Messed up : du boucan sur la scène punk biélorusse
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Clémence DaviLorsque l’on parle de la Biélorussie, on évoque rarement leur scène punk rock. Ce pays est parfois perçu comme la dernière dictature européenne. Mais le groupe punk entièrement composé de femmes, Messed Up, a redéfini la scène musicale du pays depuis 2015.
« L'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes proposées pour jouer de la musique est que les organisateurs ont compris que nous n’étions pas simplement des filles avec des guitares. Nous sommes sérieuses, et nous ne laisserons personne nous insulter », explique la guitariste et l'auteure-compositrice Liza. Messed Up est l'un des rares groupes punks biélorusses d’une petite communauté qui tente de diffuser, à travers la musique, des messages à propos des problèmes sociaux en Biélorussie. Mais ce n'est pas facile à faire. Manque d'opportunités pour faire des concerts, illégalité des lieux, préjugés envers le punk dans le pays, être une femme dans un groupe de musique... Messed Up a tout connu.
« Tout d'abord, il n'y a pas beaucoup de spectacles. Parce que les concerts sont généralement illégaux, il est relativement difficile d’obtenir une soirée dans une boîte de nuit ordinaire car les propriétaires ont souvent peur des états de faits et des stéréotypes », explique Liza. Dans le pays, la majeure partie de la scène musicale locale est dominée par la musique de boîte de nuit et la musique pop, il y a un manque d'intérêt manifeste pour le punk-rock. « Les gens... continuent de nous catégoriser. Ils ont peur d'avoir des ennuis après chaque concert. »
« Le rock, c'est pas pour les filles »
Le fait que Messed Up soit actuellement le seul groupe punk de Biélorussie entièrement féminin implique des défis propres. « Nous souhaitons montrer que les femmes peuvent exprimer leur opinion aussi bien que les hommes », ajoute Liza. Pour Messed Up, jouer en tant que groupe entièrement féminin a été une expérience réussie à l’étranger, mais la réaction est complètement différente en Biélorussie. « Parfois, on se prend des regards étonnés quand on arrive sur scène... On entend même des gens dire que "le rock c'est pas pour les filles’" »
La discrimination sexuelle ainsi que la façon dont le punk-rock est perçu actuellement en Biélorussie suffit à expliquer le succès de Messed Up à l'étranger. Le groupe joue fréquemment dans des pays comme la Pologne ou la Lituanie. Liza souligne que, comparé au reste de l’Europe, beaucoup de problèmes liés au genre n’ont pas encore été résolus en Biélorussie. « Malheureusement, notre société fonctionne toujours selon les stéréotypes liés aux rôles sociaux quotidiens des femmes. Malgré le fait que les femmes soient complètement égales aux hommes en termes de lois et de droits, il reste toutefois des problèmes. » En Biélorussie, la place d'une femme se trouve souvent à la maison, elle n’occupe que très rarement des positions de pouvoir ou de leadership.
Je suis une femme, écoutez-moi rugir
« Nos chansons ne parlent pas que de nous. Nous évoquons les problèmes de la société moderne. » Les filles de Messed Up veulent exprimer leurs opinions sur les dysfonctionnements de leur pays. L'hymne du groupe « Je ne le ferai pas » (« I won't ») est un appel à la résistance contre les normes sociales dans un pays où la façon dont les gens agissent et ce qu'ils disent est considéré comme étant tout à fait acceptable, si c'est « normal ». Surtout en ce qui concerne la manière dont les femmes doivent se présenter. Un style de vie « différent » est souvent critiqué. Au final, le groupe tente d'élargir les horizons de la Biélorussie, pour montrer aux gens qu’être différent peut être tout aussi bien.
Beaucoup de chansons de Messed Up traitent de la façon dont la société post-soviétique favorise un certain type de personnes considérées comme ordinaires et la manière dont les personnes en position de pouvoir oppriment celles qui choisissent de vivre différemment. Liza a désigné la domination de « l'injustice, l'hypocrisie et la malhonnêteté » comme le principal moteur de leur combat pour la justice.
« Les difficultés liées au fait d'être un groupe politique en Biélorussie correspondent aux difficultés que l'État peut causer », commente Liza. « Il est difficile de défendre vos convictions si on vous empêche de vous exprimer... » Personne ne doit rester silencieux ou avoir peur. Aujourd'hui, Messed Up enregistre un nouveau vinyle de 4 chansons et tourne une nouvelle vidéo. Les filles espèrent sortir leur premier album d'ici la fin de l'année.
D’ici là, le groupe refuse d'être retenu par le simple fait que la liberté d'expression est limitée dans leur pays. Le punk-rock fait face à de nombreux obstacles en Biélorussie, mais ceux qui sont en première ligne continuent de se battre pour se faire entendre. « Le punk-rock nous rend libres... Nous exprimons notre mécontentement ! Nous voulons être entendus. Et ce, pas seulement à l'étranger, mais aussi dans notre pays. »
Translated from Belarus' messed up punk scene