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MyRefuge : le AirBnB des réfugiés

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Translation by:

Olivia Locher

Société#OPENEUROPE

Une nouvelle application anglaise, MyRefuge, veut créer du lien entre les réfugiés qui n’ont nulle part où dormir et les citoyens prêts à les accueillir. Une campagne de financement participatif pour couvrir les coûts de lancement du projet a dépassé son objectif initial en seulement huit jours. Cafébabel s’est entretenu avec le fondateur de l’appli, Sholi Loewenthal.

cafébabel : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Sholi Loewenthal : J’ai 32 ans, je suis né et j’ai grandi à Londres. J’ai fait des études de sociologie, politique, mondialisation et domaine public. Puis, j’ai travaillé dans le secteur communautaire pendant quelques années - j’étais chargé d’aider à l’organisation de collaborations entre les sphères publique et privée, les associations caritatives, et les milieux communautaires. Le rôle d’Internet me passionne depuis maintenant plus de dix ans, c'est-à-dire depuis que j’ai commencé à l’utiliser à la fin des années 1990. 

cafébabel : Quand et comment avez-vous eu l’idée de lancer une application qui aide les réfugiés à trouver un refuge ?

Loewenthal : Je suivais les actualités sur la crise des migrants, puis j’ai vu que, parmi les histoires qui font la une, des citoyens proposaient d’accueillir des migrants chez eux. J’ai appris que le site Refugees Welcome en Allemagne, a trouvé un toit à 132 réfugiés. Pour plusieurs milliers d'entre eux, une plateforme sur laquelle ceux qui cherchent un toit pourraient se connecter avec des personnes prêtes à les accueillir m’a semblé nécessaire : les connexions seraient facilitées, surtout si l’on trouvait un moyen d’intégrer à la plateforme les ONG pour qu’elles aident et encouragent ces relations naissantes - ce qu’elles font aujourd’hui avec une approche entièrement facilitée.

De plus, j’ai eu l’impression qu’il fallait que cette plateforme soit mondiale, pour permettre aux citoyens du monde entier de participer à l’accueil des réfugiés. L’Europe ne devrait pas porter ce fardeau seule. Les réfugiés pourraient trouver une bonne qualité de vie et participer à la vie de la société dans d’autres régions du monde. Tous les pays doivent agir de concert pour sauver ces vies, et pour ce faire, nous avons besoin d’un outil qui fonctionne à l’échelle internationale et qui utilise la technologie intelligente. 

cafébabel : Êtes-vous le seul à travailler sur ce concept ? 

Loewenthal : Deux développeurs et amis, Nelson Yeung et Cas Nadel donnent de leur temps depuis le début pour développer l’application. D’autres amis et d’autres personnes inspirées par le projet apportent aussi leur aide, notamment en faisant connaître l’application etc.

cafébabel : Vous êtes directeur de Humanity Online, votre engagement dans cette entreprise est-il une des raisons pour lesquelles vous compatissez avec les réfugiés ?

Loewenthal : Humanity Online est une société qui met la technologie au service de la collaboration entre les gens, pour enfin aborder concrètement les grands problèmes de notre époque de manière efficace. Notre projet principal, « engage.re », est en ce moment en phase de développement, et a reçu des fonds de l’Union européenne. Il s’agit d’un réseau social de collaboration qui appréhende la gestion de projet du point de vue du milieu communautaire et qui permet aux particuliers et aux entreprises de contribuer à des buts communautaires établis de façon collaborative. C’est un outil passionnant qui aura, nous le pensons, un rôle clef dans l’évolution des réseaux sociaux. Nous espérons commencer les tests dans les prochains mois.

cafébabel : Quel sera le principal objectif de MyRefuge ? 

Loewenthal : Nous voulons que MyRefuge soit un moyen pour les citoyens de participer à l’aide des réfugiés. Au bout du compte, même si les gouvernements manifestent la meilleure volonté du monde, ils ne parviendront pas à faire de cet effort humanitaire un succès plutôt qu’une catastrophe sans les communautés qui accueillent les réfugiés au sein de leur environnement. De plus, les solutions de logement proposées aux réfugiés ne sont pas idéales : elles les encouragent à rester entre eux et constituent un frein à leur intégration au sein des autres communautés.

