Patrick Monahan, humour sans frontières
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Fernando GarciaLe temps d'une pause dans sa tournée européenne, le comique irlando-iranien Patrick Monahan, 30 ans, évoque la mondialisation de l'humour mais aussi la difficulté de faire rire de manière universelle.
Certaines personnes découvrent très jeunes leur vocation. Pour la majorité d'entre elles, ces aspirations sont d'ordre religieux ou relèvent du désir d'embrasser une carrière politique ou de réussir dans les affaires. Une poignée de ces rêveurs est fascinée par le monde séduisant du divertissement et des spectacles. C'est à cette dernière catégorie qu'appartient assurément le comédien Patrick Monahan.
Né de père irlandais et de mère iranienne, Monahan devait être un trublion. « Les Irlandais sont célèbres pour leur talent de conteurs et les Iraniens pour leurs mouvements de bras démesurés. Je porte en moi ces deux dons », me lance t-il en guise d’entrée en matière.
Je ne tarde pas à m'en apercevoir. Alors que nous nous installons autour d'un café dans le centre de Londres et que nous commençons à bavarder, Patrick s'anime. Ses bras semblent soudain dotés d'une vie propre. Agités de mouvements sporadiques, ses membres ponctuent son discours, lequel me fait l'effet d'un torrent de mots capable d'emporter dans son tourbillon tout observateur de la scène posté à proximité de notre table. Pas étonnant que les critiques comparent les performances scéniques survitaminées de Monahan à un match de boxe professionnel.
Ses discours enflammés sont également très convaincants. Lorsque nous évoquons sa jeunesse passée en Angleterre – il est arrivé d'Iran à l'âge de 3 ans – Monahan aiguille aussitôt la conversation sur le modèle qui a bercé son enfance, son père, volubile et ouvert.
« Je me souviens de mon père assis sur une chaise, parlant encore et encore, sans discontinuer. Il avait réponse à tout et pouvait discourir sur n'importe quel sujet, ayant toujours une histoire sous le coude. C'est à son contact que j'ai pris conscience de mon désir d'amuser à mon tour mon entourage », se rappelle Monahan.
Prendre la vie à la légère
Même s'il était déjà sacrément inspiré à l'époque, le jeune Patrick n'avait pas encore toute latitude pour s'adonner à sa passion pour l'humour. « Mes parents voulaient que j'aille étudier à l'université. Ma mère aurait aimé me voir suivre les traces de mon frère ou de ma sœur dans le droit ou la comptabilité ».
Après un soupir, il reprend : « elle a réalisé avec le temps que je m'épanouirai davantage dans le monde du spectacle. Elle se rendait bien compte que je n'étais pas aussi studieux que mes aînés et que je prenais la vie beaucoup moins au sérieux. Sans oublier à quel point il était difficile de me tirer du lit avant 10 heures du matin ! », glisse t-il d’un air malicieux.
C'est à l'adolescence que Monahan décide de tenter sa chance : il s'engage dans un spectacle comique à Londres. Il donne sa toute première représentation un soir au « Purple Turtle » un pub de la capitale britannique.
« J'avais noté quelques blagues sur un bout de papier avant de me lancer. Je me souviens être entré dans le bar et m'être installé à côté d'un couple de touristes qui n'avaient pas la moindre idée de ce que je fabriquais », me raconte-t-il amusé.
Cet homme est-il fou ?
Il m'explique s'être alors décidé à monter sur scène en saluant l'assistance médusée d'un chaleureux « Eh ! ». Il lâche : « j'ai ensuite entrepris de débiter mon texte aussi vite que possible. J'ai littéralement retenu mon souffle durant les sept minutes pendant lesquelles je suis resté debout face au public. J'ai savouré chaque seconde passée sur scène. Malheureusement, on ne peut pas dire que ma prestation ait impressionné mon auditoire. Je crains que les organisateurs ne m'aient pris pour un cinglé ! »
C'est à cette période que Monahan comprend qu’un timing précis fait partie des ingrédients essentiels au bon déroulement de tout spectacle comique. « Un sketch doit impérativement comporter quelques temps morts, peu importe quand, histoire de ménager le suspens. Les chutes, c'est un mythe. Tout peut faire office de chute. Le secret est d'arriver à capter progressivement l'attention du public en le tenant en haleine puis de stopper net avant de révéler la fameuse chute ! », analyse mon invité.
