigt ce que les autres ne se fatiguent plus à dénoncer (par exemple, lorsqu’il nous a rappelé qu’Hugo Boss produisait les uniformes Nazi). Il relie aussi presque tout à son passé agité dans l’Essex : des drogues, pas d’argent, pas de reconnaissance. Un aspect de sa personnalité qui s’écorne au fil des vidéos sur Youtube. Mais laissons cela de côté pour le moment.
Même si c'est nul
Je ne suis pas intéressé par le contenu réel de Revolution. J’écoute simplement ce que les autres ont à en dire avant même qu’il ne soit en librairie. Même si cela s’avérait être un livre prétentieux et nul écrit dans un souci de satisfaction thérapeutique, les critiques ridicules qui se sont accumulées récemment m’agacent.
Ce qui revient souvent lorsque Brand parle de politique, est sa vison du vote comme un acte en conformité avec un système qui ne fonctionne pas. Les classes populaires sont particulièrement ignorées par la politique du parlement, affirme-t-il. Ainsi, aussi longtemps que les représentants ne sont pas plus écologistes, égalitaires et démocrates dans leurs politiques, Brand recommande de ne pas voter.
L’ancien chanteur des Sex Pistols, John Lydon, est d’accord avec Russel sur une chose : « On nous offre un choix pourri » - entre les Travaillistes et les Conservateurs (et le désormais glorieux UKIP ). Si tel est le cas, ne vous embêtez pas à aller voter, conclu Brand. Lydon, au contraire, nous appelle tout de même à voter et explique que la proposition de Brand est « la chose la plus idiote » qu’il ait jamais entendue. Mais en même temps, il dit que les gens doivent voter pour « changer les choses ». Une minute Lydon ! Face à « un choix pourri », comment cela est il possible? Dans un système bipartite, comme il en existe en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis, nous savons que les Travaillistes peuvent souvent être pire que les Conservateurs. Il est simplement impossible de prédire, avant de voter, lequel des deux diminuera le plus les prestations sociales ou déclarera la guerre plus fréquemment. Si tel est le cas (et Lydon acquiescerait), les gens ne peuvent pas changer les choses en votant.
John Lydon à propos de Russell Brand
D’après moi, l’appel de Russell Brand à l’absention n’a rien d’un appel à la paresse, comme Lydon le décrit. Il pointe plutôt du doigt un réel problème que l'ancien punk semble vouloir ignorer, se rassurant en allant voter de temps à autre. On aurait pu s’imaginer que quelqu’un qui a un jour chanté « Anarchy in the UK » soit un peu moins conformiste.
Vous pensez peut-être toujours que voter pour le moindre mal reste la meilleure solution. Et je ne suis pas nécessairement en désaccord avec cette idée. Mais, ce qui transparaît du discours des personnes comme Lydon, c’est tout simplement qu’elles se mentent à elles-mêmes si elles vont voter et ignorent le reste.
Trop tard pour la révolution?
David Runciman, un théoricien de la politique à Cambridge qui écrit dans le Guardian, suggère que Revolution arrive trop tard. « Il y a a un an nous vivions dans le monde de Russell Brand. Désormais nous vivons dans le monde de Douglas Carswell. » Qu’est-ce que cela veut bien pouvoir dire ? Douglas Carlswell vient tout juste d’être le premier membre de UKIP élu au Parlement britannique. Cela ne change pas grand-chose pour le moment. Cela veut simplement dire que de temps en temps, un type va faire des commentaires odieux à Westminster. Si l’année dernière était celle de Russell Brand, cette année pourrait l’être d’autant plus. La population est agacée par toutes sortes de choses : les banques sauvées par le contribuable, les coupes dans les prestations sociales (prononcez juste le mot « austérité » dans un pub et vous verrez ce que je veux dire), les frais d’inscription et bien d’autres choses. Quand bien même ces personnes ne montreraient pas leur colère en manifestant dans la rue, ils n’oublient pas pour autant. Parfois il suffit d’une étincelle pour déclencher un incendie.
Russell Brand est prétentieux. Oh que oui ! Mais cela veut-il dire qu’il ne devrait pas s’occuper des revendications d’une bonne partie de la population ? Se contenter de dire qu’il est idiot où que le livre sort au mauvais moment est trop facile. Les gens comme John Lydon ou David Runciman me poussent vraiment à penser que nous avons besoin de la révolution de Russell Brand.
Translated from Why We Need the Russell Brand Revolution