En les accueillant chez eux quand ils le peuvent, les citoyens qui jouent un rôle actif répondent à ces deux problèmes. Tout d’abord, il est plus probable que les réfugiés soient accueillis chaleureusement dans leurs maisons et, par extension, dans la communauté au sens plus large en tant que compagnons et amis de leurs hôtes. Ensuite, les réfugiés auront moins tendance à rester entre eux et enfin - tout aussi important - les citoyens apportent une aide à leur gouvernement, bien au-delà des capacités des gouvernements seuls, et permettent ainsi l’accueil de plus de réfugiés.

cafébabel : Quelles seront les fonctions de l’application et dans quelle mesure améliorera-t-elle la situation actuelle ?

Loewenthal : La situation actuelle est la suivante : de nombreuses associations caritatives soutiennent les réfugiés et ceux qui veulent les aider. Leur fonctionnement ainsi que l’état morcelé de la communauté posent un nombre important de problèmes. Premièrement, un réfugié devra taper à la porte d’un grand nombre d’associations si la première ou la deuxième qu’ils sollicitent ne peut pas les aider. Ce problème s’aggrave lorsqu’ils cherchent à trouver refuge dans des villes et des pays différents.

Deuxièmement, il est difficile pour les citoyens qui offrent leur toit de savoir tout de suite l’importance de leur action en tant que membres d’une communauté collective, parce que les statistiques de chaque association changent constamment. 

Troisièmement, il est plus difficile pour les associations qui soutiennent les réfugiés de trouver des citoyens prêts à partager leur logement car les citoyens volontaires sont inscrits sur un hébergeur de sites internet. 

Quatrièmement, il est extrêmement difficile pour les gouvernements de garder une trace de ce qu’il advient des réfugiés sur leur territoire, de savoir qui les héberge, quelles associations caritatives et quels services de première ligne sont en contact avec les citoyens qui aident les réfugiés.

cafébabel : Comment voyez-vous MyRefuge ?

Loewenthal : Nous voyons cette application comme l’unique point de rencontre entre ceux qui recherchent un toit et ceux qui offrent de partager le leur, un outil de collaboration sur mesure entre les gouvernements, les ONG et les citoyens pour répondre au problème majeur du logement. Elle permettra aux gouvernements de suivre la situation des demandeurs d’asile, aux ONG, dont le rôle ne doit pas être minimisé, de soutenir efficacement les réfugiés une fois les relations mises en place avec les citoyens et enfin, elle devra être un moyen facile pour les citoyens du monde entier de prendre part à ce mouvement citoyen solidaire et à se rendre compte clairement de ce qu’ils ont accompli grâce à leurs efforts communs.

cafébabel : Comment fonctionnera-t-elle concrètement ? Pouvez-vous prendre l’exemple d’un Syrien qui viendrait en Grande-Bretagne ?

Loewenthal : Abdu arrive de Syrie et se trouve actuellement dans un camp de réfugiés des Nations unies. Il se connecte sur MyRefuge et trouve un hôte qui peut l’accueillir. L’hôte accepte de l’héberger pendant six mois et l’intègre dans la communauté etc. Le gouvernement britannique, avec son nouveau programme qui autorise l’arrivée de nouveaux migrants sur le territoire, se connecte également. MyRefuge envoie alors des notifications au gouvernement britannique dès qu’une relation hôte/réfugié se crée, afin qu’il valide la situation.

Le gouvernement, dans le cas d’Abdu, valide sa demande d’asile. Parallèlement, les ONG qui viennent en aide aux réfugiés se sont aussi connectées sur l’application. Elles reçoivent aussi une notification dès qu’une relation hôte/réfugié se crée pour qu’elles puissent fournir l’aide appropriée. L’hôte et le réfugié sont aussi informés des aides proposées par les associations caritatives. L’association concernée envoie des notifications à Abdu pour l’inviter à des séminaires sur la vie au Royaume-Uni à son arrivée. 

Entre temps, l’hôte est invité à participer à des réunions avec d’autres hôtes pendant lesquelles ils pourront discuter de leurs attentes et des possibles difficultés à surmonter.

cafébabel : Sera-t-elle seulement disponible au Royaume-Uni ou dans toute l’Europe ? Sera-t-elle disponible en plusieurs langues, y compris les principales langues parlées par les migrants ?

Loewenthal : MyRefuge sera une plateforme mondiale. Cela étant, elle sera lancée dans un premier temps en anglais et peut-être aussi en arabe. Un de nos bénévoles a accepté de traduire l’application en arabe et en grec. Nous espérons également la traduire dans de nombreuses autres langues.

cafébabel : Pourquoi avoir décidé d’utiliser le financement participatif ?

