Quelles idées fortes dans le Programme de travail de la Commission Européenne pour 2016 ?
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Aymeric GuittetChaque année, la Commission Européenne construit un Programme de Travail qui définit la liste des actions prioritaires à adopter dans les 12 prochains mois. Celles-ci incluent les initiatives issues d'engagements politiques, retiennent les propositions de longue date et réévaluent la législation européenne.
La Commission a présenté récemment son Programme de Travail pour 2016, le second depuis que Juncker est au pouvoir. « La devise de notre programme de travail est "pas de place pour les affaires courantes" », a confié le vice-président Timmermans. « Toutes les actions que nous proposons sont soutenues par notre Programme pour une Meilleure Régulation. Nous voulons être certains que lorsque l'UE intervient, cela donne des résultats », a-t-il continué.
Le Programme est composé de 23 initiatives regroupées sous 10 priorités politiques, bien que le but soit presque toujours le même. En suivant la procédure normale, la Commission décidera quelle proposition va être retirée ou mise en avant, selon ses priorités et perspectives. De manière générale, l'exécutif communautaire va donner plus d'importance au marché interne et digital, à l'union énergétique, au commerce, à la défense et la sécurité, et enfin, à l'immigration.
Si nous jetons un oeil au paysage économique et politique européen - qui se remet tout juste d'une grave crise et doit trancher la question des flux de milliers de migrants qui fuient la guerre et la pauvreté - nous comprenons rapidement que nous vivons des moments décisifs. Pourtant, peu de politiques concernant l'immigration seront décidées alors que plusieurs priorités concernant l'union bancaire et le commerce sont sur la table. En réalité, le message envoyé par ce Programme de Travail 2016 vise à attirer l'investissement étranger et rehausser la crédibilité de l'Europe envers les marchés étrangers.
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Le Commerce
Même si l'accord du controversé Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement (PTCI, TTIP en anglais) est contesté des deux côtés de l'Atlantique, la Commission le considère comme une priorité majeure pour 2016. Pour beaucoup, en effet, la promesse d'emplois, d'investissements et de croissance est en réalité un cadeau empoisonné, du fait notamment d'un des aspects les plus débattus du PTCI : la création d'une nouvelle cour internationale, le Mécanisme de Réglement des Différends entre Investisseurs et États (ISDS), qui donne le droit aux investisseurs étrangers de poursuivre les gouvernements, ou l'Union européenne, sur la base de n'importe quelle loi ou règle qui gênerait leurs affaires.
Néanmoins, les accords de commerce avec la zone Asie-Pacifique, à travers l'Accord de Libre Echange entre le Japon et l'UE (Free Trade Agreement ou FTA), l'Australie et la Nouvelle-Zélande, l'Afrique et les Caraïbes, sont aussi dans le viseur. Pouvoir considérer l'Europe comme un acteur fort et uni est le but ultime et la mondialisation est ainsi le cadre principal de ces échanges financiers.
En réalité, depuis qu'Adam Smith a publié La Richesse des Nations en 1776, il est devenu communément accepté que le libre-échange augmente la richesse et la prospérité globale de l'économie. La libre circulation des biens et des marchandises est sans aucun doute une des plus grands réussites de l'UE, mais la corruption et le manque de transparence freinent souvent ce qui pourrait servir de base à des échanges équitables.
L'Environnement et la Santé
Allant de pair avec un monde de plus en plus connecté survient la préoccupation environnementale. Les dirigeants européens travaillent sur des politiques vertes, telle une réduction des gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici à 2030, l'adaptation des marchés de l'électricité aux nouvelles formes de production d'énergie, la refonte du Système Communautaire d'Échange de Quotas d'Émissions et la mise en oeuvre du programme sur l'économie circulaire.
En tête du soi-disant décisif sommet de Paris (COP 21), où les dirigeants des pays du monde vont s'accorder sur la future mise en oeuvre des politiques environnementales, l'engagement communautaire sur le développement durable envoie un message clair de pragmatisme au monde entier. Toutefois, au regard de la sécurité alimentaire et des OGM, l'UE, avec le second rejet par le Parlement européen d'interdire les OGM, déçoit d'une certaine manière ses citoyens : ceux-ci se sont en vain rassemblés un nombre incalculable de fois pour demander leur éradication de leurs territoires nationaux. Une telle position soulève la question de la réelle représentativité de notre démocratie européenne, alors que les pays étudiés se sont déclarés contre l'utilisation des OGM.
Immigration et Sécurité
À la suite de la plus grande crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale, la Commission a adopté en mai l'Agenda Européen en matière de Migration, qui met en place un certain nombre de mesures pour gérer l'arrivée massive de migrants dans l'espace communautaire. Aujourd'hui, avec l'adoption de ce nouveau Programme de Travail, cet enjeu a été renforcé. La coopération humanitaire et économique avec les pays tiers (Liban, Jordanie, Irak, Turquie et Égypte), qui remodèle le système de Dublin et renforce les Opérations Conjointes de Frontex est déjà en cours. De plus, deux plans d'urgence pour venir en aide à plus de 160 000 personnes sont opérationnels. Par ailleurs, le fond de secours aux États membres les plus démunis a été doublé pour atteindre 50 millions d'euros.
Du côté de la mer, la menace soulevée par les passeurs en Méditerranée a été à l'origine de la création de l'opération navale EUNAVFOR (rebaptisée « Opération Sophie »). Lancée en juin 2015, la mission fait partie de la tactique pour s'attaquer à la fois aux symptômes présents et aux causes, telles que les guerres, la pauvreté, le changement climatique et les persécutions. D'après le Conseil Européen, l'opération navale de l'UE contre les passeurs en Méditerranée sera à même « d'arraisonner, rechercher, saisir et détourner les navires suspectés d'être utilisés pour la traversée de clandestins ou la contrebande en haute mer », dans le respect du droit international. Vers la fin de l'année, la Commission présentera des propositions pour une Frontière et des Gardes Cotes Européens, ainsi qu'une première approche de l'immigration légale, dans le but d'améliorer la directive Carte Bleue.
Translated from Commission Work Programme 2016: What’s on the Table?