Pour fêter la Saint Patrick, si vous goûtiez au Poitín?
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Anne-Laure VoisinPour le 17 mars, à la Saint Patrick, on a plutôt l'habitude de boire une Guiness qu'un verre de Poitín (Poteen en anglais). Et pour cause ! L’alcool le plus fort au monde ne se vend dans aucun commerce à Dublin. Rares sont les Irlandais qui n’y ont pas goûté et, pourtant, cet alcool qui peut s’avérer mortel est illégal en Irlande depuis 1661. Retour sur l’histoire de ce breuvage ultra-alcoolisé.
Les Irlandais distillent l’« uisce beatha », le terme gaélique pour désigner l’eau de vie, depuis des siècles. Quand ce curieux breuvage a fait son apparition en Grande-Bretagne, les Britanniques ont anglicisé le mot « uisce » en « whiskey ». Au XVIe siècle, l’interdiction de la production privée d’alcool a contraint les fabricants de Poteen à se cacher : ils se sont mis à concocter leur brevage à l’abri des regards, dans des bois ou des marais isolés et à utiliser de petits alambics portatifs connus sous le nom de « poitín » ou, en anglais, « pot still ». A cette époque existaient plusieurs types de Poteens (« poitín » en gaélique, « poteen » en anglais) , selon qu’ils étaient faits à partir de mûre, de levure, de sucre, d’orge… Puis, dans les années 1800, les cultivateurs ont dû faire avec la seule récolte qu’ils n’étaient pas tenus d’exporter en Grande-Bretagne pour payer les lourdes taxes imposées par le gouvernement colonial : celle de la pomme de terre. Le nouvel ingrédient a transformé ce whisky fait-maison en un alcool d’une puissance bien supérieure. Quand on sait qu’il atteint souvent les 95°, il n’est pas très difficile de comprendre pourquoi le Poteen est demeuré illégal !
Sa tradition séculaire de secret et de mise au ban a fait du Poteen un des éléments phares du folklore irlandais. La patrie d’origine de cet alcool, comme tout bon Irlandais vous le dira, est la région reculée et venteuse du Connemara, sur la côte ouest de l’Irlande. Si vous voulez obtenir du Poteen, c’est sans nul doute là, que, comme beaucoup, vous devrez aller le chercher ! Les locaux préparent toujours la mixture selon la méthode ancestrale – et avec le même goût du secret. Produire du Poteen demande beaucoup de travail : il faut en effet de la constance, de la patience et un savoir-faire précis. Un savoir-faire qui se transmet de génération en génération. La phase de fabrication achevée, la boisson offre son présent le plus précieux : la « goutte pure ». La première goutte qui sort de élixir est désignée ainsi car elle est célèbre pour ses effets supposés magiques et ses vertus guérisseuses. Seuls quelques « happy few » comme on dit ou des heureux ont un jour la chance de savourer la première gorgée de cet élixir interdit. Le reste du baril, lui, se trouve – et gratuitement – au marché noir.
Depuis 1989, les débitants de boisson irlandais ont été autorisés à vendre une version diluée à 40° – mais celle-ci est souvent destinée à l’export. Vous pouvez être sûr d’une chose : la version non-diluée n’a rien à voir avec ses banales contrefaçons. Pour le trouver, vous allez devoir partir en quête du gars du coin bien informé. Pas d’inquiétude, il n’est jamais bien loin.
Photos: ©Kollage Kid; ©snarkattack; Flickr
Translated from On St. Patrick's day, drink Poitín, the world’s strongest alcohol