Loewenthal : Pour attirer l’attention sur le projet et pour permettre aux citoyens de participer à cette mission humanitaire très particulière.

cafébabel : Comment seront utilisées les 1000 £ collectées sur Indigogo ?

Loewenthal : Nous nous en servirons pour payer les coûts de serveur initiaux et pour accélérer le développement pour un lancement rapide. Nous sommes trois à travailler bénévolement en plus d’emplois à temps plein pour construire ce qui sera une version gratuite d’AirBnB. Plus nous récoltons, plus nous pourrons construire la version bêta, et plus nous aurons de l’argent de côté pour développer la plateforme. 

cafébabel : Les 1000 £ suffiront-elles pour finir le développement de l'application ? Si non, comment rassemblerez-vous d'autres fonds ? 

Loewenthal : Des associations avec lesquelles nous sommes en relation ont exprimé leur volonté d'investir. Nous espérons également, une fois le site lancé, pouvoir demander une petite contribution aux hôtes, selon leurs moyens. Parallèlement, le financement participatif restera ouvert aux dons après la fin de la campagne, pour que la communauté mondiale puisse continuer à financer le projet s'il lui tient à coeur. 

cafébabel : Comment voulez-vous vous faire connaître des réfugiés et des hôtes ? Avez-vous besoin de publicité pour les attirer ? 

Loewenthal : Nous sommes en cours de négociation et nous créons des relations avec d'importantes ONG, des citoyens britanniques, the Boaz Trust, des initiatives populaires en Islande et en Nouvelle-Zélande et des connexions avec le Nord de l'Irak. Nous les creuserons bien sûr dès que le prototype sera prêt. 

cafébabel : En Allemagne et en Autriche, le site Refugees Welcome, à partir duquel les citoyens peuvent proposer un toit aux réfugiés, existe déjà. Votre projet est-il indépendant ou pourriez-vous travailler avec eux ? 

Loewenthal : Nous ne travaillons pas directement avec eux pour l'instant, mais nous serions prêts à collaborer avec Refugees Welcome et avec d'autres ONG similaires. Leur modèle diffère du nôtre en ce qui concerne les approches, qui sont facilitées manuellement, alors que MyRefuge permettra aux réfugiés de se mettre directement en relation avec les hôtes.

Cependant, nous voulons intégrer dans le système des ONG qui puissent apporter le même type d'aide que Refugees Welcome apporte aux hôtes et aux réfugiés qui se connectent. En fait, nous croyons fermement que travailler ensemble pour relever ce défi colossal et améliorer cette déplorable situation humanitaire ne peut aboutir qu'à des résultats positifs pour tout le monde.

cafébabel : Pensez-vous que des initiatives telles que la vôtre résoudront la crise des migrants ou faut-il une solution politique ?

Loewenthal : Nous avons résolument besoin de solutions politiques de grande envergure, des décisions doivent être prises par les gouvernements. Mais je crois que les gouvernements ne peuvent prendre de décisions en s'appuyant uniquement sur les ressources qu'ils pensent disponibles. MyRefuge fournit les preuves factuelles de deux ressources : la volonté des citoyens d'accepter des réfugiés ainsi que la capacité d'hébergement du pays. 

cafébabel : Ne pensez-vous pas que la tâche de trouver un toit pour les réfugiés incombe au gouvernement ? Pourquoi impliquer la société civile ? 

Loewenthal : On pourrait avancer que la seule façon efficace que le gouvernement a de savoir si les citoyens acceptent d'accueillir les réfugiés dans le pays est de savoir s'ils sont prêts à les accueillir chez eux. Cependant, il est vrai qu'en l'absence d'hospitalité des citoyens, le gouvernement devrait agir pour aider les réfugiés dont les vies sont en danger.

Nous sommes des êtres humains et nous ressentons de l'empathie, et il va de notre responsabilité d'aider notre prochain en difficulté - ou l'Histoire s'en souviendra. En se montrant généreux, nous assurons que ceux que nous aidons jouent un rôle positif et participent de façon constructive à la vie de la société, socialement, économiquement et politiquement. 

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MyRefugee développe actuellement le prototype d'un site web.  

Translated from MyRefuge: an app to help refugees worldwide find shelter