A la portée de tous
Quatre verbes lui suffisent pour résumer les conseils qu'il pourrait donner aux jeunes souhaitant se lancer dans le métier : parler, exagérer, s'amuser et ménager des silences. Pour ce qui est de la mise au point et de la conception des shows, apprendre à observer attentivement ce qu'il se passe autour de soi. « En théorie, faire rire est à la portée de n’importe qui, même d'un orateur médiocre », me garantit Monahan.
Le sens de l'humour universel de cet artiste reconnu reflète bien l'époque dans laquelle il évolue. Patrick me fait remarquer à quel point l'humour s'est « mondialisé » et ajoute que «la guerre du Golfe, les Américains et McDonald’s sont des éléments comiques qui marchent dans le monde entier ».
A ses débuts, nul besoin d'aller chercher bien loin l'inspiration. Ses origines irlandaises et iraniennes, dont il est particulièrement fier, ont représenté une mine d'idées inépuisable pour traiter des mystères géopolitiques de notre temps. « Lorsque les voisins se disputaient, nous appelions la police. Lorsque mes parents se disputaient, c'était les Nations unies qui débarquaient chez nous », plaisante-t-il.
Il enchaîne, plus sérieusement : « lorsque j'écoute les gens parler des attentats du 11 septembre, de la guerre en Irak, du conflit en Irlande du Nord, pour ne citer que ces quelques situations de crise, je m'aperçois que pour beaucoup d'entre eux, il existe un gouffre entre l'Est et l'Ouest. Je pense au contraire que nous avons un avenir commun. Je suis l’exemple idéal : mon éducation est la preuve qu'il est toujours possible de combler le fossé qui nous sépare ».
Ficelles du rire
J'interroge alors Monahan sur les différents types de publics devant lesquels il a joué au cours de sa tournée en Europe. Il se met alors à répertorier les « mécanismes du rire », dépendant de la nationalité du public.
« Les Allemands sont friands de blagues sportives, par exemple celles sur les cascades en BMX. En matière d'humour, les Français ont quant à eux un faible pour la politique. Ce sont des spectateurs très respectueux et très polis ; lorsqu'ils apprécient un gag, ils applaudissent systématiquement. Les Anglais que j'ai pu rencontrer sont généralement moins fins, surtout lorsqu'ils sont ivres. Les Grecs eux ne comprennent quasiment pas un traître mot d'anglais, c'est pourquoi il me faut davantage jouer sur le physique et la gestuelle».
Dans le cas où l'un de ses jeux de mots ne fonctionnerait pas avec un public particulier, Monahan dispose même d'un plan B. « Lorsque ton gag fait un four, le truc reste d'enchaîner, comme si cela faisait partie du spectacle. Essayez par exemple de déplacer l'attention des gens. Vous pouvez pour cela poser une question à quelqu'un dans l'assistance, lui demander ce qu'il ou elle aurait fait dans la situation exploitée dans le sketch », conseille l'humoriste.
Mais Monahan lui-même ne peut garantir que sa méthode d'urgence ferait ses preuves chez lui, en Iran. « J'adorerais me produire là-bas », avoue-t-il. Avant d'ajouter : « même si cela poserait certainement de trop grandes difficultés vu la situation actuelle. En outre, une fois rentré au pays, je devrais servir deux ans dans l'armée, comme l’exige la loi. Pourtant ce serait la plus belle façon d’achever ma carrière», lâche t-il, visiblement ému.
Translated from Patrick Monahan, supplying cross border laughs