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Pourquoi prendre l'avion pour Shanghai?

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Story by

Cafébabel

Translation by:

Véronique Mazet

Style de vie

Pourquoi prendre l’avion pour Shanghai quand on peut s'y rendre en vélo ? Alex Hurst nous fait revivre son aventure : onze mille kilomètres en vélo entre Istanbul et Shanghai.

C'était lors d'une soirée, en août dernier. Avec un ami nous sommes blottis au coin d’un feu de camp dans les montagnes du Caucase en Géorgie, quand une petite voiture apparaît, sortant de la brume, et cahotant au sommet du col. Elle s'arrête à quelques mètres de nous.  Un Georgien de forte carrure sort du véhicule, et se met à hurler en russe en nous menaçant avec un pistolet. Je regarde nerveusement mon ami, tout en me demandant si finalement, venir dans le Caucase était une si bonne idée. C’est alors que l’homme se met à rire, attrape une bouteille de vodka et deux pêches dans sa poche et nous propose un toast à l’amitié. Nous buvons la vodka et mangeons les pêches, et surtout, nous poussons un soupir de soulagement quand l'homme disparaît dans le brouillard.

Pourquoi étais-je dans le Caucase cette nuit d’été ? Eh bien, avec mon ami Nicolas, nous nous rendions en vélo d’Istanbul à Shanghai, un voyage de onze mille kilomètres sur l’ancienne Route de la Soie. En cinq mois, nous avons pédalé à travers la Turquie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan.  Nous avons lutté dans la steppe au Kazakhstan, dans le désert d’Ouzbékistan, et les montagnes du Tadjikistan. Puis nous avons traversé la Chine jusqu’à Shanghai. Nous venions tous deux de finir nos études et nous voulions découvrir les anciennes routes d’une autre façon : voir ce qu’il restait des royaumes, des empires et des khanats.  Côtoyer les vendeurs de tapis, les éleveurs de chameaux et les peintres de fresques. Nager dans les rivières et escalader les montagnes, explorer l’inconnu. Et c’est exactement ce que nous avons fait.

Bien sûr, nous avons préparé ce voyage. Nous avons acheté deux vélos de randonnée, tout un équipement et nous avons obtenu les visas. Cependant, il y a beaucoup de choses pour lesquelles nous n'étions pas préparé. Pour nous, comme pour Marco Polo sept cents ans auparavant, la route de la soie s’est révélée à la fois plus surprenante et plus surréaliste que tout ce que nous avions imaginé. Par moment, elle s'est avérée effrayante. Parfois, elle a failli nous ramener brusquement à la maison comme quand nous sommes tombés sur l’armée géorgienne à la frontière avec l’Azerbaïdjan. Nous pensions contempler  un agréable coucher de soleil au-dessus des crêtes, mais les militaires ont pensé que nous étions en train de compromettre l’intégrité d’un Etat souverain – un point de vue légèrement différent qui nous a conduit à un interrogatoire musclé d'une heure sous la menace d’un AK-47. Mais le seul moment de pure terreur du voyage a été  de pédaler pendant un kilomètre dans un tunnel sombre dans l’ouest de la Chine. Je ne voyais ni la route, ni les murs, ni le bout du tunnel, alors j’ai chanté « I have confidence » de Sound of Music. Je ne me suis jamais senti si loin des gouttes de pluie sur les roses et des moustaches des chatons.

Il est vrai que le cowboy rencontré dans les montagnes du Caucase aurait pu être dangereux. Certaines personnes sont intriguées. « Ce n’était pas dangereux ? » nous demandent–elles, « ne vous êtes-vous jamais sentis menacés ? ». Je réponds simplement que j’étais submergé par la gentillesse des gens. Sur 150 jours de voyage, nous avons passé au moins 40 jours sous le toit de parfaits inconnus, et il est impossible de compter le nombre de verres, de bols, et de tasses de thé, de monticules de pilaf, de figues fraîches, d’abricots secs, et de bouteilles de vodka, de vin, de bière et de baijiu, que nos hôtes nous ont offerts. Ils ont été trop nombreux pour pouvoir les décrire, ou les nommer, mais certains ressortent du lot : Sait, le lecteur de Georges Bataille, fils de migrants turcs, musulman et dévot, revenu depuis peu d’Allemagne. Le très bavard Yuldash, rencontré sur le ferry, venant d’Azerbaïdjan, qui nous a conduit à un mariage Turkmène une semaine plus tard quand nous sommes arrivés dans son village d’Ouzbékistan. Muzaffar, qui m’a fait visiter les ruines de la capitale de Tamerlan à Shahrisabz. Et Zafar qui nous a invités à sa fête de fiançailles dix minutes après notre rencontre.

Certains moments resteront gravés dans ma mémoire : pédaler dans la vallée de Wakhan au sud du Tadjikistan, longeant de vieux forts, des tumulus, des stupas qui ont survécu à des milliers d’agresseurs, de commerçants, et de missionnaires bouddhistes. Une balade risquée, illégale et spectaculaire en Afghanistan de l’autre côté de la rivière rapide et glacée Panj. Dévaler les étendues immenses du nord de l’Ouzbékistan poussé par un vent fort. Traverser le dernier col des montagnes du Pamir et apercevoir la route descendre vers le Kirghizistan verdoyant. Mais s'il y a surtout une chose dont je me souviendrai, c’est de la gentillesse de ces personnes inconnues. Alors sortez et allez découvrir par vous-mêmes, et de préférence en enfourchant votre vélo.

Vous pouvez consulter notre blog, et ses photos : http://www.whynotflytoshanghai.wordpress.com/.

Story by

Translated from Why Not Fly To Shanghai?